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Dans la présente étude, la prévalence de l’insomnie d’endormissement (temps d’endormissement supérieur à 30 minutes) est similaire à celle observée dans l’Enquête santé protection sociale (ESPS) de 2008 auprès de la population française métropolitaine (16%) [1]. En revanche, près de 49% des participants déclarent se réveiller toutes les nuits ou régulièrement et cette proportion est plus élevée que celle des réveils nocturnes fréquents observée dans l’ESPS (23%) [1]. Néanmoins, les questions utilisées pour estimer ces deux proportions ne sont pas les mêmes dans les deux études. À l’inverse, 9% de la population française métropolitaine déclare prendre un médicament pour dormir mais seulement 5% des participants à notre étude (5%) [1]. D’après une enquête de l’Institut national du sommeil et de la vigilance réalisée fin 2016 [2], 54% des Français jugent leur qualité de sommeil insuffisante, alors que environ 32% des participants à notre étude déclarent être plutôt ou très insatisfaits de leur qualité de sommeil.

La présente étude n’a pas montré d’association significative entre l’exposition au bruit des avions et le temps d’endormissement estimé par les participants eux-mêmes. Les résultats des études (peu nombreuses) s’intéressant au temps d’endormissement évalué par questionnaire en lien avec l’exposition au bruit des avions sont contrastés. Certaines études ont montré une augmentation significative du temps d’endormissement [3], [4] alors que d’autres ont trouvé une augmentation mais non significative de celui-ci [11], ou même aucune association [5]. Ainsi, nos résultats confirment ceux de l’étude de Kim et al. qui n’ont pas observé de différence significative concernant le temps d’endormissement entre le groupe fortement exposé

(WECPNL9 > 80), le groupe faiblement exposé (WECPNL 60-80) et le groupe de contrôle

(WECPNL < 60) [5].

9 Weighted Equivalent Continuous Perceived Noise Level (le niveau continu équivalent pondéré A perçu) :

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Notre étude n’a pas non plus montré d’association entre l’exposition au bruit des avions et les éveils nocturnes déclarés par les participants eux-mêmes. Ce résultat est contraire à ceux de la littérature. En effet, celle-ci est unanime et montre que les éveils nocturnes déclarés sont associés significativement à l’exposition au bruit des transports la nuit [3], [6], [7]. Passchier- Vermeer et al. ont montré que le niveau de bruit des avions et le nombre d’événements de bruit d’avions la nuit sont associés significativement avec le nombre d’éveils nocturnes déclarés le matin [3].

La présente étude n’a pas mis en évidence de relation significative entre l’exposition au bruit des avions et l’auto-estimation de la qualité du sommeil. Les conclusions des études sur le sujet sont partagées. Si la plupart montrent une détérioration de la qualité du sommeil après exposition au bruit des avions [8][9][5], certaines n’ont pas trouvé d’association significative [3]. Ainsi, nos résultats confirment ceux de l’étude de Passchier-Vermeer et al. qui n’ont pas observé de relation significative entre l’exposition au bruit des avions et la qualité du sommeil [3].

Si aucune association significative n’a été montrée dans la présente étude entre l’exposition au bruit des avions et la prise de médicament pour dormir, le lien a en revanche été bien établi dans différentes études [3], [10]–[12]. Autour de l’aéroport d’Amsterdam Schiphol, Franssen et al. [12] ont montré que le niveau de pression acoustique continu équivalent entre 22 h et 23 h (LAeq22h23h) est fortement associé à la prise de médicaments pour le sommeil ou sédatifs non-prescrits. Au voisinage du même aéroport, Palsschier-Vermeer et al. ont trouvé que la probabilité d’utilisation de somnifères augmente significativement avec le niveau sonore équivalent du bruit des avions (LAeq), particulièrement chez les personnes âgées [3]. Franssen et al. n’ont en revanche pas montré d’association significative entre la fréquence de prise de médicament pour dormir et l’exposition au bruit des avions [12]. La formulation de la question sur la fréquence de prise de médicament pour dormir dans cette dernière étude est la même que celle de la question sur la prise de médicament dans notre étude. Ainsi, les résultats de notre étude vont dans le même sens que ceux de l’étude de Franssen et al. [12].

Le fait que la présente étude n’ait pas trouvé d’association significative entre l’exposition au bruit des avions d’une part et les quatre paramètres subjectifs de la qualité du sommeil que sont le temps d’endormissement, les réveils nocturnes, l’insatisfaction de la qualité du sommeil et la prise de médicaments pour dormir d’autre part pourrait être expliqué par une certaine habituation de la population suite à l’exposition au bruit des avions. En effet, près de 89% des

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participants à notre étude résident depuis au moins 5 ans dans son logement actuel et plusieurs études soutiennent l’hypothèse d’une habituation suite à l’exposition au bruit pour les paramètres subjectifs de la qualité du sommeil chez les sujets souvent exposés au bruit des transports [13]–[16]. Il est en effet peu vraisemblable que ce dernier résultat soit expliqué par un manque de puissance statistique car le nombre de participants dans DEBATS est relativement important comparativement à celui d’études qui ont montré des associations significatives pour certains paramètres subjectifs de la qualité du sommeil [3], [5], [9].

Les résultats de cette étude confirment également un constat fait dans une récente revue de la littérature concernant les effets du bruit environnemental sur la qualité du sommeil [17]. Cette dernière a en effet montré qu’aucune association significative n’est trouvée entre l’exposition au bruit des avions et la qualité subjective du sommeil lorsque les questions permettant d’évaluer cette dernière ne mentionnent pas explicitement le bruit. En revanche, lorsque le bruit est évoqué dans la question, des associations significatives sont trouvées. Pour les auteurs, les résultats sont biaisés lorsqu’on mentionne le bruit dans les questions. Dans la présente étude, le bruit n’a pas été introduit dans les questions évaluant la qualité du sommeil. Ainsi, les résultats sont cohérents avec ceux que l’on trouve de façon générale dans la littérature.

Un biais de sélection pourrait concerner l’estimation des prévalences concernant les paramètres subjectifs du sommeil auxquels s’intéresse ce travail de thèse. En effet, celles-ci pourraient être sous-estimées dans les zones les plus exposées au bruit des avions du fait que des personnes sujettes à des troubles du sommeil soient réticentes à habiter dans des zones bruyantes. Peu d’information est disponible dans DEBATS pour en juger. Cependant, si c’est le cas, ceci conduirait à sous-estimer l’association entre l’exposition au bruit des avions et la qualité subjective du sommeil dans cette étude.

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