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1 – Un dépistage orienté

Le dépistage du VIH est abordé par les généralistes d’abord et surtout lors d’un bilan de santé, à la demande du patient, lors d’une altération de l’état général constaté par le médecin, ou encore de façon systématique lors de la première consultation avec le patient pour 3 généralistes.

Le dépistage est également abordé par les généralistes lors de la phase de conception, aussi bien lors d’une grossesse, que d’une consultation pour la contraception ou d’un bilan prénuptial.

Le dépistage est enfin abordé lors d’une consultation en rapport avec la sexualité, c’est le cas lors des prises de risque sexuel évoquées ou lors d’une IST.

M6 : « Ah! La question! Ben je leur dis, on va une faire une prise de sang quand ils

arrivent pour la première fois. Je fais toujours à peu près la même démarche. Je leur demande toujours l’autorisation de faire une prise de sang, et dans cette prise de sang, je leur demande s’ils sont partants pour ça ou pas. Je le fais aussi lors des bilans de santé, lors du bilan annuel ou lors d’une contraception. »

Un généraliste a soulevé le problème du coût pour la collectivité que représente le dépistage systématique.

Un généraliste a relevé que le dépistage fait devant un signe évocateur génère une peur du résultat pour le patient, d’où la difficulté à réaliser le dépistage à ce moment-là.

Un généraliste a relevé le problème de la redondance du dépistage, qui peut avoir été fait déjà dans plusieurs structures sans que le généraliste ne puisse le savoir. Cela peut entraîner une stigmatisation de la population dite à risque.

2 – Des freins au dépistage chez les médecins

La plupart des généralistes interrogés disent ne pas avoir de difficultés personnelles à proposer le dépistage. Certains évoquent malgré tout une gêne à proposer le dépistage liée à plusieurs causes. Cela concerne en premier le maintien de la relation de confiance entre le médecin et son malade.

Cette relation peut être mise en péril selon les généralistes interrogés de multiples façons. Il y a l’abord de la sexualité des patients par le médecin.

42 Il y a le risque de stigmatisation ressenti par le patient en faisant apparaître ce dernier à tort comme un individu ayant des comportements sexuels à risque.

Il y a le risque de choquer le patient par une proposition de dépistage annoncée trop brutalement, notamment lors d’une première consultation et en l’absence de bilan sanguin prévu ou lorsque le motif de consultation initial n’a pas de lien direct avec le VIH.

Cette gêne des généralistes interrogés à faire le dépistage est évident en cas de barrière de la langue pour le patient.

Enfin les généralistes évoquent la peur du médecin du résultat positif et donc de la gestion de cette maladie.

M2 : « Oui, bien sur. Ça reste un sujet tabou même pour le médecin. C’est la peur de la

maladie probablement, un déni. Il y a certainement aussi la peur du résultat positif qui freine car on ne sait pas quoi faire dans cette situation. Lorsque la personne vient consulter pour une infection, notamment génitale ou urinaire, le sujet est facilement abordé; ou encore avant le mariage et cetera. Mais demander d’emblée la situation VIH, il est vrai que je ne le fais pas systématiquement. Je devrais peut être le faire. Mais dire d’emblée à la personne qui se présente au cabinet médical, c’est un peu délicat car ils ne se présentent pas forcément pour ça. »

M12 : « Personnelles, non. Mais je vous dis, comme ce n’est pas une pathologie que je

suis amené à traiter. Je ne sais pas combien j’ai de VIH, je ne sais plus si j’ai 4 ou 5 personnes. Et ce sont des gens qu’en fin de compte, je n’ai pas l’impression de suivre. C’est des gens que j’ai vu, que j’ai connu mais honnêtement, je n’ai pas l’impression de les avoir suivi parce qu’ils sont suivis par le CHU. »

Un généraliste a relevé qu’il y a une difficulté à faire le dépistage en présence d’un signe clinique évocateur, car l’on suscite la peur d’une maladie grave chez le patient qui ne trouve pas de justification lorsque le résultat est négatif.

Un généraliste a relevé qu’il n’avait pas de cas de VIH parmi ses migrants africains malgré un dépistage important, avec comme explication possible le fait d’avoir des migrants d’Afrique de l’ouest, zone de moins forte endémie en Afrique; et le fait d’avoir des migrants de confession musulmane, avec des comportements sexuels différents de la majorité des migrants.

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3 – Des freins au dépistage chez les migrants

Selon la plupart des généralistes, les migrants ont des difficultés à parler du VIH. Souvent ils connaissent la maladie et ont vu mourir des proches de cette maladie.

Le VIH est alors perçu comme une maladie mortelle touchant d’abord la population active et largement répandue dans leurs pays d’origine.

