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CHAPITRE 1 Revue des travaux antérieurs

1.7. Automatisation de l’évaluation comportementale associée au bien-être animal

1.7.4. Accéléromètres

L’utilisation d’accéléromètres pour la recherche est répandue. Ce sont des outils monétairement abordables, compacts et d’une bonne précision (Escalante et al., 2013), d’où l’intérêt de leur utilisation en recherche comportementale. Ces appareils enregistrent les mouvements sous un plan tridimensionnel (couvrant généralement les six degrés de liberté, soit les translations et les rotations des axes X, Y et Z), à une fréquence et une précision qui dépendent des réglages de l’appareil et du fabricant. L’une des applications touche la distinction de différents comportements des animaux, pouvant révéler des événements physiologiques et des tendances comportementales.

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Bressers et al. (1993) ont étudié les comportements en préœstrus et pendant l’œstrus des truies à l’aide d’accéléromètres fixés au cou en comparant les amplitudes des mouvements entre ces stades du cycle œstral. Les valeurs en préœstrus ont été inférieures aux valeurs maximales enregistrées pendant l’œstrus à environ 85 % du temps. Cet écart pourrait permettre de distinguer automatiquement les deux stades, aidant les producteurs à cibler le meilleur moment pour l’insémination. Dans l’étude de Cornou et Lundbye-Christensen (2010), des accéléromètres étaient placés dans un collier apposé sur les truies et les données récoltées ont été synchronisées avec un enregistrement vidéo. Cinq types de comportements ont été différenciés pour l’analyse : lorsque les truies mangent, fouissent, marchent, sont couchées sur le ventre ou sont couchées sur le côté. Chacun des comportements a été relié à une séquence combinant différentes variables sous les trois axes de déplacement. Il en résulte des modèles multivariés qui sont par la suite utilisés pour reconnaitre automatiquement les types de mouvements détectés par les accéléromètres. La reconnaissance moyenne s’est avérée fiable à 64 %. Les auteurs ont testé une application plus simpliste des données récoltées, soit la classification en périodes d’activité et d’inactivité des truies. La reconnaissance s’est avérée exacte pour 91 % à 100 % des différentes séries de données testées. Les cinq modèles multivariés de cette étude ont convergé vers un seul modèle multivarié modifié par Escalante et al. (2013). Une catégorisation exacte des cinq types de comportements étudiés par Cornou et Lundbye-Christensen (2010) est survenue au mieux à 80 % du temps.

L’analyse des données d’accélérométrie offre présentement de meilleurs résultats lorsque les comportements ou les postures à distinguer ne sont pas trop similaires. Dans cet ordre d’idée, les temps passés debout et couché par des vaches laitières, deux positions distinctives, sont souvent étudiés à l’aide d’accéléromètres (Ito et al., 2009; Ledgerwood et al., 2010; Bonk et al., 2013). Ils sont généralement fixés sur les membres arrière des vaches, au-dessus de l’articulation du boulet. La reconnaissance des différentes positions, soit couché et debout, permet d’établir une estimation suffisamment précise du temps de repos pour évaluer le niveau de confort des animaux.

Plusieurs autres applications ont été testées depuis quelques années. Le comportement des animaux au pâturage a été analysé à l’aide d’accéléromètres à maintes reprises. Les comportements identifiés sont, entre autres, lorsque les animaux broutent, se reposent, marchent (Scheibe et Gromann, 2006; Watanabe et al., 2008) et même lorsqu’ils ruminent (Giovanetti et al., 2017). Il est aussi possible d’estimer l’énergie dépensée par les animaux au pâturage grâce aux données de déplacements (Miwa et al., 2015).

35 Les accéléromètres sont donc des outils pratiques pour analyser des mouvements ou des positions des animaux de manière précise et quantitative. Ce domaine d’étude (souvent référé à la biotélémétrie) est en plein essor et touche autant les animaux domestiques que les animaux sauvages (Leos-Barajas et al., 2016). Il demeure toutefois que la précision et l’exactitude des interprétations sont fortement liées à la méthode d’analyse des données.

