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La figure XI.7 représente l’évolution des paramètres spectraux indiqués en table XI.2 en fonction de la phase. Nous notons en particulier que l’intervalle situé entre les pics présente un spectre plus dur, caractérisé par un indice de 1.49 ± 0.09 ± 0.05, que les pics de la courbe de lumière. Par ailleurs, le second pic présente une énergie de coupure plus élevée que le premier, ce qui est en accord avec la diminution du rapport P1/P2 avec l’énergie, mentionnée au cours de la section XI.3.2.

XI.4 Discussion

XI.4.1 Rayonnements synchrotron et Compton inverse au sein de la

né-buleuse du Crabe

La nébuleuse du Crabe a été détectée sur l’ensemble du spectre électromagnétique. Son spectre, des rayons γ mous jusqu’aux rayons γ de très haute énergie, est représenté en figure XI.8. Les résul-tats spectraux obtenus avec le Fermi-LAT, représentés en rouge, permettent d’apporter de nouvelles contraintes sur les processus d’émission observés, en ce qui concerne la composante à haute énergie, mais aussi la composante due au rayonnement synchrotron des particules.

Le spectre de la composante Compton inverse obtenu avec Fermi, d’indice spectral

ΓIC = (1.64 ± 0.05 ± 0.07) est compatible avec les résultats de l’expérience EGRET (1.85+0.65−0.5 , de Jager et al., 1996 (Crabe)). La figure XI.8 illustre de plus la connexion existant entre les résultats de Fermi et les résultats des expériences au sol, dont l’association permet donc désormais une couverture intégrale de la composante spectrale de la nébuleuse du Crabe due à la diffusion Compton inverse des électrons sur les photons synchrotron notamment. Les point spectraux obtenus dans la gamme d’éner-gie 80 – 300 GeV couverte par les deux types d’instruments indiquent un excellent accord entre ces expériences. Le flux obtenu au delà de 77 GeV : (1.18 ± 0.22 ± 0.37) × 10−14 cm−2 s−1 MeV−1 est ainsi compatible avec les résultats de l’expérience MAGIC : (1.14 ± 0.27 ± 0.34) × 10−14 cm−2s−1 MeV−1(Albert et al., 2008 Crabe), aux erreurs statistiques et systématiques près.

Les performances des détecteurs au sol et de Fermi devraient ainsi permettre, avec une statistique accrue, de déterminer l’énergie de coupure de la composante spectrale de haute énergie. L’étude com-binée de cette source pourrait en outre autoriser une calibration croisée des instruments, permettant ainsi la réduction des erreurs systématiques à basse énergie des détecteurs au sol (Bastieri et al. 2005). Le processus d’émission Compton inverse des électrons énergétiques sur les différents champs de photons cibles : CMB, IR, photons optique et synchrotron, est généralement suggéré comme étant à l’origine de l’émission observée de quelques centaines de MeV jusqu’à quelques centaines de TeV. Dans le cadre d’une approche du type Kennel & Coroniti (1984), Atoyan & Aharonian (1996) ont pro-posé la contribution supplémentaire du rayonnement de freinage des électrons pour expliquer l’excès observé par l’expérience EGRET aux énergies du GeV. Les prédictions réalisées par Atoyan & Aha-ronian (1996) en terme de rayonnement dû à la diffusion Compton inverse dans l’hypothèse de trois champs magnétiques : 100, 200 et 300 µG, sont superposées aux résultats observationnels en rouge, vert et bleu respectivement sur la figure XI.8. De l’observation de ces résultats, nous constatons que la contribution additionnelle du rayonnement de freinage n’est finalement pas requise pour expliquer la composante spectrale à haute énergie telle qu’observée par Fermi et par les instruments au sol. Par ailleurs, les résultats spectraux représentés en figure XI.8, indiquent une valeur du champ magnétique moyen comprise entre 100 et 200 µG, compatible avec l’estimation de ∼ 140 µG réalisée par Horns

FIG. XI.8 – Distribution spectrale en énergie de la nébuleuse du Crabe dans l’intervalle 0.5 MeV – 100 TeV. Les résultats spectraux du LAT sont représentés en rouge, selon les conventions explicités en légende de la figure XI.1. Le spectre de la composante synchro-tron, représenté en pointillés bleus, est ajusté par une loi de puissance avec coupure expo-nentielle. Les prédictions extraites de Atoyan & Aharonian (1996) en terme de diffusion Compton inverse pour trois valeurs de champ magnétique, 100, 200, 300 µG, sont repré-sentés en rouge, vert et bleu respectivement. Références : CGRO COMPTEL et EGRET : Kuiper et al. (2001) ; MAGIC : Albert et al., 2008 (Crabe) ; HESS : Aharonian et al., 2006 (Crabe) ; CANGAROO : Tanimori et al. (1998) ; VERITAS : Celik (2007) ; HE-GRA : Aharonian et al. (2004) ; CELESTE : Smith et al. (2006)

et Aharonian (2004) et inférieure à la valeur du champ d’équipartition dans la nébuleuse du Crabe de 300 µG.

A plus basse énergie, les résultats obtenus par l’expérience CGRO-COMPTEL, dont seules les erreurs statistiques ont été prises en compte, et par Fermi permettent une estimation de l’énergie de coupure de la composante synchrotron, évaluée à Ec,sync = (97 ± 12) MeV, soit à une énergie supérieure à celle dérivée des observations EGRET et COMPTEL par de Jager et al., 1996 (Crabe), de l’ordre de 26 MeV. L’énergie de coupure ainsi estimée implique l’accélération des leptons au sein de la nébuleuse jusqu’à des énergies supérieures à 1015 eV (de Jager & Harding 1992), confirmant ainsi le fait que la nébuleuse du Crabe est un Pevatron. L’ajustement réalisé est représenté par une courbe en pointillés bleus en figure XI.8.