Souvent ils ont du mal à aborder leurs propres prises de risque sexuel; certains sont dans le déni de la maladie et donc de sa prévention; le VIH reste un sujet tabou dans certaines cultures africaines. Le VIH est alors vécu comme une maladie honteuse. Certains patients migrants africains l’associent à une mort sociale; certains patients avancent des arguments religieux

M4 : « Ils savent que dans leur pays, il y en a plein. Ils sont bien au courant parce

qu’ils ont tous dans leur famille quelqu’un qui est mort du VIH. Ils viennent de temps en temps nous demander des médicaments pour traiter des membres de leur famille. Et ils se sont aperçus que c’est toute la population floride : les chefs de famille, les enseignants, les avocats, les transporteurs, tous ceux qui avaient des responsabilités qui sont le plus infecté. Je crois que dans les raisons pour fuir leur pays, il y a aussi l’idée que si j’arrive en Europe, je serais soigné. Certainement ils n’en sont pas fiers. ça c’est sûr. Parce qu’ils ont peur d’être rejeté par leur société. Et puis, évidemment, il ne faut surtout pas le dire. Ils vont presque jusqu’à nous le dire : surtout docteur, ça reste entre nous.

Et l’annonce du VIH pour eux c’est un bouleversement. Comme pour les français, il y a toujours derrière l’idée de la mort. Plus encore chez les migrants que chez les français qui savent qu’il y a maintenant des thérapies. »

M9 : « Ceux que j’ai pu interroger, je pense que ça les inquiète beaucoup. Ils ont peur

parce qu’ils ont vu autour d’eux des gens qui mourraient de ça. »

Un généraliste a relevé que le dépistage était facilement accepté s’il n’y avait pas d’interrogations du patient migrant sur sa sexualité.

M8 : « Pour eux-mêmes d’en parler, oui. Ils ont peur qu’on leur pose des questions, j’ai

l’impression qu’ils ont peur, si eux demandent, qu’on leur pose des questions complémentaires, sur leur sexualité, sur leurs antécédents, alors que si on met ça dans un bilan standard, ils disent oui oui bien sur, je veux bien le faire. Lorsqu’on ne rentre pas dans le détail. C’est beaucoup plus rare qu’eux viennent en disant je voudrais un dépistage. Ça arrive quand même mais c’est plus rare. »

44 Un généraliste a relevé l’importance chez certains migrants africains de la médecine traditionnelle africaine.

Pour un généraliste, la perception du VIH pour un migrant africain est variable selon son âge, sa culture et sa religion.

Pour un généraliste, certains migrants ne comprennent pas la notion d’infection virale et ne veulent pas rattacher le VIH à la sexualité.

Plusieurs généralistes ont relevé la peur de la maladie chez certains migrants africains; et donc le dépistage fait à la demande des patients dans plusieurs situations particulières.

La demande de dépistage par les femmes de migrants anciens lorsque leurs maris effectuent un séjour prolongé au pays natal sans elles; la demande de dépistage par les migrants isolés en France, qui ont éventuellement recours à la prostitution; ou encore la demande de dépistage par des jeunes filles vivant en France, lors d’un mariage arrangé avec un migrant originaire du pays natal.

M9 : « Je crois quand même, ce n’est peut-être pas tout à fait dans le cadre de votre thèse, mais il y a souvent quand même, j’ai assez fréquemment des femmes africaines qui me demandent des test HIV parce que leur mari est parti en Afrique pour des vacances, sans elles, et ça les inquiète. Donc c’est vrai que je ne suis jamais allé jusqu’au bout de la question de leur demander et pourquoi vous seriez inquiètes d’attraper le HIV. Je ne sais pas quelle est leur perception vraiment de la maladie. Mais en tout cas, c’est sûr que ça les inquiète. Ce cas de femmes qui me demandent parce qu’elles ont des doutes sur la fidélité de leurs maris, c’est fréquent. Ça, c’est fréquent. Mais ça, c’est pas forcément des nouveaux migrants, c’est des gens qui sont là, ça peut être des migrants anciens, c’est quand même des femmes déjà d’un certain âge qui sont souvent nés en Afrique, en effet. Leurs maris retournent régulièrement et régulièrement elles demandent le test. »

4 – Le dépistage dans des situations particulières

a) Comportements à risque: partenaires sexuels multiples, usage de drogue intra veineuse

Selon les généralistes interrogés, il n y a pas de difficultés si le patient évoque spontanément un comportement à risque.

Si le patient n’en a pas parlé, il y a une difficulté pour le généraliste à parler le premier des prises de risque sexuel.

Pour un généraliste, les patients qui ont des prises de risque sexuel ne l’évoquent pas toujours spontanément.

