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1.3 Relations entre eau et minéraux dans le cadre du climat martien actuel

2.1.1 Diversité des formes d’association entre eau et minéraux

Dans la littérature, le terme « minéral hydraté » est souvent employé de façon relativement vague pour décrire une forme d’association entre un minéral et des molécules d’eau. Cepen-dant, les propriétés chimiques singulières de la molécule d’eau autorisent une large variété de processus d’interaction avec les minéraux, couvrant une gamme étendue d’énergies de liaison. Il est donc nécessaire dans un premier temps de discriminer et détailler les différents processus en jeu et les structures associées.

La première distinction majeure à opérer est celle qui sépare l’eau structurale, partie intégrante de la formule d’un minéral, et l’eau échangeable dont la quantité est susceptible de varier sans influer sur les propriétés fondamentales du minéral. On distinguera à nouveau différentes catégories d’eau échangeable selon les processus d’échange impliqués : « physisorption » ou « chimisorption ». Abordons successivement ces différents types d’associations en procédant par énergie d’interaction croissante.

Adsorption sur les surfaces externes des grains.

La forme d’interaction la moins énergétique entre une molécule d’eau et un minéral est l’ad-sorption de l’eau sur la surface externe des grains du minéral, processus également appelé « physisorption ». Seules des interactions électriques de faible intensité, les forces de Van der Walls, sont impliquées. L’adsorption de surface est susceptible d’affecter n’importe quel type de minéral et plus généralement tout type de solide. La quantité d’eau adsorbée dépend essen-tiellement de la surface spécifique d’adsorption du minéral, elle même dépendante au premier ordre de la taille des grains, ainsi que de l’humidité relative et dans une bien moindre mesure de la température. On appelle isotherme d’adsorption ou de désorption la relation établie entre la quantité d’eau adsorbée ou désorbée et la pression partielle en eau à une température don-née. Les relations entre ces paramètres sont détaillées au paragraphe 2.1.2. Certaines familles de minéraux possèdent des surfaces spécifiques d’adsorption très grandes. C’est notamment le cas des oxydes de métaux dont certains représentants présentent des tailles de particules très réduites (nanophases).

Adsorption dans les pores.

En plus de la surface externe des grains, l’adsorption des molécules d’eau peut se produire dans des sites spécifiques dans lesquels l’eau est plus fortement liée qu’en surface des grains. Il s’agit en premier lieu des pores. La nomenclature de l’IUPAC1 distingue « micropores »

Hydratation minérale : définition des termes et des processus.

Fig.2.1: Représentation schématique d’une smectite de type Montmorillonite avec des ions so-dium : Na+ comme cation interfoliaire. Schéma réalisé en combinant deux schémas provenant de Wikipedia. Les échelles relatives des rayons atomiques ne sont pas respectées.

(diamètre : d < 2nm), « mésopores » (2 nm < d < 50 nm) et « macropores » (d > 50 nm). La présence de l’une ou de plusieurs de ces porosités dans les matériaux tend à augmenter la surface spécifique d’adsorption et influence de façon considérable les formes des isothermes d’adsorption et de désorption. Ces effets sont détaillés en section 2.1.2.

Adsorption dans des sites cristallographiques particuliers : exemple des smectites D’autre part, certains minéraux possèdent dans leur structure cristallographique des sites particuliers dans lesquels les molécules d’eau peuvent pénétrer. Citons en particulier certains phyllosilicates comme les smectites qui sont d’un intérêt particulier dans le cas de Mars (Cha-pitre 1, section 2). La figure 2.1 présente la structure cristallographique d’une smectite de type Montmorillonite : (Na, Ca)0,33(Al, Mg)2Si4O10(OH)2.

On visualise facilement la structure en feuillets caractéristique des phyllosilicates. Ici, chaque feuillet est constitué d’une couche octaédrique (O) entourée de deux couches tétraédriques (T) ainsi nommées d’après l’environnement du cation central, respectivement aluminium et silicium dans ce cas. Le site d’intérêt en terme d’hydratation est l’« espace interfoliaire » qui accueille différents cations qui équilibrent la charge électrique globale négative des feuillets. On les appelle cations interfoliaires ou « compensateurs ». De nombreuses molécules d’eau sont susceptibles de se lier chimiquement au cation par établissement de liaisons ioniques. On parle dans ce cas de « solvatation » du cation interfoliaire par des molécules d’eau. Cette solvatation du cation entraîne un élargissement de l’espace interfoliaire. Dans le cas de smectites calciques, cet écartement se limite à l’épaisseur de 4 molécules d’eau soit environ 2 nm. Par contre, si le cation compensateur est Na+, la distance interfoliaire peut s’étendre jusqu’à 15 nm permettant l’incorporation d’une quantité d’eau considérable.

