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Les dérivés chlorés du BPA

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Chapitre 5 : Les effets du BPA et de ses dérivés chlorés

5.4. Les dérivés chlorés du BPA

5.4.1. Formation des dérivés chlorés dans l’eau potable

La structure moléculaire du BPA consiste en des atomes de carbones centraux tétraèdres avec deux groupes méthyles et deux groupes phénols. Le Bisphénol A est un composé modérément soluble dans l’eau (120–300 mg/L) (Corrales et al. 2015). Des prélèvements de 291 échantillons d’eau du robinet potable ont été effectués en France et le BPA a été mesuré pour une gamme de concentration de 9 ng/L à 50 ng/L dans 5% des échantillons (Colin et al. 2014).

133 Lors du traitement de l’eau potable par l’hypochlorite de sodium, le BPA contaminant présent dans l’eau va subir une chloration. Cela a pour conséquence la formation spontanée de dérivés chlorés du BPA par attaque électrophile des groupes phénoliques du BPA (Hu, Aizawa, and Ookubo 2002; Yamamoto and Yasuhara 2002).

Ces dérivés chlorés du BPA sont monochlorés (3-ClBPA), dichlorés sur un phénol ou les deux phénols (3,5-dichloroBPA et 3,3’-dichloroBPA) ou trichlorés (3,3’,5-trichloroBPA) (Fig. 5.5). Le BPA tétrachloré peut être détecté dans l’eau et il est utilisé dans la fabrication industrielle comme retardateurs de flammes. En effet, il est ajouté dans les matériaux plastiques pour supprimer le processus de combustion (Polo et al. 2006).

Figure 5.5 : Les dérivés chlorés du bisphénol A

(adapté de Viñas, Goldblum, and Watson 2013)

En Chine, les dérivés chlorés du BPA ont été plus fréquemment détectés dans les usines de traitements que dans les eaux de source. Les fréquences de détection et les concentrations des dérivés chlorés du BPA dans l’eau de boisson sont : 97% et 0,2 à 26,7 ng/L pour le BPA monochloré, 98% et <0,05 à 6,3 ng/L pour les BPA dichloré, 60%, <0,05 à 7,7 ng/L pour le BPA trichloré, 50% et <0,02 à 4,9 ng/L pour le BPA tétrachloré (Fan et al. 2013). La concentration des dérivés chlorés du BPA dans les stations de traitement de l’eau en France (région de Poitiers) sont en dessous du seuil de détection (Dupuis et al. 2012).

Dans les effluents à proximité d’usines de fabrication de papier thermique, la concentration peut atteindre jusqu’à 2 µg/L (Fukazawa et al. 2001). Contrairement au BPA non-chloré, les dérivés polychlorés du BPA sont biodégradés très lentement. En effet, le 3,3’-dichloroBPA a une demi-vie de 7 jours alors que le BPA et le BPA monochloré sont biodégradés en seulement une journée (Fukazawa et al. 2001).

134 Ces dérivés chlorés ont également été détectés dans les papiers en contact avec les aliments (e.g. filtre de café) à une concentration de 19 pg/g pour le BPA monochloré et 3 pg/g pour le BPA dichloré (Y. Zhou et al. 2015). Cela est lié au recyclage du papier contenant du BPA et au processus de blanchissement du papier. Une autre source possible des dérivés chlorés sont les produits d’entretien ménagers et d’hygiène personnelle contenant du chlore, dans lesquels des résidus de BPA sont fréquemment retrouvés (Dodson et al. 2012).

5.4.2. La bioaccumulation des dérivés chlorés du BPA chez l’Homme

Les dérivés ont été détectés chez l’Homme dans plusieurs tissus et liquides tels que le tissu adipeux, le placenta, le lait maternel et l’urine (Tableau 5.2). Dans ces échantillons, les dérivés dichlorés BPA sont détectés plus fréquemment et à des concentrations plus élevées que les autres dérivés chlorés. Il a été également rapporté que les dérivés monochlorés et dichlorés sont plus fréquemment détectés dans les embryons humains que le BPA et ils ont été corrélés à un transfert maternel élevé (Mo Chen et al. 2016).

Tableau 5.2 : Concentrations des dérivés chlorés dans les tissus et les liquides humain (liste non exhaustive)

BPA MCBPA 3,3’- DCBPA 3,5- DCBPA 3,3’,5- TCBPA Tissu adipeux (Fernandez et al. 2007) (n=20) 5,83 ng/g (55%) 3,05 ng/g (15%) 9,21 ng/g (80%) 0,74 ng/g (10%) Placenta (Jiménez-Díaz et al. 2010) (n=49) 5,7 à 22,2 ng/g (20%) 5,1 à 21,4 ng/g (51%) 4,0 à 31,2 ng/g (49%) 4,0 à 31,2 ng/g (49%) Lait maternel (Migeot et al. 2013) (n=21) 1,87 ng/mL (90%) <LOQ 1,87 ng/mL (52%) 1,56 ng/mL (100%) 0,68 ng/mL (19%) Urine (Liao and Kannan 2012) (n=31) <LOQ−18,7 ng/mL (97%) <LOQ−1,68 ng/mL (16%) <LOQ−1,06 ng/mL (19%) <LOQ−0,67 5 ng/mL (19%) Embryon (Mo Chen et al. 2016) (n=25) 11,86 ng/g (36%) 3,70 ng/g (80%) 4,30 ng/g (72%) 1,45 ng/g (16%)