1.7.4.1. Analyse de données d’accélérométrie

L’un des aspects les plus importants est la définition et la discrimination précises des valeurs associées aux mouvements étudiés. Les mouvements recensés par les capteurs forment des schémas, soit des courbes graphiques d’amplitudes et de longueurs distinctes pour chacun des mouvements. La figure 1.11 montre un exemple tiré de l’étude de Scheibe et Gromann (2006) de quatre schémas associés à quatre types de mouvements. L’association entre les mouvements recensés et les schémas d’accélérométrie est souvent validée par vidéo ou par observations en temps réel dans les phases initiales de la conception de la méthode d’analyse.

Ces schémas contiennent parfois des données superflues, souvent classifiées comme du « bruit ». Elles représentent des déplacements non associés aux mouvements ciblés. Le filtre de Kalman (Kalman Filter ; Kalman, 1960) est un exemple d’outil utilisé pour réduire l’effet du bruit pour la classification des mouvements. Il s’agit d’un algorithme qui optimise la précision des schémas en tenant compte de l’incertitude des données et qui peut évoluer au fur et à mesure que de nouvelles données sont ajoutées. Ce type de procédure est utilisé surtout lorsque la distinction entre les mouvements est complexe et demande un raffinement optimal des données pour le traitement subséquent, comme dans l’étude sur les mouvements des truies de Cornou et Lundbye-Christensen (2010). Dans des cas comme celui-ci, pour lesquels les mouvements à distinguer sont complexes et plus similaires entre eux, plusieurs autres méthodes de traitement des données ont été testées. Elles peuvent se baser sur des calculs statistiques d’analyse discriminante quadratique (Watanabe et al., 2008), de partitionnement en k-moyennes (Schwager et al., 2007) ou encore sur un modèle de Markov caché, qui tient compte de la dépendance entre certaines séquences transitionnelles et certains mouvements (Leos-Barajas et al., 2016).

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Figure 1.11. Amplitudes (g) et longueurs (sec) des schémas d’accélérométrie associés aux vaches debout (Standing), qui marchent (Walking), qui broutent (Grazing) et qui ruminent (Ruminating), sous les axes X, Y et Z. Tiré de Scheibe et Gromann (2006).

Figure 1.12. Détermination de la position debout (a) si l’inclinaison de l’accéléromètre est égale ou supérieure à 130° par rapport à l’axe XL, de la position couchée sur le côté gauche (b) si l’inclinaison est égale ou supérieure à 135° par rapport à l’axe YB et de la position assise (c) si l’inclinaison est supérieure ou égale à 113° par rapport à l’axe XB. Tiré de Ringgenberg et al. (2010).

37 Lorsque les événements à discriminer sont plus distincts et moins complexes, des méthodes plus simples peuvent être utilisées. Dans l’étude de Bressers et al. (1993), la différenciation des comportements des truies selon le cycle œstral s’est effectuée en analysant l’amplitude des valeurs d’accélérométrie. En établissant une valeur de référence (qui correspond à un accéléromètre immobile), les événements dépassant un seuil d’intensité minimal préétabli par rapport cette référence ont été compilés. L’amplitude moyenne des séries d’événements a servi à classifier des comportements à haute intensité et basse intensité, par la suite associés aux comportements reliés aux phases du cycle œstral. Dans cette situation, la réduction du bruit s’est faite en éliminant des valeurs près de la référence. Le seuil minimal était donc la somme de la référence et de la tolérance attribuée au bruit. Ce principe d’établissement d’une gamme de valeurs référentielles peut aussi être appliqué aux degrés d’inclinaison de l’accéléromètre. Par exemple, Ringgenberg et al. (2010) ont associé des valeurs angulaires sur certains axes, par rapport au sol, à différentes postures pour des truies (figure 1.12). La reconnaissance des positions s’est avérée exacte de 50 % à 100 % du temps, selon les positions.

Il existe donc plusieurs techniques d’analyse, sollicitant l’intelligence informatique à différents degrés. La complexité du processus dépend fortement du type de mouvements à cerner. La précision et l’exactitude des résultats dépendent du jumelage approprié entre la technique et les résultats attendus ainsi qu’au raffinement du modèle utilisé.

