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6   PROCÉDURE D'ÉVALUATION DES IMPACTS SOCIAUX 60

6.6   MODÈLES ET MÉTHODES 78

6.6.5   Évaluation des valeurs citoyennes via une méthode qualitative et quantitative 88

L'opinion des experts et des praticiens d'ÉIS peut différer des perceptions des citoyens par rapport aux attributs de leur environnement, et aux impacts appréhendés d'un projet sur ceux-ci. C'est pourquoi, dans le cadre d'une ÉIS, il est nécessaire de déterminer les perceptions et les valeurs des différents groupes sociaux affectés; toutefois, il existe peu de méthodes ou techniques reconnues pour accomplir cette tâche (Stolp, 2006).

L'évaluation des valeurs citoyennes (ÉVC) est une méthode qui vise à déterminer les valeurs, perceptions ou jugements des citoyens envers les attributs de leur environnement, c'est-à-dire leur

milieu de vie, de travail et de loisirs. Ce faisant, l'ÉVC permet d'élaborer un cadre d'analyse afin d'évaluer les impacts des projets à partir des perceptives des individus affectés (Stolp, 2006).

Cette méthode combine les approches technique et participative, ce qui permet de :

• Déterminer les jugements subjectifs des individus et les valeurs qu'ils accordent aux attributs de leur environnement, ce qui fournit une représentation basée sur le savoir local; • Valider les résultats obtenus via l'utilisation de données rigoureuses et techniquement

valables, ce qui fournit une information neutre et rationnelle pour la prise de décision.

L'ÉVC se concentre sur les valeurs-clés du milieu, et non sur les opinions au sujet d'un projet ou d'impacts appréhendés. Ainsi, l'ÉVC surmonte le biais associé aux résistances du public et aux positions de groupes d'intérêts, qui apparaissent dans les méthodes traditionnelles de participation publique (Stolp, 2006).

Stolp (2006) a développé un processus en cinq phases pour l'ÉVC, résumé ci-dessous.

La première phase vise à identifier la zone d'étude et les groupes sociaux qui sont potentiellement affectés. Dans le cadre d'une ÉVC, la zone d'étude est généralement définie comme le périmètre à l'intérieur duquel les impacts peuvent être perçus de façon sensorielle par les individus qui y vivent ou qui utilisent ce périmètre, par exemple pour le travail ou les loisirs. Les groupes peuvent inclure les résidents, les banlieusards, les travailleurs, les touristes occasionnels, les visiteurs réguliers, etc. (Stolp, 2006).

Afin d'identifier ces groupes sociaux, une analyse est menée via les documents suivants :

• Les cartes et photographies aériennes; • Les guides municipaux;

• Les études et rapports réalisés sur la région; • Les journaux locaux;

• Etc.

Des entrevues avec des acteurs-clés du milieu peuvent également être réalisées.

Le résultat de cette première phase est un cadre de recherche qui définit les groupes sociaux potentiellement affectés et prévoit un processus pour sélectionner des représentants de ces groupes (Stolp, 2006).

• Examiner les caractéristiques de base de la zone d'étude;

• Collecter les données qui décrivent les relations entre les individus et leur environnement; • Identifier les valeurs environnementales considérées comme pertinentes par les individus.

Les données sont collectées via des entrevues face-à-face avec les représentants des groupes sociaux. Ces entrevues sont de type semi-structurées; les participants sont invités à discuter, dans leurs propres mots et selon leurs propres perspectives, au sujet des thèmes présentés au tableau 6.5 ci-dessous.

Tableau 6.5 : Thèmes et questions pour les entrevues semi-structurées (Modifié de : Stolp, 2006)

Thèmes Exemples de questions

Perceptions des attributs de l'environnement

Pourquoi avoir choisi de vivre à cet endroit?

Quelle est l'origine du sentiment d'enracinement du milieu? Qu'y a-t-il de spécial à propos de cet endroit?

Quelles sont les utilisations de ce milieu?

Quels sont les facteurs qui provoquent des nuisances? Changements observés et

appréhendés sur les attributs de l'environnement

Quels sont les changements récemment observés dans le milieu?

Ces changements sont-ils positifs ou négatifs, et pourquoi? Quels sont les changements appréhendés dans un futur proche?

Ces changements sont-ils positifs ou négatifs, et pourquoi? Enjeux reliés au projet Les enjeux sont-ils connus?

Le projet répond-t-il adéquatement à ces enjeux?

Quelle est l'opinion envers le projet proposé et les alternatives envisagées (à l'aide de cartes, photos ou dessins)?

Perceptions sur les impacts potentiels

Quels sont les attributs de l’environnement qui pourraient être affectés par les alternatives envisagées (à l'aide de cartes, photos ou dessins)?

Enjeux reliés à la planification Quelles mesures devraient être prises pour atténuer les impacts du projet?

Quelles mesures devraient être prises pour compenser les impacts qui ne peuvent être atténués?

Ces entrevues doivent être menées par des professionnels qui sont en mesure de conserver une approche non-biaisée, respectueuse et ouverte. De plus, bien que certaines questions portent sur le projet, Stolp (2006) souligne que l'information récoltée vise uniquement à mieux comprendre les valeurs des citoyens sur les attributs de leur environnement; la finalité de l'ÉVC n'est pas la réalisation d'un sondage sur l'acceptabilité sociale ni sur les opinions du public envers le projet.

