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Chapitre 2 : Les études psycho-épidémiologiques

1.6 Discussion

1.6.1 Stress et symptomatologie du TDAH

Le premier axe de notre étude montre une forte association entre le stress de l’enfant mesuré par les parents et les symptomatologies du TDAH, de l’inattention et de l’hyperactivité. Par conséquent, la présence d'hyperactivités et notamment de difficultés d'attention chez les enfants d'âge préscolaire pourraient en partie s'expliquer par l'expression de leur stress.

En effet, ces résultats sur la relation entre le stress et les symptômes du TDAH, et plus spécifiquement, les difficultés d'attention, sont en accord avec la littérature dans la petite enfance, les enfants plus âgés et les adolescents. L'exposition au stress et les biomarqueurs du stress, jouent un rôle dans le TDAH chez les enfants, les adolescents et les adultes (Corominas et al., 2012; Scassellati et al., 2012; van der Meer et al., 2017; van der Meer et al., 2014). L'adversité psychologique et/ou l'adversité psychosociale fœtale avant 6 ans et les taux anormaux de cortisol, sont liés au TDAH chez les enfants de 6 à 17 ans (Isaksson, Nilsson, & Lindblad, 2013), de même, l'exposition chronique au stress chez les enfants et les adultes a un impact sur le fonctionnement neurocognitif, en particulier la mémoire et l'attention sélective (Lupien, McEwen, Gunnar, & Heim, 2009). Similairement, le stress de la vie précoce dans les modèles animaux, induit des dysfonctionnements du métabolisme du cerveau et du comportement, liés au TDAH (Bock, Breuer, Poeggel et Braun, 2016). Cela signifie que le stress mesuré à partir de comportement représentatif d’un stress, chez un enfant âgé de 3 à 6 ans peut être associé à des comportements d'hyperactivité et des difficultés d'attention.

1.6.2 Comportements parentaux, stress et symptomatologie du TDAH

Notre deuxième axe d’analyses met en avant l’association entre certains types de comportements parentaux et la présence de symptômes de TDAH, d’inattention ou d’hyperactivité. Ainsi, l’augmentation des comportements coercitifs des parents, est associée à

l’augmentation tant des comportements d’hyperactivité que du niveau d’inattention de l’enfant. Et l’augmentation des comportements inconsistants est associée à l’augmentation des comportements d’hyperactivité. Les comportements inconsistants ne sont pas associés aux comportements d’inattention, même si, lorsque nous tenons compte des facteurs sociodémographiques, les comportements inconsistants des parents tendent à augmenter ceux d’inattention des enfants.

Nous retrouvons donc des résultats similaires à ceux obtenus par Campbell (1995) dans sa revue sur les comportements parentaux en lien avec les problèmes comportementaux chez les enfants d’âge préscolaire. Nos résultats sont également concordants avec l’augmentation des comportements parentaux négatifs chez les enfants ayant un TDAH (DuPaul, McGoey, Eckert, & VanBrakle, 2001; Marks et al., 2005). Par contre, nos résultats ne sont que partiellement en accord avec ceux de Keown et Woodward (Keown, 2011; Keown & Woodward, 2002). Dans notre échantillon, il n’y a pas d’association entre les comportements chaleureux des parents et les comportements des enfants, par contre, nous retrouvons une association avec les comportements inconsistants des parents, à l’instar de celle retrouvée pour les comportements laxistes décrits par ces derniers auteurs.

Lorsque nous testons l’effet de modération des comportements parentaux sur la relation entre le stress et la symptomatologie du TDAH, nous ne retrouvons pas l’effet des variables d’interaction attendu pour un tel effet, tel que retrouvé par Barrios et al. (2017) en mesurant le stress avec la réactivité au cortisol. Ne nous confirmons donc pas notre hypothèse de modération. Par contre, nos analyses exploratoires montrent la présence d’une médiation partielle du stress entre les comportements parentaux et la symptomatologie du TDAH. C’est résultats sont concordant avec la littérature qui tend à montrer un effet des comportements parentaux sur les difficultés émotionnelles dès les 3 à 6 ans (Letcher, Smart, Sanson, &

1.6.3 Problèmes de sommeil, stress et symptomatologie du TDAH

Dans notre troisième axe, nous montrons que plus la dyssomnie d'un enfant est grave, plus il présente des symptômes de TDAH, d’inattention ou d’hyperactivité. La présence de cauchemars était significativement associée à la symptomatologie du TDAH et à celle de l'hyperactivité, mais pas à celle de l’inattention. Nous n'avons trouvé aucune association entre les autres parasomnies et les scores obtenus pour le TDAH, les difficultés d’attention ou les comportements d’hyperactivité.