Une autre structure cristallographique particulièrement favorable à l’adsorption d’eau est celle du groupe des zéolites (tectosilicates), évoqué à propos de la surface de Mars (Bish et al., 2003). Cette structure comporte des « cages » de taille moléculaire constituant des « micropores ». D’importantes quantités d’eau peuvent y être incorporées et ce même à de faibles valeurs d’humidité relative.

Eau structurale : exemple des sulfates

Dans tous les exemples cités pour le moment, la quantité d’eau liée au minéral était suscep-tible de varier de manière continue en fonction de certaines propriétés telles que la surface spécifique ou l’humidité relative. Abordons maintenant le cas des minéraux contenant de l’eau structurale. Les molécules d’eau, intégrées au réseau cristallin, apparaissent désormais dans la formule chimique qui définit le minéral considéré. La quantité d’eau d’hydratation contenue dans une phase minérale particulière est donc parfaitement déterminée par les coefficients stoechiométriques de sa formule chimique. On parle parfois d’ « eau stoechiométrique ». Par opposition, l’eau adsorbée décrite dans les paragraphes précédents est alors qualifiée de « non stoechiométrique ». Toute variation de la quantité d’eau lors d’une hydratation ou d’une déshydratation conduit à un changement de phase, parfois irréversible.

Dans le cas de la surface martienne, l’exemple le plus répandu de ce type d’hydratation est le groupe des sulfates (Chapitre 1, section 2). Les sulfates sont formés à partir de l’ion sulfate :

SO24, de cations et d’un nombre variable de molécules d’eau. Les propriétés de la série des sul-fates magnésiens : MgSO4, nH2Oont été particulièrement étudiées en laboratoire, notamment en réponse aux problématiques martiennes (Vaniman et al., 2004; Chou et Seal, 2007). Trois phases sont couramment observées sur Terre. Il s’agit de l’heptahydrate : MgSO4, 7H2O (Ep-somite), de l’hexahydrate : MgSO4, 6H2O (Hexahydrite) et du monohydrate : MgSO4, H2O

(Kiésérite). On rencontre également, plus rarement, les phases métastables contenant 2 (San-dérite), 4 (Starkeyite) ou 5 (Pentahydrite) molécules d’eau par anion sulfate. Sur Mars, des phases beaucoup plus hydratées telles que MgSO4, 11H2O (pas de nom de minéral associé) sont envisagées. Les transitions de phase entre ces différents états d’hydratation impliquent un grand nombre de molécules d’eau pour chaque molécule de sulfates impliquée. Leur effet sur les échanges d’eau entre atmosphère et surface pourrait donc être notable à l’échelle des cycles diurnes et saisonniers. Néanmoins les cinétiques de ces transitions restent encore discutées. A titre d’exemple, la figure 2.2 représente côte à côte les structures atomiques calculées par Wang et al. (2006a) des phases Espomite (a), Starkeyite (b) et Kieserite (c).

D’autres types de sulfates sont envisagés sur Mars, en particulier les sulfates de calcium, iden-tifiés en plusieurs endroits (chapitre 1). Les sulfates de calcium sont moins hydratés que les sul-fates de Magnésium. Ils présentent trois phases stables : le gypse, dihydraté (CaSO4, 2H2O), l’hémihydrate (CaSO4,12H2O) et l’anhydrite (CaSO4). On distingue souvent deux formes d’anhydrite (γ et β) formées par déshydratation à des températures différentes. Alors qu’en

Hydratation minérale : définition des termes et des processus.

Fig.2.2: Structures atomiques des phases Espomite (a), Starkeyite (b) et Kieserite (c). Extrait de Wang et al. (2006a).

présence d’humidité la phase γ s’hydrate lentement pour former du gypse, la phase β est stable à l’état anhydre.

La Jarosite, sulfate de potassium et de fer a été observée in-situ dans Meridiani Planum par le rover MER-B Opportunity (Chapitre 1). Cependant ce sulfate est différent des séries d’hydrates de sulfate de magnésium et calcium précédemment évoquées. En effet, sa formule structurale s’écrit : KF e3(OH)6(SO4)2 ce qui ne fait pas directement apparaître la molé-cule d’eau. Ce minéral rentre donc plutôt dans la famille des minéraux hydroxylés présentée ultérieurement.