Les entrevues sont enregistrées et transcrites. Les transcriptions sont ensuite examinées pour identifier les mentions reliées aux attributs de l'environnement. Cette analyse qualitative permet d'identifier les attributs de l'environnement pertinents pour le milieu et de cerner les perceptions envers ces attributs. Par la suite, les transcriptions sont catégorisées et synthétisées afin de relever des valeurs-clés sous-jacentes.

Les résultats de cette seconde phase sont présentés dans un rapport et envoyés aux participants pour des fins de validation. À cette étape, les premiers rapports peuvent également être envoyés à l'initiateur d'ÉIE afin que l'information soit intégrée à la planification du projet et à l'évaluation environnementale.

La troisième phase vise à valider le profil préliminaire réalisé grâce à l'utilisation de données quantitatives. Ces données sont récoltées via un sondage, généralement envoyé par la poste et rempli par un échantillon représentatif de la population affectée. Ces données permettent :

• De s'assurer que la liste des valeurs identifiées est complète; • De confirmer que les valeurs identifiées sont bel et bien pertinentes; • De déterminer l'importance relative de ces valeurs.

Concernant ce dernier point, il peut être demandé aux répondants de prioriser les valeurs listées; toutefois, cette tâche peut être ardue lorsqu'il y a un large nombre de valeurs. Une autre façon de faire est d'attribuer une cote, par exemple sur une échelle de 1 à 10, à chacune des valeurs; ces cotes sont par après additionnées et les valeurs sont priorisées.

Le sondage permet également de collecter de l'information permettant d'appuyer le développement de mesures d'atténuation, d'optimisation ou de compensation.

Stolp (2006) propose un questionnaire divisé en cinq sections :

1. Une introduction qui présente l'objectif de l'étude et une brève description du contexte; 2. La validation des valeurs pré-identifiées et la possibilité d'identifier de nouvelles valeurs

non inscrites;

3. La cotation des valeurs, par exemple sur une échelle de 1 à 10;

4. Des questions au sujet des mesures d'atténuation, d'optimisation ou de compensation, par exemple au sujet d'alternatives de localisation envisagées;

L'auteur souligne également l'importance de construire un questionnaire vulgarisé, à l'intérieur duquel il est clairement indiqué ce à quoi servira l'ÉVC, afin d'éviter de susciter de fausses attentes chez les citoyens. Différents questionnaires pourraient également être nécessaires si plusieurs communautés sont affectées, lesquelles ont des valeurs différentes (Stolp, 2006).

La quatrième phase vise à traduire les valeurs-clés identifiées en des critères d'évaluation des impacts pour les différentes alternatives du projet. Il s'agit d'abord de trier les valeurs-clés pour conserver celles qui sont reliées aux alternatives du projet proposé; en effet, certaines valeurs identifiées lors des trois premières phases pourraient n'avoir aucun lien avec le projet.

À partir des valeurs-clés triées, il s'agit ensuite d'élaborer des critères d'évaluation. Par exemple, si la tranquillité est une valeur jugée très importante par les citoyens dans le cadre d'un projet de route, le responsable de l'ÉVC peut utiliser les études de l'équipe d'ÉIE sur les nuisances associées au bruit, au trafic automobile ou à la perturbation du milieu visuel; ces éléments deviennent ainsi des critères d'évaluation. Lorsqu'une valeur-clé sélectionnée ne peut pas être liée aux études de l'équipe d'ÉIE, des critères d'évaluation additionnels doivent être conçus.

L'importance des impacts potentiels peut ensuite être déterminée directement via les résultats des études de l'équipe d'ÉIE, via l'interprétation de ces études par le responsable de l'ÉVC, ou via d'autres techniques. Cette évaluation peut prendre la forme d'un chiffre, par exemple entre - 2 et + 2, mais d'autres options existent également.

La figure 6.5 ci-dessous illustre ce processus.

Sélection des valeurs- clés reliées au projet

Élaboration des critères d'évaluation

Évaluation des alternatives selon les critères

Par exemple : tranquillité Par exemple : bruit Par exemple : - 2 Figure 6.5 : Processus de détermination des critères d'évaluation des impacts

(Modifié de : Stolp, 2006)

L'ÉVC permet ainsi d'obtenir un rapport dans lequel les alternatives du projet proposé sont comparées en fonction des critères d'évaluation qui découlent directement des valeurs citoyennes.

Enfin, la cinquième et dernière phase représente l'intégration des résultats de l'ÉVC dans le processus d'ÉIS, afin que les résultats influencent la planification du projet et la prise de décision. Stolp (2006) suggère quatre façons dont les résultats de l'ÉVC peuvent s'incorporer dans l'ÉIS.

La présentation explicite et indépendante des résultats de l'ÉVC dans l'ÉIS, par exemple dans une section à part, est un signe transmis aux citoyens comme quoi leurs valeurs et perceptives sont prises en compte dans la procédure.

L'intégration de l'ÉVC comme une sous-composante de la section sur l'environnement humain positionne les résultats au même niveau que les autres études menées par des experts; cette option dilue l'apport citoyen et néglige le caractère distinct des données obtenues.

L'ÉVC peut également mené au développement d'un scénario basé sur les valeurs citoyennes dans le cadre d'une analyse multicritères qui comprend différents scénarios, par exemple un scénario économique ou environnemental, afin de comparer les diverses alternatives envisagées.

Enfin, l'information de l'ÉVC peut être utilisée par le responsable de l'étude pour commenter divers impacts examinés dans l'ÉIS et l'ÉIE. Cette option dilue fortement les résultats et les citoyens ne sont pas en mesure d'observer ce qu'ils ont apporté à la procédure.