1.7.4.2. Évaluation des résultats

La qualité de la catégorisation émise par l’algorithme peut être évaluée à l’aide de métriques calculées à l’aide des quatre résultats possibles d’une matrice de confusion (Fawcett, 2006). Premièrement, lorsqu’un comportement est émis et qu’il est reconnu par l’algorithme, le résultat est qualifié comme vrai positif (VP). S’il n’est pas reconnu, il s’agit d’un faux négatif (FN). Deuxièmement, dans les cas d’un comportement qui n’est pas émis, mais qui est reconnu par l’algorithme, il s’agit d’un faux positif (FP). S’il n’est pas reconnu, il s’agit d’un vrai négatif (VN). Ces quatre résultats permettent de procéder au calcul de certaines métriques communes :

• Sensibilité : VP VP + FN • Spécificité : VN

VN + FP

• Valeur prédictive négative : VN

VN + FN

• Valeur prédictive positive (précision) : VP

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La sensibilité est la capacité de l’algorithme de détecter un comportement lorsque celui-ci a vraiment lieu. La spécificité est la capacité de ne pas détecter un comportement lorsqu’il n’a réellement pas lieu. La valeur prédictive négative est la probabilité que les résultats négatifs de l’algorithme soient réellement négatifs. À l’inverse, la valeur prédictive positive (ou précision) réfère à la probabilité qu’un comportement déceler par l’algorithme soit réellement émis. À partir de ces informations, il est possible d’évaluer la qualité de la catégorisation ou de la prédiction de l’analyse automatisée des données.

Dans une optique de comparaison entre deux méthodes d’analyse quantitative, l’évaluation du rapprochement des données entre ces méthodes peut être effectuée avec le coefficient de corrélation de concordance (CCC). Le CCC se base sur les moyennes (𝜇), les variances (𝜎2) et la covariance

(𝜎12) de la distribution de données bivariées et permets entre autres d’estimer la reproductibilité et

la fiabilité des résultats provenant d’une technique d’analyse à l’essai comparée à une technique éprouvée (« gold standard ») (Lin, 1989). L’équation de base proposée par Lin (1989) permet d’extraire l’information sur la précision (𝜌) et l’exactitude (𝐶𝑏) des résultats :

𝜌𝑐 = 2 𝜎12 𝜎12+ 𝜎2 2+ (𝜇1− 𝜇2)2 = 𝜌𝐶𝑏 Où 𝐶𝑏

= [

( 𝜐+1 𝜐+ 𝑢2) 2

]

−1 , 𝜐 = 𝜎1 𝜎2

et 𝑢 =

(𝜇1 − 𝜇2 ) √𝜎1𝜎2

Ainsi, 𝜌 mesure la distance entre chaque observation et la droite la mieux ajustée aux données et 𝐶𝑏 mesures la distance entre la droite la mieux ajustée aux données et la droite de concordance

parfaite à 45° (figure 1.13) (Lin, 1989). Pour interpréter le CCC, la valeur de 𝜌𝑐 est utilisée et varie

entre 0 et 1. Le seuil déterminant si une concordance est suffisante ou non n’est pas universel et peut varier considérablement selon les applications ou selon les auteurs. Un seuil d’acceptabilité de 0,95 est souvent retrouvé (p. ex. : Lawrence, 1992), bien que des seuils plus bas soient parfois considérés comme acceptables (p. ex. : 0,75 est un « bon » résultat dans une certaine application d’analyse comportementale, tel qu’énoncé par Wolfger et al., 2015). Des seuils modérés et pauvres peuvent être établis en dessous du seuil acceptable.

39 Dans une application d’analyse comportementale faisant appel aux accéléromètres et ayant des prises de données sur de longues périodes, le CCC est un moyen pratique pour évaluer rapidement la précision et l’exactitude de l’analyse. Il est alors possible de stipuler sur la qualité des résultats provenant d’une analyse comportementale à l’essai (via les accéléromètres) comparativement à une analyse comportementale éprouvée (soit une analyse par enregistrement vidéo ou une analyse en temps réel), tel que fait par Wolfger et al. (2015) pour détecter certains comportements chez les bovins de boucherie, par exemple.

Figure 1.13. Graphique de visualisation de la concordance des résultats entre une analyse éprouvée et une analyse à l’essai. La ligne pointillée est la droite ajustée aux données (tendance linéaire), la ligne pleine est la droite de concordance parfaite à 45°.

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 M esures d 'u n e an alyse à l' essai

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