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L’élaboration des matériaux incorporant des particules végétales s’est concentrée jusqu’à présent sur deux types de liants, à savoir le ciment et les formulations à base de chaux. Ce chapitre est dédié à l’élaboration d’une formulation de base à partir des matières premières minérales décrites dans la Partie II. Mélange d’une chaux aérienne et d’un sable volcanique, il s’agit purement d’un liant dit pouzzolanique.

I.1. L

ES POUZZOLANES

Selon la norme ASTM-C-618 [AST 08], une pouzzolane se définit comme étant un matériau siliceux ou un matériau silicoalumineux qui ne possède par lui-même aucune ou à peu près aucune valeur liante mais qui, sous forme de poudre et en présence d’humidité, réagit chimiquement avec l’hydroxyde de calcium CaOH2 solubilisé à des températures ordinaires pour former des composés avec des propriétés liantes. Cette réaction est dite « pouzzolanique ».

Dans la suite de ce document, tout matériau qui mélangé avec de la chaux et de l’eau engendre une réaction pouzzolanique pourra être désigné par le nom générique « pouzzolane ». Ce terme générique est issu de la ville italienne de Pouzzoles. Située au pied du Vésuve, on y trouve un sable volcanique qui fut utilisé par les romains pour confectionner des bétons résistants à l’eau (le fameux « béton romain »). Des édifices utilisant ces bétons sont toujours debout à l’heure actuelle, notamment le pont du Gard ou le Colisée à Rome, et témoignent de la durabilité de ce type de matériaux. L’architecte romain Vitruve a d’ailleurs été le premier à compiler des informations empiriques sur ces bétons et leur utilisation dans le bâtiment [VIT 00]. Les romains ne sont cependant pas les seuls à avoir utilisé des matériaux pouzzolaniques. Depuis plus de 2000 ans, les habitants de Bali utilisent un mélange de chaux coralienne et de cendres de leur volcan sacré, l’Agung, pour construire des murets [DEL 96].

L’activité industrielle humaine est génératrice d’un certain nombre de matériaux pouzzolaniques artificiels comme les laitiers d’aciéries ou encore les cendres volantes [DEL 03, PIC 94]. Le choix d’une démarche régionale pour le projet nous conduit à nous intéresser aux matériaux naturels et plus particulièrement à ceux d’origine volcanique présents en grande quantité dans le massif central. La diversité des mécanismes ayant conduit à la formation de ces pierres a produit des gisements de composition et de structure très variées [PIC 94, BES 78] qui constituent une ressource très importante qu’il convient d’étudier et d’analyser pour répondre correctement à des applications techniques.

I.2. L

A REACTION POUZZOLANIQUE

La réaction pouzzolanique est largement connue des cimentiers comme une réaction secondaire de la prise cimentaire. Elle s’effectue dans ce cas entre la portlandite nouvellement formée pendant la prise hydraulique et les aluminosilicates présents dans le ciment. De nombreuses formulations de ciment incluent désormais des pouzzolanes industrielles telles que les laitiers de haut fourneau et les cendres volantes (Ciments de type III). Les matériaux pouzzolaniques doivent leurs propriétés liantes à leur teneur importante en matériaux acides [DRO 78]. La réaction de base peut être décrite de façon simpliste dans la Figure III. 1.

Dron [DRO 78] décrit l’activité pouzzolanique en suivant le modèle de Le Chatelier comme une « attaque alcaline superficielle» de minéraux silico-alumineux par une solution saturée en chaux suivie d’une recombinaison des ions résultants avec la chaux présente dans la solution. Les pouzzolanes sont constituées majoritairement de feldspaths (cf. Chapitre IV, I.1.3) qui appartiennent à la classe minéralogique des tectosilicates. Leur structure cristalline résulte d’un arrangement de tétraèdres Si4+

(O2

-)4 et Al3+

(O2

-)4 dont les atomes d’oxygène assurent les liaisons. Les étapes de la réaction pouzzolanique (cf. Figure III. 1) peuvent être décrites de manière simplifiée comme suit :

 Attaque : Les tétraèdres Si4+(O2-)4 et Al3+(O2-)4 qui composent les verres amorphes du matériau pouzzolanique sont séparés et libèrent des ions [SiO(OH)3] -et [Al (OH)4]-.

 Diffusion : Sous l’effet de l’agitation thermique, il y a diffusion de ces ions jusqu’à la formation de foyers de cristallisation.

