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CHAPITRE 1 Revue des travaux antérieurs

1.3. Enrichissement de l’environnement chez le porc à l’engraissement

1.3.3. Disposition des objets

En plus des caractéristiques des objets, reliées avec le type de matériau de fabrication, la disposition des objets aurait un impact sur l’intérêt qu’ils suscitent.

1.3.3.1. Objets libres dans le parc

Ces objets sont placés dans le parc d’engraissement sans être fixés aux murs ou au plancher. Ceux- ci peuvent être manipulés à la grandeur du parc. L’un des désavantages les plus souvent répertoriés est le désintéressement du porc après un certain temps, principalement causé par l’insalubrité de l’objet (Blackshaw et al., 1997; Van de Weerd et al., 2003). Des objets souillés risquent d’engendrer des temps et des intensités d’utilisation moindres que des objets propres (Bracke, 2007). Pour contrecarrer ce problème, il est possible de nettoyer les objets sur une base quotidienne, mais cela

13 demande du temps en main-d’œuvre et les objets se resalissent rapidement. Les objets libres peuvent également se coincer sous la mangeoire ou encore être poussés dans un autre parc (Blackshaw et al., 1997). Les prochains paragraphes présentent quelques exemples courants d’objets libres déposés dans les parcs d’engraissement.

Les morceaux de bois

Le bois est souvent cité comme étant l’un des matériaux les plus attrayants pour les porcs, spécialement s’il s’agit d’un bois frais. Cependant, lorsque les morceaux de bois sont présentés directement au sol, l’intérêt des porcs pourrait être amoindri comparativement à une disposition qui évite le contact avec le sol. Dans l’étude de Trickett et al. (2009), les blocs de bois déposés au sol dans les parcs ont été manipulés moins souvent que des cordes suspendues, autant lorsque ces deux enrichissements étaient offerts séparément ou simultanément. Le manque de mobilité et l’insalubrité d’un bloc de bois souillé au sol, après un certain temps, pourraient amenuiser l’attrait.

Les balles

Des balles sont commercialisées pour différentes espèces animales, autant pour les animaux de compagnie et les animaux d’élevage que les animaux de zoo. Elles sont conçues pour inciter le jeu et sembleraient être préférées des espèces qui ont une certaine dextérité des membres antérieurs. Les porcs vont plutôt sentir, tenter de gruger la balle et lui donner des coups de tête. La dureté et la forme d’une balle de plastique rendent le mâchouillage difficile. Pour ces raisons, il a déjà été noté qu’une balle de plastique suscite une utilisation moins fréquente qu’une chaîne de métal suspendue (Hoges, 1991, cité par Bracke et al., 2006). L’attrait pour une balle serait variable d’un porc à l’autre et serait également plus grand lorsque les porcs ont déjà été en contact avec d’autres types d’enrichissement auparavant. Lorsqu’élevés dans un environnement peu enrichi, les porcs ont montré moins d’intérêt et une plus grande peur envers une balle nouvellement introduite, comparativement aux porcs évoluant dans un environnement déjà enrichi (Tönepöhl et al., 2012).

Autres objets

Plusieurs autres types d’objets ont été testés (des jouets de caoutchoucs pour chiens, des contenants de plastique ou encore tout simplement des roches), mais l’information sur ces objets moins utilisés est plus rare dans la littérature. Il est tout de même possible d’appliquer la logique générale sur l’appréciation des objets : ceux faits de matériaux plus tendres, qui sont manipulables avec la gueule des porcs, sont préférés.

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Le principal désavantage d’un objet libre semble être la souillure rapide. Il permet par contre d’être manipulé à n’importe quel endroit dans le parc, augmentant l’activité des porcs. L’objet devrait idéalement pouvoir être mâchouillé ou manipulé avec la gueule.

1.3.3.2. Objets fixes

L’avantage le plus marqué d’un objet fixé est qu’il laisse la liberté aux porcs de satisfaire vivement leur besoin de le mâchouiller. Pour le producteur, ces objets peuvent être moins encombrants lorsqu’ils doivent aller dans les parcs. Lorsque surélevés du sol, ils se salissent moins rapidement. Cependant, ils ont moins tendance à engendrer des temps de manipulation aussi longs qu’un objet suspendu, bien que cette affirmation soit variable selon le type de matériau utilisé.