Cependant, lorsque nous incluons les difficultés de sommeil et le stress dans le même modèle prédictif, seul le stress semble prédire les comportements du TDAH. Les cauchemars semblaient aussi les prédire, mais seulement lorsque nous contrôlions avec des variables sociodémographiques. La symptomatologie de l’inattention était significativement associée avec le stress, mais ni avec la dyssomnie ni les cauchemars. Enfin, le stress et les cauchemars étaient significativement associés à l’hyperactivité, mais pas la dyssomnie.

Nos résultats sont partiellement en accord avec la littérature sur la dyssomnie et les parasomnies. Jusqu'à présent, les parents ont signalé plus d'hyperactivité et d'inattention chez leurs enfants lorsqu'ils souffraient de dyssomnie (Coulombe et Reid, 2014 ; Reid, Hong et Wade, 2009 ; Steinsbekk et Wichstrøm, 2015). Cependant, nous n'avons trouvé aucune association dans notre échantillon communautaire, mais seulement une tendance à augmenter les comportements d’inattention. Diverses études sur des échantillons communautaires ont rapporté que les enfants somnambuliques ou souffrant de troubles respiratoires liés au sommeil ou de ronflement présentent plus de symptômes d'hyperactivité et d'inattention (Bonuck et al., 2012, Petit et al., 2007, Ren et Qiu, 2014, Wasilewska et al. al., 2009). Pour la parasomnie, nous avons uniquement trouvé une association entre la présence de cauchemars et l'hyperactivité et la symptomatologie du TDAH.

Par contre, nous retrouvons la tendance, à l’instar de la littérature, que les problèmes de sommeil des enfants rapportés par les parents sont plus associés à l'hyperactivité / impulsivité qu'à l'inattention (Willoughby et al., 2008). Et nous retrouvons l’association entre la présence de cauchemars et la symptomatologie du TDAH identifiée par Steinsbekk et al. (2013).

Nous ne retrouvons pas d’effet médiateur des problèmes de sommeil entre le stress et les difficultés d’attention puisqu’il semble que le stress ne prédise pas les problèmes de sommeil. Toutefois, il semble il y avoir un lien entre le stress et les problèmes de sommeil puisque les problèmes de sommeil tendent à moins expliquer les difficultés d’attention lorsque le stress est évalué. Le stress pourrait être étroitement lié à l'aspect cognitif du TDAH par l'exacerbation des symptômes d'inattention. En effet, le stress et l'inattention partagent des similitudes dans le manque de régulation des pensées et de distraction. Dans cette perspective, le stress pourrait augmenter l'inattention en lui ajoutant un aspect émotionnel, à savoir des soucis d'école, d'amis, de problèmes familiaux. D'autre part, les problèmes de sommeil semblent étroitement liés à l'hyperactivité, qui est l'aspect comportemental du TDAH. Un sommeil de mauvaise qualité pourrait entraîner des difficultés à réguler et à inhiber le comportement moteur.

1.6.4 Limites

La principale limite de cette étude est notre population. Des analyses ont été effectuées sur 160 enfants, de sorte que l'échantillon restait relativement petit pour une approche psycho-épidémiologique. Cela pourrait avoir une incidence sur les résultats en sous-estimant les situations familiales, le niveau de scolarité des parents et l'activité professionnelle comme facteurs de risque, comme c'est souvent le cas dans les études épidémiologiques (Russell, Ford, Rosenberg et Kelly, 2014). La deuxième limite est liée aux méthodes d’évaluation. Nous avons seulement utilisé les mesures rapportées par le parent qui connaissait le mieux l'enfant. Idéalement, les données devraient avoir été collectées auprès d'autres sources telles que les

du comportement des enfants de leurs enseignants. Toutefois, selon Bronfenbrenner, la perception des parents est essentielle et est aussi informative que les mesures objectives (Bronfenbrenner, 1979). La troisième limite est lié aux différentes conceptualisations du stress, dans la recherche. En effet, le concept scientifique de stress peut être utilisé dans des circonstances différentes pour décrire des expériences psychologiques, des réactions physiologiques et des stresseurs / défis environnementaux (Lindblad et al., 2008). Pour des raisons techniques, il n'a pas été possible de mesurer les taux de cortisol. De plus, à notre connaissance, il n'y a pas de questionnaire autodéclaré concernant le stress chez les enfants d'âge préscolaire. Par exemple, la première échelle de stress perçu pour les enfants commence à l'âge de 5 ans (White, 2015). Il serait alors nécessaire de pouvoir proposer une échelle plus spécifique au stress, incluant toutes les dimensions du stress, à la fois physiologique, psychologique et environnementale, ce qui aiderait à clarifier les effets du stress de manière générale, mais aussi les interactions entre le stress et les symptômes du TDAH chez les enfants d'âge préscolaire.

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