 Cristallisation des hydrates : Les ions silicates et aluminates réagissent avec la chaux libre pour former des hydrates solides.

Figure III. 1. Mécanisme de base de la réaction pouzzolanique. Silice + Alumine

+

Ca(OH)2+ Eau = OH -Ca2+

Silicates calciques hydratés (CSH) Aluminates calciques hydratés

[Al(OH)4] -[SiO(OH)3] -Hydrolyse de la chaux 1 Attaque alcaline 2 Diffusion ionique 3 Cristallisation des hydrates 4

I.3. L

E SYSTEME

A

L2

O

3

-S

I

O

2

-C

A

O-H

2

O

A TEMPERATURE AMBIANTE

Typiquement, les produits d’une réaction pouzzolanique qui s’effectue à température ambiante entre la chaux et les pouzzolanes vont être majoritairement des Silicates de Calcium Hydratés (CSH27

) ou des silico-aluminates de calcium hydratés. Plusieurs auteurs [MAS 74, DRO 74, SHI 00-2] ont décrit les phases néoformées lors de cette réaction, très proches de celles formées par les réactions d’hydratation des ciments Portland. Shi et Day [SHI 00-2] s’attardent sur les transformations chimiques principales successives qui conduisent à la formation de ces hydrates à une température de 23°C.

Lorsque de l’eau est ajoutée à un mélange pouzzolane-chaux, on assiste dans un premier temps à l’hydrolyse de la chaux selon la réaction:

Ca(OH)2 → Ca2+ + 2OH- Eq. III. 1.

Cette dissolution entraine une augmentation rapide du pH de la solution qui s’établit autour de 12,5 à température ambiante. Sous l’attaque des ions OH-, les alcalins modificateurs de réseau présents dans les grains de ponce (Ca2+, K+, Na+, …) subissent une dissolution également rapide. Les verres alumino-silicatés présentent des énergies de liaison supérieures à celles des alcalins et nécessitent une attaque plus longue des ions OH- :

⎯ Si-O-Si ⎯ + 3OH- → [SiO(OH)3]- Eq. III. 2.

27

Rappelons qu’en notations cimentières C équivaut à CaO, A à Al2O3 et S à SiO2.

⎯ Si-O-Al ⎯ + 7OH- → [SiO(OH)3]- + [Al(OH)4]- Eq. III. 3.

Figure III. 2. Diagramme d'hydratation du système Pouzzolanes – Chaux - Eau [DRO 78]

Ca(OH)2 Al(OH)3 Si(OH)4 CSH C2AH8 C4AH13 C2ASH8 Verre silico-alumineux I II

Lorsque les ions Ca2+ présents en solution sont au contact de ces monosilicates ou monoaluminates, divers hydrates décrits dans le diagramme de phase ternaire Ca(OH)2 -Si(OH)4-Al(OH)3 (cf. Figure III. 2) :

 CSH: Silicates de calcium hydratés retrouvés sous forme d’un gel à faible cristallinité. La formation des CSH. se fait suivant l’équation de base suivante :

Y [SiO(OH)3]- +X Ca2+ + (Z – X - Y )H2O + (2X–Y) OH-

→ (CaO)X (SiO2)Y H2O)Z Eq. III. 4.

 C4AH13 : Aluminates Tetracalciques hydratés, présents sous forme cristallisée :

2 [Al(OH)4]- + 4Ca2+ + 6H2O + 6OH- → C4AH13 Eq. III. 5.  C2ASH8: Gelhenite hydratée. Cette phase n’est formée que dans le domaine I du diagramme de phase ternaire, c’est à dire quand la chaux n’est pas en excès. La formation de la Gelhenite s’effectue suivant la relation suivante :

2 [Al(OH)4]- + [SiO(OH)3]- + 2Ca2+ + 2H2O + OH-→ C2ASH8 Eq. III. 6.

I.4. D

ISCUSSION

Les hydrates formés lors d’une réaction pouzzolanique présentent des compositions chimiques et une stœchiométrie proches de celles obtenues avec les ciments. La formation des hydrates pouzzolaniques s’effectue cependant de manière différente de celle mise en jeu dans les processus cimentaires. Le pH imposé dans le milieu interstitiel par les mécanismes dirigeant la réaction pouzzolanique est d’ailleurs équivalent à celui de la chaux aérienne, c’est à dire environ 12,5. La manière dont les végétaux vont interagir avec les processus mis en jeu dans ces liants est dès lors une piste d’étude intéressante.