45 b) Patient homosexuel

Les généralistes interrogés disent ne pas avoir de patients homosexuels ou se présentant comme tels parmi leurs patients migrants africains.

M8 : « Chez les patients homosexuels, ils acceptent encore mieux. Mais je n’ai pas

beaucoup de références d’aveu d’homosexualité chez les migrants africains déjà. Premier point. C’est pour ça donc qu’il n y a pas beaucoup de référence à l’homosexualité. »

Un généraliste a relevé l’importance d’une coordination du dépistage entre les différents acteurs. Pour éviter toute stigmatisation, ne pas avoir à répéter sans arrêt le dépistage surtout lorsqu’il a déjà été fait dans d’autres centres tels les CDAG ou les PASS, les généralistes devant aussi insister sur la prévention du VIH lors des bilans sanguins.

c) Projet de mariage

Le dépistage est proposé et facilement accepté par les généralistes interrogés lors du bilan prénuptial.

Trois généralistes le font systématiquement

Un généraliste a relevé la difficulté pour le médecin à proposer ce dépistage lorsque les patients sont vus ensemble.

M6 : « Ce n’est pas difficile si on voit tout seul la personne. Si on les voit à 2, ça devient

très très difficile; et d’ailleurs même nous à nous poser la question, ça devient difficile. Et en plus, ils disent oh ben non, parce que l’autre est là. Et du coup, le dialogue est un peu biaisé.

Mais quand on les voit tout seul, il n y a pas de problèmes, il n y a pas de souci. On leur dit dans le cadre du bilan de mariage, c’est systématique. »

d) Retour du pays natal après un séjour prolongé

Il y a une difficulté à faire le dépistage au retour d’un séjour prolongé au pays natal selon plusieurs généralistes.

Le séjour prolongé au pays natal passe souvent inaperçu pour le médecin parce que les patients ne sont pas toujours vus en consultation à leur retour et parce que les généralistes ne pensent pas toujours à la proposition de dépistage dans cette situation.

La proposition de dépistage dans cette situation peut mettre en péril la relation médecin-malade, parce qu’il y a l’abord de la vie privée et des prises de risque sexuel éventuels, et parce que cette proposition sera mal perçue si la consultation se fait en couple.

46 Pour certains généralistes, le dépistage au retour d’un séjour prolongé dans le pays natal est souvent fait à la demande des patients eux-mêmes.

M5 : « Ah, je ne le fais pas systématiquement parce que j’en ai beaucoup qui repartent.

Il y en a beaucoup qui partent en voyage 5-6 mois. Je ne le propose pas systématiquement. Je n’y pense pas. Je ne pense pas que les patients refuseraient. Maintenant c’est vrai que c’est compliqué de leur dire vous êtes partis 4 mois, est ce que vous avez eu des rapports. Ce côté : ah ben vous êtes allez là bas. Là, c’est plutôt ma réticence à moi. A rentrer dans leur vie

privée. »

e) Grossesse

Tous les généralistes interrogés font le dépistage lors de la grossesse, la moitié des généralistes le fait de façon systématique.

f) IVG (interruption volontaire de grossesse)

La plupart des généralistes interrogés ne proposent pas le dépistage lors de l’IVG. Pour deux généralistes, l’IVG est le plus souvent une situation médicale urgente qui n’est pas propice au dépistage. Pour deux autres généralistes, les migrants africains sont peu vus pour des IVG. Un généraliste propose le dépistage lors d’une IVG lorsqu’un risque sexuel est évoqué tel un accident de préservatif ou un changement de partenaire ...

M4 : « J’en ai de temps en temps. Mais ça n’affecte pas les migrants. Les migrants

récents veulent tous garder le bébé et elles en veulent toutes. Mais par contre, les jeunes de 2e génération, c’est celles-là qui veulent des IVG. »

g) Contraception

La plupart des généralistes interrogés proposent le dépistage lors de la contraception. Il est fait de façon systématique par 3 généralistes.

La plupart des généralistes le proposent surtout en cas de prise de risque sexuel évoquée par la patiente : partenaires multiples, nouveau partenaire ...

Un généraliste relève que la population la plus à risque concerne le migrant primo arrivant car ses 5 derniers cas de sérologies positives concernaient cette population.

47 h) VIH connu chez un membre de l’entourage

La plupart des généralistes interrogés effectuent le dépistage en cas de VIH connu dans l’entourage.

Certains généralistes relèvent que c’est une situation délicate dans la mesure où le médecin doit respecter le secret médical pour les personnes malades et a aussi l’obligation d’obtenir l’accord du patient pour le dépistage.