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5.4.3. Les propriétés des dérivés chlorés du BPA

Les dérivés chlorés du BPA possèdent un caractère plus lipophile que le BPA (Andra, Charisiadis, et al. 2015; Fernandez et al. 2007), la détoxification hépatique par glucurono- conjugaison semble peu probable (Migeot et al. 2013). Il semble néanmoins éliminé par excrétion rénale du fait de sa détection dans l’urine.

A l’aide d’un système de gène rapporteur fluorescent, il a été mis en évidence une activité œstrogénique plus importante pour 3-ClBPA, 3,3’-dichloroBPA et 3,5-dichloroBPA que le composé parent BPA et les autres dérivés chlorés (Kuruto-Niwa, Terao, and Nozawa 2002). Les dérivés monochloré et 3,3’-dichloré du BPA montrent également une affinité plus élevée aux récepteurs œstrogéniques ERα que le BPA alors que l’affinité est similaire pour ER (Takemura et al. 2005). Dans cette même étude, il a été mesuré l’activité utérotrophique de ces composés chez des rates âgées ovariectomisées. Elles présentent des poids de l’utérus comparables à la suite d’un traitement à forte dose au BPA ou à ses dérivés chlorés (100 mg/kg pendant 3 jours). De plus, il a été mis en évidence que le récepteur activé par les proliférateurs de peroxysomes (PPAR ) est une cible pour les dérivés trichlorés et tétrachlorés du BPA (Riu et al. 2011).

5.5. Conclusion

Il existe actuellement peu d’études sur les effets biologiques des dérivés chlorés du BPA. Il a été seulement rapporté chez l’Homme une association entre la concentration de BPA monochloré urinaire et l’obésité ainsi que le diabète de type 2 (Andra and Makris 2015; Andra, Kalyvas, et al. 2015). Par ailleurs, la concentration urinaire des dérivés chlorés du BPA (monochloré et dichloré) ne semble pas être associée à une perturbation de la fonction thyroïdienne (Andrianou et al. 2016).

Dans le cadre de ces travaux de thèse réalisés en collaboration avec l’équipe « Implications physiologiques et physiopathologiques des connexines» (STIM, CNRS ERL 7368, Poitiers, France), les effets du BPA et de ses dérivés chlorés sont étudiés au niveau du foie et du cerveau chez des souris dont les mères ont été traitées pendant la gestation et la lactation. Chez les rongeurs, il a été précédemment démontré que le BPA peut atteindre le placenta (0,55% du BPA administré ; 3,14 ng/g), le fœtus (4% du BPA administré ; 3,7 ng/g) et le liquide amniotique (0,34% du BPA administré ; 4,85 ng/ml) (Zalko et al. 2003).

136 L’exposition a été réalisée à une faible dose de 20 µg/kg/jour, inférieure à la dose tolérable journalière du BPA (50 µg/kg/jour) fixée par l’EPA et l’EFSA. Ces travaux se sont focalisés sur l’étude des dérivés monochlorés et dichlorés dans le cadre d’une exposition périnatale car ces derniers ont été détectés le plus fréquemment chez les embryons humains.

De plus, les dérivés monochlorés et dichlorés du BPA présentent une activité œstrogénique plus importante que le BPA non conjugué. Par conséquent, ces dérivés chlorés du BPA pourraient induire des perturbations plus délétères que le composé parent BPA. En dépit de l’importante littérature sur les effets du BPA, les effets des dérivés chlorés du BPA au niveau hépatique et cérébral chez les rongeurs sont inconnus.

Le BPA et ses dérivés chlorés étant des perturbateurs endocriniens, les descendances mâle et femelle ont été analysées afin d’évaluer les effets liés au sexe. Nous avons également formulé l’hypothèse de la connexine 43 comme cible potentielle du BPA pour expliquer les effets observés au niveau cérébral chez les modèles animaux. Il a été évalué la sensibilité des souris présentant un phénotype hétérozygote pour la Cx43 lors d’une exposition au BPA et à ses dérivés chlorés pendant la période périnatale.

L’originalité de ces travaux de thèse est l’utilisation des outils IRM et 1H SRM pour examiner

l’impact de ces xénobiotiques au niveau du foie (Cf. 3ème

partie, Chap.6, p.137) et du cerveau

(Cf. 3ème

partie, Chap.7, p.160). Ces techniques sont classiquement utilisées dans les études

cliniques et précliniques pour le diagnostic ou la surveillance de la progression de pathologies.

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