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L'information des médecins généralistes sur le dépistage VIH chez le migrant africain

La plupart des médecins généralistes interrogés sont bien sensibilisés au dépistage du VIH chez le migrant africain. Cela est conforme aux études récentes qui reconnaissent le migrant africain en Europe comme un sujet à risque pour le VIH. (7) (17)

Ce résultat se retrouve également dans les résultats de l'enquête faite par l'INPES en 2009 sur le dépistage du VIH en médecine générale. A savoir une pratique classique du dépistage du VIH qui était alors orienté vers une exposition à un risque ou une demande initiale du patient. (31)

Cependant la majorité des généralistes interrogés ne connaissaient pas l’incidence du VIH chez les migrants en France, la plupart sous estimaient cette incidence dans la population migrante.

Ceci peut traduire un défaut d’information de ces généralistes sur l’épidémie du VIH en France, pathologie qui pour le moins occupe une place médiatique importante : journée du Sidaction, publications régulières des avancées de la recherche dans les principaux journaux et dans les principales télévisions.

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Les difficultés au dépistage du VIH chez le migrant africain

On constate que pour la moitié des généralistes interrogés, les données sur l’incidence du VIH chez les migrants en France en 2009 ne constituent pas pour autant une incitation au dépistage.

Ils ne sont ainsi pas convaincus de la nécessité du dépistage systématique.

Lorsqu’on les interroge, la plupart des généralistes disent ne pas avoir de difficultés personnelles à proposer le dépistage.

Mais en pratique, ils évoquent de nombreux freins au dépistage. Ainsi, comme l’a relevé Nadine Sow dans une thèse en 2004, la peur d’avoir une pratique médicale discriminante fait partie des premiers obstacles au dépistage du VIH par les médecins généralistes. (25)

Ces mêmes freins au dépistage du VIH dans la population générale sont retrouvés dans une thèse de 2010 faite par Stéphanie Roussignol auprès des médecins généralistes de l'agglomération Rouennaise. (29)

Les généralistes interrogés disent ne pas avoir de patients homosexuels ou se présentant comme tels parmi leurs patients migrants africains, ce qui est en rapport avec les données de la littérature sur la transmission du VIH en Afrique.

On retrouve chez les généralistes interrogés, un intérêt particulier du dépistage lorsqu’il est orienté dans des situations bien particulières :

— Tous les généralistes interrogés font le dépistage lors de la grossesse, la moitié des généralistes le fait de façon systématique.

— Tous les généralistes interrogés proposent le dépistage en cas d’IST, d’hépatite B ou C ou en cas de tuberculose. Pour la moitié des généralistes interrogés le dépistage est systématique dans le cadre d’une IST.

Pour la grande majorité des généralistes interrogés, le refus du dépistage est rare parmi leurs patients migrants africains.

Des résultats similaires sont retrouvés dans d’autres études. Ainsi, dans une étude en 2009, dans la communauté africaine de Belgique, 65% des personnes interrogés avaient réalisées leur dépistage, pour la plupart après leur arrivée en Belgique, mais surtout pour un faible nombre par leur propre initiative. (26)

Dans une étude sur les migrants d’Afrique sub-saharienne en Ile de France en 2007, 65% des personnes interrogés avaient déjà effectué le dépistage une fois dans leur vie et 60% l’avaient fait à l’initiative d’un professionnel de santé. (27)

63 Ce qui laisse penser que le retard au diagnostic observé en France pour le VIH n’est pas forcément à rechercher du côté du refus des patients.

Le dépistage du VIH dans la pratique quotidienne du médecin généraliste

Pour la majorité des généralistes interrogés, le statut sérologique des femmes est plus souvent connu que celui des hommes parmi leurs patients migrants africains.

La grande majorité des généralistes ne voit pas d’intérêt à utiliser un traducteur pour faire le dépistage.

Selon les généralistes interrogés, une sérologie positive entraîne d’abord une réflexion sur la meilleure manière de l’annoncer au patient. Elle est une source d’angoisse chez certains, mais ceux-là disent que la peur du résultat positif n’est pas de nature à les empêcher de faire le dépistage.

Pour la majorité des généralistes interrogés, le résultat négatif entraîne une discussion sur la prévention du VIH et des autres IST.

Même si la majorité des généralistes interrogés n’étaient pas sûrs que cette discussion sur la prévention était forcément mise en pratique par les patients, parce que les comportements à risque ne sont souvent pas abandonnés par les patients.

De nombreuses spécificités des migrants africains, en terme de prise en charge médicale, ont été relevé par les généralistes, à l’instar des difficultés financière chez le migrant précaire, des démarches administratives chez le migrant récent ou encore de la représentation de la maladie chez certains migrants.

Les généralistes interrogés se sont formés au VIH essentiellement à travers la formation médicale continue.

La majorité des généralistes interrogés ne connaissent pas les nouvelles recommandations de dépistage du VIH.

Pour la plupart des généralistes interrogés, le dépistage systématique est difficile à appliquer en pratique.

L’évaluation du dépistage systématique du VIH par le médecin généraliste depuis son instauration en France en 2009 ne fait pas encore l’objet de publications.

Un rapport d’expert de 2013 a proposé de revenir du dépistage systématique du VIH dans la population générale à un dépistage plutôt ciblé vers les groupes à risque. (4)

64 systématique, sur les résultats d'études sur le dépistage systématique du VIH dans les services d'urgence qui montrent un faible impact en terme de santé publique. Enfin le rapport d'experts rappelle la faible intégration du dépistage du VIH dans la pratique quotidienne des médecins généralistes, ainsi que la position du collège national des généralistes enseignants (CNGE), favorable à un retour au dépistage ciblé.

La proposition de retour à un dépistage systématique ciblé est aussi faite par Elodie Chapelet dans une thèse en Mai 2013. (28)

Cependant, dans une étude de 2012 auprès des médecins généralistes de Gironde et du Nord, préalablement formés et sensibilisés, on a noté une augmentation significative des tests de dépistage prescrits pour le VIH et les hépatites B et C, notamment auprès des populations à risque. (32)

La présente étude montre bien, dans le groupe de médecins généralistes que nous avons interrogés, une réticence des médecins généralistes au dépistage ciblé dans la population à risque des migrants africains, avec pour motif évoqué la peur d'une pratique médicale discriminante.

De plus, le retour au dépistage ciblé repose bien évidemment la question du risque de stigmatisation d’une catégorie de la population, en particulier les migrants.

Il nous semble que le dépistage systématique doit plutôt être encouragé et renforcé, tant comme outil de prévention et de promotion de la santé publique que comme moyen de réduire les diagnostics tardifs; Ceci après une confirmation de son bénéfice cout efficacité et de sa pertinence en médecine générale par des enquêtes à plus large échelle.

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