Un généraliste a relevé avoir eu plutôt des demandes de dépistage par les patients lorsque ceux-ci étaient confrontés au VIH dans leur entourage

M14 : « En général, oui. Les conjoints déjà. Et puis ce qui s’est passé pour le monsieur, ça remontait au moins à 10 ans. Moi, vu mon dossier, ça correspondait, c’était en 2002. Donc 11 ans même. Heureusement il n’avait pas eu d’enfant puisque la dernière a 14 ans. Ce qu’on a fait, c’est qu’on a testé la maman qui malheureusement était positive, mais ça on pouvait s’en douter. Et puis, on a eu un doute pour la fille. On l’a testé, heureusement c’était négatif. »

i) Symptôme évocateur d’infection opportuniste

La plupart des généralistes interrogés proposent le dépistage en cas de symptôme évocateur d’infection opportuniste.

Pour un généraliste, le dépistage est difficile dans cette situation, surtout pour le médecin parce qu’on a peur de dire au patient que son symptôme est évocateur de VIH.

Pour un autre généraliste, il y a une difficulté si le couple ou l’ensemble de la famille est soigné par le même généraliste, parce que le médecin a peur du résultat positif et de ses implications dans la famille.

M5 : « Ça c’est plus difficile. Mais c’est difficile pour le médecin pas pour le patient.

C’est difficile de dire quand il y a un signe. Parfois j’attends de voir si ça traîne ou pas avant de le faire. Je le ferais peut être plus systématiquement. »

j) IST, Hépatite B ou C, Tuberculose

Tous les généralistes interrogés proposent le dépistage dans ces situations. Pour la moitié des généralistes interrogés le dépistage est systématique dans le cadre d’une IST.

M6 : « Alors là, je n’ai jamais de soucis. Même des gens qui ne veulent pas.On

retrouve un chlamydiae ou des condylomes ou des choses comme ça, je dis un bilan systématique de MST et là je n’ai jamais eu de souci. »

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5 – Le refus du dépistage par le migrant, une exception

Pour la grande majorité des généralistes, le refus du dépistage est rare parmi leurs patients migrants africains.

La moitié des généralistes n’a jamais eu de refus chez un migrant africain.

Plusieurs généralistes disent avoir des refus non avoués, c’est à dire des patients qui acceptent le dépistage au cabinet mais qui ne font pas les examens au laboratoire plus tard.

M8 : « Non. Ah non. Mais des situations de refus non avoués c’est à dire que ce n’est

pas fait. Mais ce n’est pas fréquent. Quand c’est proposé, quand on a eu le temps d’en parler, ce n’est pas fréquent. Je n’ai jamais eu de refus exprimé en disant : non docteur, je ne le ferais pas, je ne veux pas savoir. Je n’ai jamais eu ça. »

M15 : « Il ne me semble pas. Pas du tout. Au contraire. Chaque fois que le test est

proposé, les gens, ils sont demandeurs, au même titre qu’ils sont demandeurs pour les vaccinations, demandeurs pour toutes ces pathologies. Parce qu’ils savent de quoi on parle, ils savent d’où ils viennent, ils savent ce que c’est que la maladie grave, mortelle chez les jeunes, ça ils le savent. »

En cas de refus du dépistage, les justifications sont variables : parfois il n y a aucune justification avancée; parfois certains migrants se doutent du résultat positif et font un déni de la maladie; il y a la peur de maladie et la peur du résultat positif; parfois des arguments religieux sont évoqués tels que le fait de ne pas avoir de rapports avant le mariage ou extra conjugaux en application d’une religion; parfois certains migrants le refusent par négligence, ils ne se sentent pas concernés par le dépistage ou ne veulent pas prendre soin de leur santé.

M12 : « En disant que ça ne les concerne pas, qu’il n y a pas de problème. En général,

c’est ça. C’est plus le problème des autres. Mais comme beaucoup de maladies. C’est toujours les autres.

Parfois c’est arrivé que le fait d’en parler, au bout de 2 ou 3 visites ou consultations après, là ils me disent ben oui pourquoi, on pourrait le faire. Mais quand ça bloque, il faut expliquer et après comme c’est un test où un il faut les prévenir, et deux leur laisser le choix, je pense qu’à un moment, on ne peut pas aller au-delà de leur volonté. »

49 Un généraliste a relevé que le refus du dépistage est une frustration pour lui et ça n’entraîne pas de discussion avec le patient.

Pour trois généralistes, le refus entraîne une discussion avec une argumentation de la part des médecins en cas de forte suspicion.

Pour deux généralistes, le refus de dépistage ne modifie pas leurs pratiques du dépistage parce qu’ils n’ont pas de cas de VIH parmi leurs patients.

Deux généralistes ont relevé que le refus du dépistage ne modifie pas leurs pratiques, parce qu’ils respectent le choix du patient de ne pas faire le dépistage.

Pour un généraliste, le refus du dépistage est un encouragement à l’éducation à la

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