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3 Pratiques sylvicoles de gestion des risques

3.2 Diversification en essences : une application de la th´ eorie fi- fi-nanci`ere

a la seconde r´evolution. Le changement climatique agit sur le taux de mortalit´e de l’´epic´ea, avec une probabilit´e p, le taux de mortalit´e est ´elev´e. L’analyse de sensibilit´e sur ce param`etre nous permet ainsi de prendre en compte la caract´eristique 1. Nous consid´erons que l’information sur le taux de mortalit´e est r´ev´el´ee au bout de 5 ou 10 ans, ce qui nous permet d’int´egrer la caract´eristique 2. Ainsi, nous prenons en compte l’arriv´ee d’information au cours du processus d´ecisionnel. De ce fait, trois strat´egies s’offrent au propri´etaire : 1/ r´eg´en´erer l’essence en place pour encore une r´evolution et changer d’essence ensuite (strat´egie 1) ; 2/ changer d’essence maintenant et la laisser se r´eg´en´erer par la suite (strat´egie 2) ; 3/ reporter sa d´ecision jusqu’au moment o`u l’information sur l’´etat du monde est r´ev´el´ee, en n = 5 ou n = 10 (strat´egie 3). Nous calculons le BASI associ´e `a chacune de ces strat´egies avec un taux d’actualisation14 de 4%. Nous montrons que sans changement climatique, il semble profitable de conserver l’essence en place pour encore une r´evolution. L’introduction du changement climatique rend l’arbitrage entre les trois strat´egies d´ependant de p et n. Ainsi, quel que soit n, pour des valeurs faibles de p, la strat´egie 1 l’emporte, pour des valeurs interm´ediaires, la strat´egie 3 l’emporte et enfin pour des valeurs ´elev´ees, la strat´egie 2 semble pr´ef´erable.

Ce travail montre que le changement d’essence peut ˆetre une strat´egie de gestion des risques int´eressante sous certaines conditions concernant l’impact du changement climatique sur l’essence en place. Dans la section suivante, une autre pratique sylvicole de gestion des risques est analys´ee, la diversification en essences.

3.2 Diversification en essences : une application de la th´eorie

fi-nanci`ere

La litt´erature en ´economie foresti`ere a d´ej`a eu recours `a la diversification en essences. Celle-ci a ´et´e abord´ee dans la litt´erature par deux canaux principaux : l’impact des actions de gestion

foresti`ere sur la diversit´e en essence (Lu & Buongiorno (1993) ; Buongiorno et al. (1995)) et la composition optimale d’une forˆet en terme d’essences (Knoke et al. (2008) ; Roessiger et al. (2011) ; Neuner et al. (2013)). Ce second canal est abord´e via la th´eorie de la s´election de portefeuille, o`u les essences d’arbre correspondent aux traditionnels actifs financiers. Par exemple, Knoke et al. (2008) concluent que les forˆets m´elang´ees sont pr´ef´erables pour les propri´etaires forestiers aux monocultures. Ils obtiennent ce r´esultat pour une combinaison d’´epic´ea (Picea abies) et de hˆetre (Fagus sylvatica). Bien que l’´epic´ea pr´esente d’importantes fluctuations dans les rendements, ce qui implique que cette essence soit particuli`erement expos´ee au risque, les auteurs observent que c’est elle qui a le meilleur rendement financier. Ils montrent que le m´elange qui est pr´ef´erable ´economiquement est de 50% d’´epic´ea et de 50% de hˆetre. Le fait de mixer une essence risqu´ee avec le hˆetre pourrait donc ´equilibrer les risques et les rendements financiers. La premi`ere ´etude qui mixe une grande vari´et´e d’essences est propos´ee par Neuner et al. (2013). Les auteurs se focalisent sur les aspects financiers en recourant au crit`ere de la Valeur Actuelle Nette15d’une forˆet d´etenue par une compagnie priv´ee en Bavi`ere, Allemagne. Les auteurs d´eterminent le pourcentage optimal de chaque essence dans le peuplement. Des essences telles que l’´epic´ea ou le douglas s’av`erent ˆetre sources de revenus, alors que d’autres - incluant les feuillus - servent principalement `a att´enuer les risques.

Les ´etudes mentionn´ees ci-dessus d´eterminent l’optimum revenu-risque `a partir de simulations pour les prix et les revenus. Nous proposons une approche diff´erente, en ce sens que nous simulons le portefeuille `a partir de donn´ees historiques de l’IGN (Institut G´eographique National) portant sur les productivit´es des essences. Par cons´equent, au lieu de calculer l’optimum revenu-risque, nous d´eterminons l’optimum productivit´e-risque. Le risque correspond alors `a la vuln´erabilit´e, i.e. l’amplitude de variation autour de la productivit´e (Tilman et al. (1997)). Nous concentrons notre analyse sur la France et sur 7 essences foresti`eres : chˆene p´edoncul´e (Quercus robur ), chˆene pubescent (Quercus pubescens), chˆene sessile (Quercus petraea), chˆene vert (Quercus ilex ), hˆetre (Fagus sylvatica), pin sylvestre (Pinus sylvestris) et m´el`eze (Larix decidua) qui repr´esentent bien la diversit´e en essences de la France.

