4. Discussion générale
4.2. Protocole de caractérisations conjointes
4.2.1. Comparaison MET/MALDI
4.2.1.2. Dispersions de taille
Pour comparer les dispersions de taille révélées respectivement par les analyses
SM MALDI-TOF et MET, les distributions de masse déduites des distributions de
taille obtenues à partir des clichés MET ont été superposées à chaque spectre de
masse des Figures 3-6 (NC synthétisés par source unique de précurseur) et 3-7 (NC
synthétisés par voie micro-ondes). L'accord global entre les deux séries de données est
ainsi clairement illustré.
Concernant les NC synthétisés par source unique de précurseur, la Figure 4-3
compare les dispersions de taille obtenues à partir des spectres de masse
MALDI-TOF (triangles) et celles obtenues à partir des clichés de MET (cercles). Au delà de
la taille de 3,3 ± 0,6 nm, obtenue à la température d'extraction de 201°C, les deux
séries de données s’écartent. La dispersion de taille déduite des spectres de masse
4.2. Protocole de caractérisations conjointes
MALDI-TOF augmente avec la température d'extraction (et donc avec la taille des
NC). A priori, cela semblerait indiquer un mécanisme de croissance des NC par
maturation d'Ostwald
64,65. Par contre, la dispersion de taille déduite des clichés MET
diminue au cours du même processus de croissance.
Figure 4-3 : Comparaison entre les dispersions de taille obtenues à partir des spectres de masse
MALDI-TOF (triangles et losanges) et celles obtenues à partir des clichés de MET (cercles et carrés)
sur des NC de CdS obtenus par source unique de précurseur et par voie micro-ondes, respectivement.
Les conditions de croissance des NC par source unique de précurseur sont qualifiés de
réactions sous apport limité de monomères
63. En terme de dispersion de taille, elles
peuvent se décomposer en deux étapes: (i) pendant les premières minutes, la
distribution de taille diminue, « focusing step »
63, puis (ii) elle tend à s'élargir,
maturation d'Ostwald ou « defocusing step »
63. En fait, le processus de croissance de
NC peut se produire différemment selon la concentration en monomère présente en
solution (Figure 4-4). Pour chaque concentration en monomère, il existe donc une
taille critique donnée :
si la concentration en monomère est élevée, la taille critique est faible de sorte
que toutes les particules vont croître. Dans cette situation, les plus petites
particules croissent plus vite que les plus grandes et par conséquent la
dispersion de taille diminue (échantillon monodisperse) : « focusing step »
Chapitre 4 : Discussion Générale
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si la concentration en monomère est inférieure au seuil critique, les plus petits
NC sont consommés au profit des plus grands et la distribution de taille
s’élargit (maturation d’Ostwald) : « defocusing step ».
Ainsi, la préparation d’échantillons monodisperses peut être obtenue en stoppant la
réaction pendant la phase de « focusing » ou en ajoutant une forte concentration de
monomère.
Figure 4-4 : Phénomène de « focusing » et « defocusing » de la distribution de taille en fonction de la
concentration en monomère d’après Y. Yin et A. P. Alivisatos142. Le sens et la longueur des flèches
illustrent l’évolution de la taille des NP. Les courbes en traits pleins et pointillés représentent, à titre
indicatif dans les deux cas, les largeurs des distributions de taille initiale et en fin de croissance,
respectivement.
Dans notre cas, le protocole avec la rampe de température serait si rapide que
l'étape de maturation ne serait pas encore atteinte à l’instant de l’extraction des NC,
ce qui expliquerait la diminution continue de la dispersion de taille observée par
analyse MET. Dans ce cas, l’augmentation de dispersion de taille observée en SM ne
résulterait pas d'une croissance des NC sous maturation d'Ostwald, mais serait plutôt
attribuée à la méthode d'analyse. En effet, comme évoqué au chapitre 3, la SM
MALDI-TOF implique des processus de fragmentation car les NC analysés sont
composés d'un nombre élevé d'atomes, ce qui les rend très sensibles aux collisions
et/ou perturbations. De même, le rapport isotopique des atomes de cadmium peut
facilement conduire à un élargissement des spectres de masse. Ceci sera vrai
systématiquement dès que la taille du NC augmente. Ces deux facteurs pourraient
expliquer l'élargissement des spectres de masse observés pour les NC de diamètre
supérieur à 3,3 nm. Par conséquent, la SM peut avoir tendance à surestimer la
4.2. Protocole de caractérisations conjointes
dispersion de taille des plus grosses particules obtenues par source unique de
précurseur. Pour vérifier ce point, la synthèse de NC de CdS avec un seul isotope
puis sa caractérisation en SM est envisageable.
