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Discussion et perspectives

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Chapitre 4 : Evaluation des injections répétées de gadodiamide dans les noyau

4.3. Discussion et perspectives

L’accumulation des agents de contraste à base de gadolinium (GBCA) au niveau cérébral induit un hypersignal au niveau des noyaux cérébelleux profonds (NCP) observable par IRM sur des images pondérées en T1. La persistance et les conséquences biologiques d’une telle accumulation posent encore de nombreuses interrogations. Dans le cadre de ces travaux de thèse, nous avons voulu répondre aux problématiques concernant : (i) la persistance à long terme de l’hypersignal détecté par IRM au niveau des NCP ; (ii) l’évaluation du profil métabolique des NCP par 1H SRM. Le suivi longitudinal a été réalisé pendant une période de 1 an chez des rates ayant reçu des injections répétées de gadodiamide (GBCA linéaire neutre). Nous avons mis en évidence que les injections répétées de gadodiamide chez des rates saines induisent une augmentation de l’intensité du signal au niveau des NCP sur des images pondérées en T1 obtenues avec un aimant à haut champ (7 Tesla). Cette hausse du signal des NCP est observable à 1 semaine post-injections et 5 semaines post-injections. Ce résultat est en accord avec les précédentes observations sur l’hyperintensité et l’augmentation de la vitesse de relaxation R1 réalisées sur le même modèle animal (20 injections de 0,6 mmol/kg pendant 5 semaines) avec un aimant à 2.35 Tesla (Robert et al. 2015, 2016). La mesure de l’hypersignal sur ce modèle animal d’injections cumulatives de gadodiamide est donc reproductible à haut champ, et cela en dépit de la diminution du contraste que peut engendrer d’acquérir des images à haut champ.

De manière inédite, nous avons mis en évidence que le rehaussement du signal dans les NCP est présent à 1 an après la fin des injections de gadodiamide. Ce rehaussement semble indiquer que l’accumulation de gadolinium persiste dans le cervelet à très long terme. Une analyse par LA-ICP-MS des cervelets de rats est en cours afin de quantifier la concentration du dépôt de gadodiamide à 1 an post-injections.

Une comparaison a été effectuée entre la normalisation de l’intensité du signal des NCP par le tronc cérébral ou le cortex cérébelleux. En effet, la différence entre les rates du groupe gadodiamide et celles du groupe contrôle est plus élevée avec le ratio NCP/tronc cérébral que le ratio des signaux NCP/cortex cérébral. Cette différence pourrait être une indication de la présence possible du gadolinium dans le cortex cérébelleux malgré l’absence d’un hypersignal. Chez les rats, Lohrke et al. (2017) ont détecté de fortes concentrations de

109 gadodiamide par LA-ICP-MS dans les NCP et dans la couche granulaire du cortex cérébelleux à 8 semaines post-injections (50 mmol/kg sur 4 semaines).

Afin d’élucider les conséquences biologiques des injections cumulatives de gadodiamide, le profil métabolique des NCP obtenu par 1H SRM a été quantifié. Compte tenu que les effets des GBCA sur les pics des métabolites en 1H SRM sont peu connus, l’évaluation in vivo a été précédée par une étude in vitro. Les spectres 1H de tubes de gel d’agarose contenant des composés représentatives du métabolisme cérébral (NAA, choline et créatine) n’ont pas mis en évidence de variation qualitative (largueur des pics) ou quantitative (aire sous les pics) en présence de gadodiamide (12,5 et 50 µM). Cela nous a permis de valider que le gadodiamide n’impacte pas la quantification des spectres 1H et que les mesures réalisées in vivo étaient

représentatifs du métabolisme des noyaux cérébelleux profonds.

Dans le cadre de ces travaux de thèse, nous avons souhaité mettre en place une quantification en concentration molaire par la méthode ERETIC digital. La quantification par ERETIC digital a montré une augmentation prolongée au cours du temps de la concentration de créatine totale (créatine+phosphocréatine) dans les NCP en comparaison au groupe contrôle. Aucune modification dans le temps à ces délais (1 semaine, 6 semaines et 1 an post- injections) n’a été observée pour les autres métabolites.

Néanmoins, cette augmentation de créatine totale n’a pas été corroborée par les méthodes de quantification classiquement utilisées en 1H SRM (LCModel, QUEST et AMARES). Or, les signaux impliqués dans la FID dans le domaine temporel ont une correspondance directe avec les pics des métabolites dans le domaine fréquentiel. Par conséquent, la quantification devrait être équivalente entre les méthodes dans le domaine temporel (QUEST et AMARES) et fréquentiel (LCModel et ERETIC digital). Le biais dans la mesure de créatine totale semble être lié à la stratégie employée pour la correction de la ligne de base au préalable de la quantification par la méthode ERETIC digital.