Objets fixés au mur ou à une barrière

Cette méthode de fixation permet de placer l’objet à la hauteur des yeux des porcs, accentuant les chances d’engendrer des interactions. Elkmann et Hoy (2009) ont testé l’ajout d’un bloc de bois fixé au mur à l’aide d’un tuyau métallique, ce qui lui permettait d’être soulevé à la verticale (figure 1.1). Cet objet a été comparé à des blocs de bois suspendus (figures 1.4A et 1.4B). Les temps d’utilisation moyens, du début à la fin de l’engraissement, ont été supérieurs pour le bois fixe par rapport au bois sous forme de pendule.

Objets fixés au sol

Ce positionnement offrirait aux porcs l’opportunité de mieux flairer, mâcher et détruire (lorsque le matériau le permet) les objets. Courboulay (2004) a obtenu deux fois plus de manipulations pour des tuyaux de plastique fixés au sol comparativement à ces mêmes tuyaux suspendus. Les tuyaux fixes ont été léchés et flairés beaucoup plus longtemps. Ces tuyaux ont également été considérablement plus détruits que ceux suspendus. Cela s’est traduit par une diminution des temps de contact entre les congénères. Ce même montage a engendré des résultats comportementaux comparables à la mise à disposition de paille dans un râtelier (Courboulay, 2006). L’utilisation plus marquée des chaînes et des tuyaux de plastique au sol s’est répétée dans une étude ultérieure (Courboulay, 2011). Les objets au sol laissent l’opportunité aux porcs de manipuler les objets lorsqu’ils sont couchés. Les porcs auraient tendance à utiliser la zone où se trouve l’objet comme zone de repos, améliorant la propreté de ce lieu et des objets (Courboulay, 2004).

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Figure 1.1. Bloc de bois fixé à un tuyau offrant un mouvement vertical seulement. Tiré de Elkmann et Hoy (2009).

Figure 1.2. Embranchement de chaînes suspendues à un barreau horizontal d’un parc d’engraissement de porcs. Tiré de Telkänranta et al. (2014)

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Les objets fixes ont donc l’avantage de permettre aux porcs de mâchouiller les objets d’une manière plus satisfaisante. Au sol, les porcs peuvent manipuler les objets même lorsqu’ils sont couchés, pouvant augmenter le temps d’utilisation. Ces objets sont par contre plus à risque de se salir rapidement.

1.3.3.3. Objets suspendus

Ces objets sont suspendus à partir des structures des parcs, du plafond ou d’un montage fabriqué sur mesure. La hauteur à laquelle ils sont présentés est généralement celle des épaules des porcs ou plus près du sol, de manière à ce qu’ils soient constamment visibles. Ce type d’enrichissement serait propice à maintenir l’intérêt des porcs sur une plus longue période qu’un objet au sol (Scott et al., 2009; Averós et al., 2010), de stimuler davantage le jeu en raison de son mouvement de balancier (Blackshaw et al., 1997), en plus d’être plus hygiénique comparativement aux objets qui touchent le sol (Trickett et al., 2009). Les prochains paragraphes présentent quelques exemples communs d’objets suspendus à l’intérieur des parcs d’engraissement.

Les chaînes de métal

Différentes variantes sont possibles pour les méthodes d’installation des chaînes. En production commerciale, elles sont souvent suspendues verticalement à un des barreaux horizontaux faisant partie de la structure de contention des animaux. Elles peuvent aussi être suspendues à partir du plafond ou d’une autre structure, pouvant faire partie ou non de l’enrichissement. Certains montages semblent plus attrayants pour les porcs, comme la pose d’un embranchement de chaînes (figure 1.2), qui serait plus utilisé qu’une chaîne seule (Telkänranta et al., 2014).

La chaîne est une solution simple, peu dispendieuse et durable. Cependant, plusieurs études remettent en question sa valeur réelle d’enrichissement. Grandin (1989) a montré que les chaînes étaient moins appréciées que des bandes de tissus et que des tuyaux de caoutchouc suspendus. Apple et Craig (1992) ont montré que la chaîne est moins utilisée en comparaison avec un tuyau de caoutchouc, une corde avec des nœuds et des jouets pour chien en caoutchouc. Cette préférence pour les tuyaux de caoutchouc, aux dépens des chaînes, s’est également répétée dans l’étude de Hill et al. (1998), pour les porcs en finition.

Les résultats mitigés des chaînes peuvent être attribuables à la nature même de cet enrichissement. Les objets métalliques ne semblent pas satisfaire suffisamment les besoins des porcs, étant donné qu’ils sont moins agréables à mâchouiller qu’un matériau plus malléable. Bracke et al. (2006) ont conclu que les enrichissements métalliques, tels que les chaînes, sont ceux qui offrent les plus

17 faibles améliorations du bien-être des porcs. Il demeure que leur utilisation par les producteurs est fréquente étant donné leur durabilité, la simplicité d’installation et leur faible coût. De plus, l’ajout d’enrichissements, même les plus simples tels que les chaînes, contribue à améliorer la satisfaction des besoins comportementaux des porcs.

