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6   PROCÉDURE D'ÉVALUATION DES IMPACTS SOCIAUX 60

6.7   DISCUSSION 93

En résumé, l'ÉIS est un processus qui vise principalement à (Goldman et Baum, 2000) :

• Identifier, analyser et évaluer les impacts sociaux qui résultent d'un développement; • Atténuer les impacts sociaux négatifs et optimiser les retombées sociales positives.

Pour ce faire, l'ÉIS implique notamment de (Goldman et Baum, 2000) :

• Caractériser l'état actuel du milieu social;

• Prédire les changements sociaux reliés à une intervention;

• Comprendre l'impact de ces changements en fonction des contextes locaux; • Développer des mesures d'atténuation ou d'optimisation des impacts anticipés.

La présente section a élaboré une représentation simplifiée de l'ÉIS, des défis, du processus méthodologique général, des sources d'information, de même que des modèles et méthodes.

Un des principaux constats à rappeler est que le milieu social est complexe et dynamique; c'est pourquoi l'ÉIS doit favoriser l'intégration de données quantitatives, qualitatives et participatives, afin de tirer profit des connaissances scientifiques tout comme des savoirs locaux. D'autres éléments importants à réitérer sont (Vanclay, 2003) :

• Les impacts sociaux peuvent survenir depuis le tout début d'un projet, dès les premières rumeurs, jusqu'à la toute fin, suite au démantèlement;

• L'ÉIS doit considérer la distribution des impacts pour les différents groupes sociaux, car les impacts sociaux ne sont pas vécus de la même façon par ces groupes, selon les valeurs, les perceptions, la vulnérabilité, la capacité d'adaptation, et ainsi de suite;

• Les aspects social, économique et biophysique de l'environnement sont reliés entre eux, et l'ÉIS doit tenir compte du fait qu'un changement dans l'une de ces dimensions provoque des impacts indirects dans les autres dimensions.

Les éléments présentés dans cette section ont permis de mieux cerner les limites importantes de la procédure d'évaluation environnementale pour le Québec méridional (voir section 5 du présent essai), qui utilise surtout l'approche technique, se limite souvent aux éléments quantifiables et fait peu de liens entre les différentes composantes de l'environnement. Dans la présente discussion, il est question du fait qu'encore aujourd'hui, l'ÉIS demeure le parent pauvre de l'évaluation environnementale, au Québec comme dans la plupart des pays développés (Burdge, 2012 et Stolp, 2006).

Selon Burdge (2012), six principales raisons expliquent cette situation :

1. Le consensus très faible au sujet d'une définition ou de standards pour l'ÉIS;

2. L'absence de modèles qui permettent de comprendre les liens et les interactions entre les composantes sociales, écologiques et économiques de l'environnement;

3. L'incertitude au sujet du besoin d'une ÉIS dans le processus de planification et de décision;

4. L'absence d'un corpus de recherche qui puisse guider les praticiens d'ÉIS; 5. L'incertitude au sujet de ce qui doit être inclus dans une ÉIS;

6. L'absence d'exemples où l'ÉIS a réellement fait une différence.

Selon Stolp (2006), au sein de la discipline d'ÉIS, très peu de techniques et méthodes sont spécifiées; les références reconnues dans le domaine offrent des principes généraux et des lignes directrices, plutôt que de décrire des procédures détaillées et éprouvées. Il s'agit d'une barrière importante à l'intégration de l'ÉIS au sein de la procédure d'évaluation environnementale.

De plus, l'ÉIS encourage fortement l'apport du citoyen dans le processus d'ÉIE. Or cela requiert un changement d'attitude face aux jugements des experts; ces derniers devraient être considérés comme une source d'information appropriée, sans toutefois être exclusive, afin de valoriser au même niveau les valeurs et perceptions citoyennes et le savoir local (Stolp, 2006).

Burdge (2012) présente des mythes, résumés au tableau 6.6 ci-dessous, qui limitent l'usage de l'ÉIS dans les processus de planification et de prise de décision.