Le cas particulier de la ferrihydrite

Un autre groupe de minéraux particulièrement intéressant dans le cas de Mars est celui des oxydes et hydroxydes de fer. Ce groupe comprend des minéraux structuralement anhydres, Wustite (F eO), Hématite (F e2O3) mais susceptibles d’adsorber des quantités d’eau considé-rables en raison de leur taille de grain très fine et de leur microporosité ainsi que des minéraux contenant de l’eau structurale comme la Ferrihydrite. Cette dernière phase a été évoquée dans le cas de Mars (Bishop et al., 1993; Treiman et al., 1993). Néanmoins la formule chimique et la structure cristallographique de la ferrihydrite restent encore relativement discutées à l’heure actuelle (Manceau et Gates, 1997; Michel et al., 2007a,b). La ferrihydrite, qu’elle soit naturelle ou synthétique, est en effet nanocristalline (cristaux < 20 nm) voire partiellement amorphe. Pour cette raison, les méthodes de caractérisation usuelles sont difficiles à employer. De plus, il existe une diversité manifeste au sein des échantillons de ferrihydrite naturels ou synthétisés. De fortes incertitudes persistent notamment sur la nature et la quantité de l’eau d’hydrata-tion. Il est ainsi très difficile de déterminer le rapport entre les quantités d’eau adsorbée et d’eau liée. Néanmoins, Michel et al. (2007a) ont récemment proposé un nouveau modèle de ferrihydrite correspondant à la formule chimique : F e10O14(OH)2 donc sans eau de structure

Fig. 2.3: Représentation polyédrique de la structure d’une maille élémentaire de ferrihydrite. Reproduit d’après Michel et al. (2007a). L’eau n’apparaît pas dans cette structure bien qu’une certaine quantité d’eau « liée » soit mise en évidence pas des analyses thermiques (Michel et al., 2007b). La position et la nature exacte de cette eau restent encore relativement mystérieuses. à proprement parler. Ce modèle de structure est reproduit en figure 2.3. Cependant Michel

et al. (2007b) mettent également en évidence par des analyses thermiques la présence d’eau

« liée chimiquement » présente sur les surfaces externes du minéral. De plus, ce modèle a depuis sa publication fait l’objet de plusieurs critiques (par exemple : Rancourt et Meunier, 2008). On voit donc que malgré ces avancées récentes, la nature et la répartition de l’eau dans ce minéral restent encore très mystérieuses.

Minéraux hydroxylés.

Toutes les formes d’« hydratation » décrites jusqu’à présent impliquent de l’eau moléculaire :

H2O. Il convient d’aborder également le cas des minéraux « hydroxylés », contenant l’anion hydroxyle : OH. En effet, les liens entre minéraux hydratés et hydroxylés sont nombreux, à tel point que la distinction entre eau moléculaire et ion hydroxyle est souvent omise dans la littérature. On peut envisager l’hydroxylation comme la forme la plus énergétique d’association entre minéral et eau puisqu’une liaison covalente est établie entre l’atome d’oxygène et un atome du minéral. Elle s’observe au sein de nombreux groupes de minéraux, en particulier les phyllosilicates (Montmorillonite, figure 2.1), les sulfates (Jarosite) et les hydroxydes de fer (par exemple, la Goethite : F eO(OH)) dont la description a déjà été abordée dans les paragraphes précédents.

Hydratation minérale : définition des termes et des processus. Détermination du type d’hydratation par thermogravimétrie

Les différentes formes d’interaction entre eau et minéraux détaillées jusqu’à présent font inter-venir une large gamme d’énergies de liaison, depuis les forces de Van der Walls qui prévalent dans le cas de l’adsorption sur les surfaces jusqu’aux liaisons covalentes. Cette forte variabi-lité des énergies de liaison permet de caractériser simplement et efficacement le ou les types d’hydratation d’un minéral en étudiant sa perte de masse en réponse à un chauffage graduel. Cette méthode est appelée « thermogravimétrie ». On distingue ainsi les pertes de masse dues à la désorption de l’eau adsorbée en surface, à l’eau liée, aux ions hydroxyle... qui ont toutes lieu pour des gammes de température différentes.