Les cordes

Il y a plusieurs similarités entre les cordes suspendues et les chaînes. Elles peuvent être installées en utilisant les mêmes techniques et sont peu dispendieuses. Cependant, elles donnent des résultats différents. Les cordes peuvent être fabriquées à partir de différents matériaux, tous offrant une stimulation supérieure pour le mâchouillage que les chaînes de métal. De plus, certains matériaux, comme le sisal, émettent une odeur qui pourrait stimuler les porcs (Van de Weerd et al., 2003). Dans l’étude de Zonderland et al. (2003), des bouts de cordes de coton, suspendus à la hauteur des épaules des porcs, ont occasionné une plus haute fréquence de manipulation qu’une chaîne de métal, un tuyau de métal et un morceau de bois, tous présentés de la même manière. Il est également mentionné dans cette étude que le placement de la corde à l’horizontale ou à la verticale n’entrainait pas de changements de la fréquence des manipulations.

Les cordes peuvent avoir le désavantage de se désagréger trop rapidement. Dans l’étude de Telkänranta et al. (2014), des cordes en sisal avaient été préalablement testées, mais elles n’ont pas été retenues pour la phase expérimentale, car elles devaient être remplacées trop souvent. Comme l’un des buts de cette étude était d’offrir des enrichissements au meilleur coût possible, ce remplacement fréquent ne répondait pas aux critères recherchés. Un renouvellement des cordes suspendues toutes les deux semaines a été nécessaire dans l’étude de Trickett et al. (2009). Toutefois, les auteurs de cette étude ont remarqué que le remplacement de la corde, même lorsqu’elle était combinée avec un autre objet, rehaussait l’intérêt des porcs, comme s’il s’agissait d’un nouvel objet. En partie pour cette raison, ils ont également pu conclure que la corde offrait un excellent niveau de manipulation.

Dans le même ordre d’idées, le désagrégement progressif d’une corde pourrait aussi prolonger l’intérêt. Les bouts de cordes qui émergent et qui se défont inciteraient les porcs à continuer les manipulations (Feddes et Fraser, 1994). La présence de nœuds atténuerait temporairement l’intérêt envers les cordes, principalement parce qu’ils empêcheraient le désagrégement progressif, jusqu’à ce qu’ils se défassent.

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Les bandes de tissus

Leurs propriétés sont similaires à celles des cordes. Elles peuvent être désagrégées et facilement manipulées. Cette facilité de manipulation serait un avantage auprès des porcelets nouvellement sevrés. Grandin (1989) a noté une utilisation supérieure des bandes de tissus à des tuyaux de caoutchouc et à des chaînes pour les porcelets en début d’engraissement. Les porcelets auraient eu plus de facilité à saisir le tissu en raison de la coordination et de l’apprentissage nécessaires afin de bien manipuler un matériau plus rigide.

Les morceaux de bois suspendus

Dans l’étude de Telkänranta et al. (2014), les pièces de bois frais suspendues horizontalement (figure 1.3) se sont avérées les meilleurs enrichissements en comparaison à des chaînes et des tuyaux de plastique suspendus. C’est d’ailleurs le seul traitement qui a réussi à réduire l’incidence des morsures de queues et d’oreilles. C’est également le seul à avoir maintenu l’intérêt des porcs sur une période de plus de deux mois. Il est noté dans cet article que l’utilisation de bois frais, non séché, peut expliquer ces résultats. Le positionnement des pièces de bois serait également responsable du niveau d’intérêt élevé. Les auteurs de cette étude avaient préalablement testé d’autres façons de présenter les morceaux de bois. Ils les avaient placés verticalement et à un angle de 45 degrés, mais les observations ont montré que la position horizontale était préférée.

D’autres études révèlent que certains montages obtiennent de meilleurs temps d’utilisation. Elkmann et Hoy (2009) ont obtenu de meilleurs niveaux de manipulations avec des blocs de bois suspendus en forme de croix (figure 1.4A) plutôt qu’un seul bloc de bois attaché comme un pendule (figure 1.4B). Les auteurs mentionnent que le premier porc à manipuler un bloc du montage en croix provoquait du mouvement et du bruit, ce qui attirait les autres porcs. Ce montage était également plus visible et accessible pour un plus grand nombre de porcs à la fois.