Par les méthodes de quantification conventionnelles en 1H SRM, nous avons mis en évidence que les injections cumulatives de gadodiamide n’induisent pas de modification sur le profil métabolique des NCP à court et à long terme. Une interprétation possible de l’absence de modification du profil métabolique des NCP en présence de gadodiamide pourrait être liée à sa propriété de composé ionique neutre. En effet, il a été rapporté dans la littérature un élargissement accompagné d’une diminution de l’aire sous le pic de choline en 1H SRM dans

110 le cas des GBCA ioniques et absents pour les GBCA neutres par des tests in vitro et chez un modèle de rat pour le cancer du sein (Lenkinski et al. 2009). Ce résultat a été confirmé en clinique sur les spectres obtenus après injection de GBCA linéaires ioniques (gadopentétate de diméglumine) au niveau des tumeurs mammaires (Baltzer et al. 2012) et des tumeurs cérébrales (Murphy et al. 2002). De la même façon, il a été montré que pour les GBCA neutres (gadodiamide ou de gadotérate de méglumine), aucune variation n’a été observée au niveau des tumeurs cérébrales après injection (Alkan et al. 2012). Il a été suggéré que la choline qui est chargée positivement par l’ammonium quaternaire (NH3+) pourrait interagir

avec la charge négative du complexe de gadolinium (J. K. Smith, Kwock, and Castillo 2000) Au vue de la littérature, les GBCA neutres tels que le gadodiamide ne semble pas induire de modification spectrale. Qu’en-est-il des GBCA linéaires ioniques accumulés dans les noyaux dentelés cérébelleux des patients (gadopentétate de diméglumine et gadobénate de diméglumine) ? Il serait intéressant d’explorer l’influence des GBCA linéaires ioniques accumulés au niveau cérébelleux par des expériences in vitro et in vivo chez les rats.

Au cours de notre protocole, l’état de bien-être des animaux et leurs poids ont été surveillés. Or, nous avons observé des lésions cutanées entre 2 et 8 semaines post-injections sur trois des dix rates du groupe gadodiamide. Lohrke et al. (2017) ont également observé des lésions cutanées à 8 semaines post-injections parmi quatre des dix rats administrés à une dose plus élevée de gadodiamide que notre étude (50 mmol/kg sur 4 semaines vs 12 mmol/kg sur 5 semaines). Dans l’étude de Lohrke et al. (2017), les lésions cutanées n’étaient pas observables chez les rats ayant reçu d’autres agents de contraste (gadopentétate de diméglumine, gadobutrol et gadotéridol). Ils ont corrélé leurs observations à une fibrose et une infiltration de cellules mononucléaires mesurées en histologie ainsi qu’à une forte concentration de gadodiamide dans la peau (1472 nmol/g). Dans notre étude, le poids des rates du groupe gadodiamide est significativement plus faible que celui du groupe contrôle à 1 an post- injections. Par conséquent, les lésions cutanées et la prise de poids plus faible semblent indiquer une altération systémique de l’état de santé des rates injectées au gadodiamide. Afin d’explorer les possibles modifications structurales à long terme, des études immunohistochimiques ont été réalisées sur les cervelets prélevés après le point IRM et 1H SRM à 1 an post-injections. Aucun changement de nos marqueurs pour les différentes populations cellulaires (neurones, astrocytes et microglie) n’a été observé au sein des noyaux cérébelleux profonds. Dans la littérature, les analyses histologiques chez les rats à 8 semaines

111 (Lohrke et al. 2017) ou 20 semaines (A. P. L. Smith et al. 2017) après des injections de gadodiamide à des doses plus élevées que notre étude n’avaient pas permis d’observer d’altérations histologiques.

Nous avons également mesuré une augmentation non significative de l’enzyme créatine kinase BB (CK-BB) chez les rates du groupe gadodiamide. L’enzyme CK-BB est une isoforme spécifique au cytosol des cellules cérébrales et elle est impliquée dans la régulation des niveaux de l’ATP. Cette hausse de CK-BB apparait alors que la quantification des spectres 1H au sein des NCP par les méthodes classiques (LCModel, QUEST, AMARES) ne met pas en évidence de variation pour la concentration de créatine totale chez les rates du groupe gadodiamide. Néanmoins, des écarts dans la mesure de CK-BB parmi les rates sont observables au sein de chaque groupe (gadodiamide et solution saline). Par conséquent, il serait intéressant d’augmenter le nombre d’animaux afin de vérifier cette tendance et valider la piste d’une modification du métabolisme énergétique induite par les injections répétées de gadodiamide.

Pour conclure, il a été mis en évidence dans le cadre de ces travaux de thèse la persistance d’un hypersignal dans les noyaux cérébelleux profonds chez les rates lors d’un suivi pendant un an après la dernière injection de gadodiamide. En perspective de ce travail, des dosages par LA-ICP-MS vont être effectués pour quantifier la concentration de gadodiamide dans les noyaux cérébelleux profonds. Ce dépôt de gadodiamide n’a pas induit de modification du métabolisme des noyaux cérébelleux profonds détectable par 1H SRM. Compte tenu que le gadodiamide est un agent de contraste linéaire neutre, il serait intéressant d’explorer l’influence sur le profil métabolique des agents de contraste linéaires ioniques connus pour s’accumuler dans le cervelet (gadopentétate de diméglumine et gadobénate de diméglumine). La persistance de l’accumulation de gadolinium à long terme renforce la nécessité d’élucider les conséquences cliniques de l’accumulation des agents de contraste linéaires au niveau cérébelleux.

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