XI.4.2 Processus d’émission à haute énergie pour le pulsar du Crabe

La statistique de photons obtenue par l’observation du pulsar du Crabe au terme de seulement 8 mois de mission Fermi a permis de réaliser une analyse temporelle et spectrale très précise de

XI.4. DISCUSSION

Domaine spectral Retard en radio Référence (µs)

Optique 255 ± 21 Oosterbroek et al. (2008) Rayons X 344 ± 40 Rots et al. (2004) Rayons X durs 280 ± 40 Kuiper et al. (2003) Rayons γ (EGRET) 241 ± 29 Kuiper et al. (2003)

Rayons γ (LAT) 281 ± 12 ± 21 Abdo et al., 2010 (Crabe)

TAB. XI.3 – Retard de l’émission radio par rapport à l’émission à d’autres fréquences.

cet objet. Les résultats de cette analyse sont en mesure d’apporter de nouvelles contraintes quant à la géométrie d’émission dans la magnétosphère de ce pulsar jeune et énergétique, permettant notamment la discrimination entre les différents modèles théoriques présentés au cours du chapitre X.

D’une part, l’analyse temporelle des données du LAT a permis la mise en évidence du retard de l’émission observée en radio par rapport aux pics présents sur la courbe de lumière en rayons γ, d’une valeur de 0.0085 ± 0.0005 ± 0.0006 en phase, soit (281 ± 12 ± 21) µs en temps. Les observations dans le domaine optique, rayons X et rayons X durs, ainsi qu’en rayons γ, par EGRET, ont montré un comportement similaire. Les retards observés dans les différents domaines spectraux sont indiqués en table XI.3. Ce retard du rayonnement radio sur les plus hautes fréquences peut être expliqué, dans le cadre d’un modèle à cavité externe en 3 dimensions (Cheng et al. 2000), par un rayonnement en radio produit plus près de l’étoile à neutrons que l’émission à plus haute fréquence (Kuiper et al. 2003).

D’autre part, l’analyse spectrale des données Fermi apporte également de nouvelles perspectives quant à la validité des modèles théoriques d’émission à haute énergie. En effet, comme explicité au cours du chapitre X, le modèle de la calotte polaire prédit une coupure spectrale relativement abrupte (super-exponentielle), tandis les modèles de la cavité à fentes et de la cavité externe impliquent une coupure exponentielle simple. Par ailleurs, l’énergie maximale des photons est contrainte par le pro-cessus d’absorption des photons γ par production de paires dans les champs magnétiques intenses, mécanisme introduit au cours de la section II.2.3, qui limite l’altitude minimale d’émission selon la formule suivante :

r ≥ (εmaxB12/1.76 GeV)2/7P−1/7R (XI.5) où εmax est l’énergie maximale des photons non absorbés, P est la période de rotation du pulsar, 1012B12G est le champ magnétique en surface de l’étoile à neutrons et Rreprésente le rayon stellaire (Baring 2004). En utilisant des valeurs de εmax de 6 (énergie de coupure spectrale), 8 (limite basse du dernier intervalle en énergie dans lequel l’émission est significative) et 20 GeV (énergie maximale des photons pulsés), nous contraignons l’altitude minimale d’émission à 3.4, 3.7 et 4.8 Rrespectivement. Une telle contrainte a également été dérivée de l’observation du pulsar du Crabe par l’expérience MAGIC (Aliu et al., 2008 Pulsar du Crabe). L’énergie de coupure estimée par l’observation du pulsar par MAGIC est de (17.7 ± 2.8 ± 5.0) GeV, supérieure à la valeur estimée par l’analyse des données Fermi : Ec = (5.8 ± 0.5 ± 1.5) GeV. Toutefois, l’estimation réalisée par MAGIC est basée sur les résultats spectraux de CGRO-EGRET (Γ = 2.022). L’analyse des données Fermi en fixant l’indice

spectral du pulsar àΓ = 2.022 permet de dériver une valeur de l’énergie de coupure compatible avec

celle obtenue par MAGIC.

Les résultats spectraux obtenus par analyse du pulsar du Crabe avec les données Fermi défavo-risent ainsi le modèle prédisant l’émission située près de la surface de l’étoile à neutrons. Les modèles

théoriques des cavités externes et des cavités à fentes sont, quant à eux, adaptés à décrire les résultats observationnels à haute énergie.

Par ailleurs, l’analyse spectrale du pulsar du Crabe permet l’estimation de la luminosité en rayons

γ au dessus de 100 MeV par l’expression Lγ= 4π fFobsD2, où Fobs= (1.31 ± 0.02 ± 0.02) × 10−9 erg cm−2 s−1 est le flux en énergie (moyenné sur l’ensemble de la phase) au dessus de 100 MeV,

D = (2.0 ± 0.2) kpc est la distance du pulsar et f est un facteur correctif dépendant de la géométrie, notamment de l’angle d’inclinaison magnétique α et l’angle ζ séparant la ligne de visée et l’axe de rotation du pulsar, illustrés en figure X.1. De manière générale, ce facteur correctif est de l’ordre de

f ∼ 1.1 pour le modèle de la calotte polaire et f ∼ 1.0 pour les deux autres modèles (Watters et

al. 2009). La luminosité est alors estimée à la valeur Lγ = (6.25 ± 0.15 ± 0.15) × 1035 erg s−1 au dessus de 100 MeV. Ceci implique une très faible efficacité de conversion de l’énergie rotationnelle du pulsar en rayons γ de η = Lγ / ˙E = (1.36 ± 0.03 ± 0.03) × 10−3 au dessus de 100 MeV.