Le bois frais semble préférable au bois séché commercial. Il est plus mou, donc plus facile à mâchouiller et les porcs peuvent en ingérer plus comparativement à un morceau de bois séché qui est plus dur. Le bois frais a aussi une odeur plus prononcée. Les matériaux mous, pouvant être mâchés facilement et générant une odeur sont associés au maintien de l’intérêt selon Van de Weerd et al. (2003).

19 Figure 1.3. Morceaux de bois frais suspendus à l’horizontale par des chaînes dans un parc de porc

à l’engraissement. Tiré de Telkänranta et al. (2014).

A B

Figure 1.4. Blocs de bois en croix (A) et en pendule (B). Tiré de Elkmann et Hoy (2009).

Figure 1.5. Tubes de plastique, disposés en croix, suspendus dans un parc de porcs à l’engraissement. Tiré de Telkänranta et al. (2014).

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Les objets de plastique suspendus

Le plastique est un matériau rigide qui peut plus difficilement être mordillé, déformé (lorsque les dimensions ne le rendent pas complètement rigide) et détruit. Courboulay (2004) a noté qu’il était difficile pour les porcs de gruger les tuyaux de plastiques suspendus, diminuant le temps de manipulation. Cette impossibilité de satisfaire le besoin de mordiller pourrait avoir pour effet de ne pas résoudre les problèmes des morsures de queues et d’oreilles, comme les résultats de Telkänranta et al. (2014) l’indiquent. Des tuyaux de plastique auraient par contre un meilleur taux d’utilisation et un maintien supérieur de l’utilisation au fil du temps comparativement aux chaînes (Courboulay et Thuard, 2008). Telkänranta et al. (2014) ont obtenu un résultat similaire avec leur montage en croix (figure 1.5).

Les objets en caoutchoucs suspendus

Plusieurs types de caoutchoucs ont été testés. Malgré les différentes textures et rigidités qui existent, ils offrent tous la possibilité aux porcs de mâchouiller et mordiller. Pour évaluer leur efficacité, ils sont eux aussi comparés à d’autres matériaux. Dans la revue sur les enrichissements de Bracke et al. (2006), les objets de caoutchouc ont été présentés comme préférables aux objets métalliques, mais moins bons que les cordes et le bois. Feddes et Fraser (1994) ont découpé des lanières de caoutchouc rigide à partir de tapis commerciaux pour les animaux, qui ont été suspendues à la hauteur des yeux des porcs. Ces lanières se sont avérées moins appréciées que les cordes utilisées à titre de comparaison. Le caoutchouc pourrait avoir été trop rigide pour pleinement satisfaire les porcs. Des bandes de caoutchouc suspendues ont aussi été étudiées dans la deuxième expérimentation de Schaefer et al. (1990). Elles se sont avérées efficaces pour réduire les agressions entre les porcs.

Il est fréquent de retrouver des pneus comme enrichissement. Malgré la rigidité du caoutchouc, certaines études révèlent une haute fréquence d’interactions avec les pneus suspendus, corrélée avec une diminution des agressions envers les congénères (Schaefer et al., 1990). Cependant, les pneus ne sont pas recommandés (entre autres par le Conseil national pour les soins aux animaux

d’élevage (CNSAE, 2014)), puisqu’il a été reporté que les porcs peuvent se coincer dans ceux-ci,

entraînant des blessures parfois létales (Hoges, 1991, cité par Bracke et al., 2006).

D’autres objets fabriqués à partir de types de caoutchouc plus mous et plus flexibles sont répertoriés dans la littérature. Plusieurs d’entre eux sont des conceptions commerciales, reliés ou non à la production porcine. Apple et Craig (1992) ont comparé un jouet pour chien, suspendu avec une corde, des boyaux de caoutchouc (boyaux d’arrosage) et des chaînes. Le jouet pour chien a suscité

21 le plus d’intérêt parmi les quatre objets. Les auteurs ont noté la souplesse du caoutchouc utilisé, ce qui rendait le jouet plus attrayant pour les porcs. Les résultats de cette étude ont montré un niveau d’intérêt pour les bouts de boyaux presque aussi faible que pour la chaîne, qui elle, était dernière au classement. Zonderland et al. (2008) ont également observé une similitude des résultats entre les chaînes et les boyaux d’arrosage.

Globalement, l’intérêt envers les objets suspendus est supérieur s’ils sont à la hauteur des yeux des porcs et qu’ils sont agréables à mâchouiller. Le type de montage influence l’attrait, comme dans le cas d’un embranchement de chaînes, pouvant ainsi rehausser l’effet positif de l’enrichissement.

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