A l’issue de cette comparaison, il faut noter que les analyses de SM
MALDI-TOF et de MET ont révélé des dispersions de tailles relativement importantes sur les
NC obtenus par source unique de précurseur. Ces dispersions de tailles pourraient
être responsables de l’absence de résolution des transitions (n>1) sur les spectres
d'absorption à température ambiante (Figure 3-20, § 3.4.4.1). Elles doivent être
corrélées au protocole d'élaboration des NC par source unique de précurseur. Comme
mentionné au chapitre 3 (§ 3.2.4.1), leurs valeurs, 12-18%, sont supérieures à celles
observées dans la littérature où elles sont plutôt comprises entre 5 à 13%
7. Toutefois,
ces études faisant état d'une dispersion de taille réduite, utilisait un protocole
d'élaboration où l'extraction des NC s'effectuait à une température fixe au cours du
temps et non lors d’une rampe de température. De plus, dans ces mêmes études, le
mélange réactionnel était refroidi de 20°C puis maintenu pendant une nuit avant
extraction, ce qui produisait un effet de recuit sur les NC. Or, notre protocole
consiste à appliquer une rampe de température lors de la décomposition thermique
des précurseurs, puis à prélever régulièrement sans recuit des NC de tailles
différentes. Ainsi, l'absence de recuit peut être responsable de la dispersion de taille
obtenue. Toutefois, ce protocole original offre des avancées significatives : l'obtention
(i) de NC de diamètre aussi petit que 2,8 nm et (ii) d’un ensemble complet de NC
de diamètres compris entre 2,8 et 4,5 nm au cours d'un processus de croissance qui
ne dépasse pas 130 minutes. Enfin, même les plus petits NC présentent une structure
cristalline nette (structure hexagonale W).
Dans le cas des NC synthétisés par voie micro-ondes, cet écart entre les
résultats de SM et de MET n’apparait plus (losanges verts et carrés bleus sur la
Figure 4-3). Ceci indiquerait une meilleure stabilité des NC élaborés par cette
méthode. Cette stabilité pourrait être corrélée avec une meilleure qualité cristalline et
optique ainsi qu’à une insensibilité au vieillissement ; ces points seront étudiés dans
les sous-sections suivantes. La dispersion de taille déduite de l’analyse SM
MALDI-TOF est même inférieure à celle obtenue par MET sur l’échantillon contenant les
plus gros NC (T=220°C). En fait, les distributions de taille ont été déduites des
profils gaussiens associés à l’empreinte de l’ion monochargé (z=1) alors que dans le
cas de cet échantillon, le spectre de masse comportait les empreintes des ions mono-
Chapitre 4 : Discussion Générale
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(z=1) et bichargés (z=2). L’existence du processus de double ionisation pourrait
réduire l’importance des fragmentations présumées responsables de la surestimation
de dispersion de taille sur les plus gros NC réalisés par source unique de précurseur.
Ainsi, la dispersion de taille pour les NC synthétisés par voie micro-ondes, bien que
fluctuante (Figure 4-3) reste du même ordre que celle relevée pour les plus gros NC
obtenus par source unique de précurseur. La dispersion de taille ne peut donc être
tenue comme unique responsable de l’absence des transitions n>1 dans le spectre
d’absorption des NC réalisés par source unique de précurseur (Figure 3-20 a) alors
que ces transitions sont au moins partiellement résolues sur les NC réalisés par voie
micro-ondes (Figure 3-21 a). La qualité cristalline (§ 4.2.2) pourrait être à l’origine de
cette différence dans les formes respectives des spectres d’absorption excitonique
après synthèse selon chacune des deux méthodes. Néanmoins, ces dispersions de
tailles, comprise entre 11 et 13%, sont plus importantes que celles obtenues par
Washington et Strouse
28 (5%), comme mentionné au chapitre 3 (§ 3.2.4.2). Toutefois,
cette étude antérieure montrant une dispersion de taille réduite utilisait un protocole
d'élaboration où le milieu réactionnel, excité par voie micro-ondes, ne subissait pas le
palier de température cible de 5 minutes introduit ici par souci d’homogénéisation et
de qualité cristalline (§ 2.2.2). Des essais ont été réalisés ici selon ce protocole : des
NP de tailles moyennes 3,6 - 4,7 nm ont été obtenues avec des dispersions légèrement
améliorées (8 - 11%) ; toutefois, la DRX n’a pu mettre en évidence aucun caractère
monocristallin des particules obtenues.