Notre approche est en plusieurs ´etapes. Dans un premier temps, nous rappelons le mod`ele th´eorique de la s´election de portefeuille qui minimise le risque du portefeuille (Markowitz (1952)).

et par d´epartement et nous produisons une carte. Dans un troisi`eme temps, nous d´eveloppons un simulateur sous excel d´eterminant les portefeuilles optimaux pour chaque d´epartement fran¸cais. Cette troisi`eme ´etape est compos´ee de plusieurs parties : 1) calcul de la productivit´e moyenne et de la vuln´erabilit´e moyenne par d´epartement ; 2) calcul de la matrice de covariance par d´epartement ; 3) calcul des portefeuilles actuels et optimaux par d´epartement ; 4) repr´esentation de la fronti`ere d’efficience ; 5) production d’une carte de la France avec les portefeuilles optimaux par d´epartement ; 6) analyse d’une potentielle corr´elation lin´eaire entre le poids de chaque essence dans le portefeuille optimal et la probabilit´e de survie correspondante.

Les ´etapes 3) et 4) sont particuli`erement importantes. Au sein de ces ´etapes, nous simulons 10 portefeuilles qui diff`erent quant `a leur productivit´e et leur vuln´erabilit´e. Nous avons ainsi 7 portefeuilles avec des productivit´es plus faibles que celle du portefeuille actuel, et 3 portefeuilles avec des productivit´es plus fortes16. Le portefeuille actuel d´ecrit la situation telle qu’elle est actuellement observ´ee. Le portefeuille optimal conserve la productivit´e du portefeuille actuel mais minimise la vuln´erabilit´e. Ainsi, nous mettons en exergue une combinaison optimale d’essences par d´epartement, optimale en ce sens qu’`a productivit´e identique, cette combinaison minimise la vuln´erabilit´e.

Nos r´esultats pour la France enti`ere corroborent les ´etudes existantes et les recommandations actuelles. A long terme, la pr´esence historique du hˆetre est remise en question (Hanewinkel et al. (2012)). Comme indiqu´e par Badeau et al. (2010), une r´eduction drastique de cette essence au sein de son aire de r´epartition pour 2100 devrait ˆetre observ´ee et elle ne devrait subsister que dans le nord-est de la France et les zones montagneuses. De plus, l’´equilibre entre chˆene sessile et chˆene p´edoncul´e devrait ˆetre modifi´e en faveur du chˆene sessile, ce dernier ayant d´ej`a prouv´e ˆetre plus adaptatif et r´esistant `a la s´echeresse (Br´eda et al. (1993) ; Vivin et al. (1993)). Concernant, la potentielle corr´elation lin´eaire entre probabilit´es de survie et poids de l’essence dans le portefeuille optimal, nous montrons qu’elle est bien r´eelle. En effet, les essences ayant une probabilit´e de survie ´elev´ee sont ´egalement celles qui doivent ˆetre privil´egi´ees dans les portefeuilles optimaux. De ce fait, l’´economie foresti`ere et l’´ecologie foresti`ere conduisent `a des r´esultats convergents.

Ce travail a ´et´e r´ealis´e dans le cadre du projet LABEX ARBRE intitul´e “Portfolio manage-ment of mixed-wood forests” (2013, coordinateur : Marielle Brunette).

Plusieurs extensions de ce travail initial sont actuellement en cours et font partie du projet Chaire AgroParisTech ONF Forˆets pour demain intitul´e “Portefeuille d’essences et s´equestration de carbone” (2014-2015, coordinateur : Antonello Lobianco). La premi`ere direction consiste `a introduire l’aversion au risque des propri´etaires forestiers. En effet, actuellement l’hypoth`ese de neutralit´e face au risque est pos´ee, ce qui constitue une simplification. Deuxi`ement, des discussions sont en cours avec des chercheurs du LERFOB (Laboratoire d’´Etudes des Ressources Forˆet-Bois) afin de faire des projections de portefeuilles optimaux. Actuellement, les donn´ees de productivit´es que nous poss´edons sont historiques, de sorte que les portefeuilles optimaux calcul´es sont des portefeuilles actuels. Les chercheurs du LERFOB travaillent au calcul de productivit´es futures, `a horizon 2050 et 2100, pour sept essences foresti`eres diff´erentes, par d´epartement et sous diff´erents sc´enarios climatiques. De telles productivit´es nous permettraient de d´eterminer les portefeuilles d’essences optimaux en 2050 et 2100 et d’int´egrer une dimension climatique `a notre travail. Enfin, nous souhaiterions introduire une dimension carbone dans le simulateur en convertissant les volumes sur pieds en tonne de CO2.

Les travaux ´evoqu´es ci-dessus se concentrent chacun sur une seule pratique sylvicole de gestion des risques, le changement d’essence ou la diversification en essences. Or, pour un mˆeme peuple-ment, les pratiques de gestion des risques existantes sont multiples, pouvant aller de la r´eduction de la r´evolution `a la r´eduction de la densit´e. Ce qui semble donc int´eressant, d’un point de vue ´economique, est de savoir laquelle des pratiques permet de minimiser les pertes. L’id´ee serait alors de comparer diff´erentes pratiques sylvicoles de gestion des risques au sein d’un mˆeme travail.

3.3 Comparaison de diff´erentes pratiques : une approche par

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