Tableau 6.6 : Mythes courants au sujet de l'ÉIS (Modifié de : Burdge, 2012)

Mythes au sujet de l'ÉIS Nuances à apporter

Comme les impacts sociaux ne peuvent pas être mesurés, ils devraient être ignorés

Il est généralement possible d'identifier des variables ou des indicateurs; ceux-ci peuvent être quantitatifs ou qualitatifs

Les impacts sociaux sont évidents et il suffit d'utiliser le bon sens pour les identifier

L'identification et l'évaluation des impacts sociaux nécessitent parfois des années de recherches en sciences sociales, par exemple pour les projets majeurs tels que les barrages hydroélectriques

Les impacts sociaux sont rares, et n'ont donc pas besoin d'être évalués

Tout comme les impacts biophysiques et économiques, les impacts sociaux sont toujours présents, bien que leur importance puisse varier Les impacts sociaux sont toujours négatifs, et

les ÉIS ralentissent ou bloquent les projets

Les changements peuvent apporter des retombées positives et négatives aux individus et aux communautés

Les ÉIS augmentent les coûts des projets, sans apporter de bénéfices pour les promoteurs

L'analyse coûts-bénéfices de l'ÉIS doit porter sur le long terme; les ÉIS peuvent favoriser l'acceptabilité sociale, diminuer le risque de conflits et augmenter les chances globales de réussite, entre autres choses.

La procédure d'ÉIS n'est pas importante L'ÉIS offre plusieurs avantages; aider les populations affectées à comprendre, participer et vivre avec les projets de développement représente l'un des bénéfices les plus importants

Esteves et autres (2012) indiquent que les praticiens d'ÉIS n'ont pas l'influence nécessaire pour proposer ou modifier les alternatives des projets de développement, notamment parce que les chargés de projets ont souvent peu d'expérience reliée au domaine social.

Waaub (2013) souligne que le frein principal à l'ÉIS au Québec provient du fait que les chargés de projets des firmes d'ingénieurs sont formés selon un paradigme dépassé, ce qui engendre une inertie du système. Une nouvelle génération de chargés de projets serait ainsi nécessaire. Waaub (2013) identifie également les facteurs suivants qui expliquent la faible place de l'ÉIS au Québec :

• L'ignorance des approches alternatives;

• La sous-estimation de la part des ingénieurs de la complexité de l'ÉIS; • La peur d'expérimenter de nouvelles pratiques;

• La vision de l'ÉIE comme un passage obligé afin d'obtenir les autorisations requises, et non pas comme un outil de développement durable;

• La complicité du pouvoir politique, qui donne parfois l'illusion que les projets peuvent être imposés, par exemple avec les gaz de schiste, le projet du Suroît, etc.

• Le manque d'expertise et de ressources au MDDEFP pour les aspects sociaux; • La culture d'ingénieurs qui domine le domaine de l'ÉIE.

Ainsi, l'un des plus grands défis de l'ÉIS au Québec est d'intégrer les sciences sociales, un domaine incertain, méconnu et particulièrement complexe, à l'intérieur de la procédure d'ÉIE, un milieu dominé traditionnellement par les sciences pures et appliquées telle que l'ingénierie.

Ainsi, il importe de communiquer aux développeurs de projets les opportunités reliées à l'ÉIS. D'un côté, la négligence des impacts sociaux risque de nuire au rapport coûts-bénéfices des projets et de détériorer leur vitalité globale. Ainsi, de nombreux projets « aux impacts sociaux potentiellement importants ont été critiqués à cause d'une ÉIE inadéquate ou n'ont pas été exécutés du tout » (PNUE, 2002).

De l'autre côté, l'ÉIS présente de nombreux avantages pour les projets à moyen et long terme, notamment (PNUE, 2002 et Esteves et autres, 2012) :

• Acceptabilité sociale accrue et meilleures chances d'obtention de l'approbation des projets; • Réduction des risques et des coûts par la mise en place de mesures préventives;

• Meilleures relations avec la communauté et les parties prenantes; • Diminution des risques de conflits environnementaux;

• Valeur ajoutée aux projets actuels et meilleures propositions futures; • Meilleure réputation corporative des promoteurs.

Concernant ce dernier point, Waaub (2013) indique qu'avec Internet, l'information circule de façon libre et rapide; les entreprises sont donc de plus en plus sensibles à leur réputation corporative, ce qui les pousse à adopter les meilleures pratiques.