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Discussion sur l’impact des assèchements sur la diversité de la communauté

2. Materials and Methods

4.4 Discussion sur l’impact des assèchements sur la diversité de la communauté

Les cycles assèchements/inondations sont des évènements environnementaux qui perturbent les communautés des plans d’eau peu profonds et gouvernent leur diversité (Coops, Beklioglu & Crisman 2003). Selon « l’hypothèse des perturbations intermédiaires » (« Intermediate Disturbance Hypothesis » ou « IDH » en anglais) (ex.

Grime, 1977; Connell, 1979), largement traitée dans les travaux de recherche en écologie, une richesse maximale en espèce devrait être observée dans des habitats soumis à des niveaux intermédiaire de perturbation. Une relation en cloche entre la diversité d’un écosystème (ex. richesse spécifique, hétérogénéité, diversité fonctionnelle) et le niveau de perturbation hydrologique (en terme de durée ou de fréquence) a été mise en évidence dans diverses études régionales (ex. Riis & Hawes 2002; Sousa, Thomaz & Murphy 2011; Arthaud et al. 2011).

Les deux études précédentes (Articles 3 et 4) ont décrit le caractère extrêmement dynamique des paramètres biotiques et abiotiques du lac du bois d’Avaz. Les fluctuations inter et intra annuelles du niveau d’eau, couplées aux variations bathymétriques créent un panel de conditions d’inondations permettant l’expression d’un grand nombre d’espèces aux stratégies de colonisation variées.

Les données récoltées sur le lac du Bois d’Avaz constituent une opportunité de tester l’IDH, soit la réponse de la communauté en terme de diversité au gradient hydrologique, et plus particulièrement si: (1) les assèchements saisonniers (fréquence de perturbation) ont un impact positif sur la diversité de la communauté qui suit ; (2) les zones soumises à un régime d’assèchement intermédiaire (intensité de perturbation) sont caractérisées par des diversités maximales.

La diversité d’une communauté donnée peut être évaluée à travers l’analyse de sa richesse en groupes taxonomiques (espèces, genres, etc) et celle de son hétérogénéité.

Ainsi pour le lac du Bois d’Avaz, les données décrites dans l’article 4 (131 unités x 47 espèces) ont été utilisées pour calculer et explorer les variations dans le temps et le long du gradient de profondeur de : (1) la richesse taxonomique (espèces et forme de croissance) de chacune des unités (« diversité α »), (2) la variabilité compositionnelle entre les unités (« diversité β »). La significativité des différences entre les 7 dates

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d’échantillonnages et les 10 groupes de profondeurs (voir Matériels et Méthodes de l’Article 4) a été testée grâce à un test de Kruskal-Wallis (diversité α) ou grâce à un test à 1000 permutations de l’homogénéité des dispersions (diversité β, Anderson 2006;

Anderson, Ellingsen & McArdle 2006).

Figure 5. Variations de la diversité de la communauté de macrophyte au cours du temps (a, b) et le long du gradient de profondeur-assèchement (c, d). La diversité alpha (a, c) a été calculée comme la richesse spécifique de chacune des 131 unités (les p valeurs issues du test de Kruskal-Wallis sont indiquées). La diversité beta (b, d) a été évaluée comme la distance moyenne au centroïde de la communauté sur la base des distances de Bray-Curtis (les p valeurs issues d’un test à 1000 permutations sont indiquées). Les groupes de profondeurs sont expliqués table 1 de l’Article 4.

(a

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Figure 6. Variations des richesses taxonomiques de la communauté de macrophyte au cours du temps (a, c, e, g, i) et le long du gradient de profondeur-assèchement (b, d, f, h, j). Les p valeurs issues du test de Kruskal-Wallis sont indiquées. Les groupes de profondeurs sont expliqués table 1 de l’Article 4. Les charophytes (a, b) regroupent C. aspera, C. contraria, C. globularis, C. strigosa, C.

hispida, C. vulgaris, N. batrachosperma, N. tenuissima, N. obtusa et T. glomerata. Les plantes vasculaires submergées de grande taille (c, d) regroupent M. spicatum, M. verticillatum et N. marina.

Les plantes vasculaires submergées à petites feuilles (e, f) sont constituées de P. berchtoldii, P.

filiformis, P. gramineus, P.pectinatus, Z. palustris, U. minor et U. australis. Les espèces émergentes poussant sur sol inondé (g, h) sont A. lanceolatum, A. plantago-aquatica, C. mariscus, E. acicularis, S.

lacustris, T. angustifolia et V. anagallis-aquatica. Les plantes de sol humide (i, j) sont B. tripartita, C.

flava, C. fuscus, E. palustre, J. articulatus, L. europaeus, L. salicaria, M. aquatica, P. capillare, P.australis, P. persicaria, R. palustris, S. tabernaemontani et S. dulcamara.

p=5.04 10-8 ***

p=5.09 10-7 ***

p=9.6 10-8 ***

p=5 10-4 ***

p=1 10-4 ***

p=0.058 ns

(a) (b)

(c) (d)

(e) (f)

Nb of charophyte speciesNb of tall submerged vascular species flooded soil

Nb of small submerged vascular species flooded soil

DATES DEPTH-DISTURBANCE

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Figure 6 (suite)

La richesse spécifique n’a pas répondu à l’intensité des assèchements (fig. 5 c) mais a répondu positivement à leur fréquence (temps passé depuis le dernier assèchement, fig. 5 a). Le long du gradient décroissant de profondeur, la perte d’espèces submergées (fig. 6 a à f) a été compensée par la croissance d’un nombre équivalent d’espèces de plus en plus adaptées à la dessiccation (hélophytes et plantes de zones humides, fig. 6 g à j).

Les richesses maximales en characées sont observées suite à un cycle assèchement automnal-inondation printanière et dans les secteurs soumis à des assèchements d’une durée moyenne allant de 2 à 5 semaines (groupes 5 à 8, cf tab. 1 de l’Article 4). Les espèces de plantes aquatiques présentant des formes de croissance distinctes montrent effectivement des modalités de rétablissement après un assèchement différentes (Van Geest et al. 2005b; Article 4) (fig. 6). Cette succession spatiale explique l’absence apparente de relation entre la diversité α toutes espèces confondues et le gradient de profondeur-assèchement dans notre analyse (fig. 5 c).

p=4.09 10-7 ***

(j) p=0.006 **

(i) Nb of species growing on flooded soil Nb of wetland species

p=0.064 ns p=8.7 10-3 **

(g) DATES (h) DEPTH-DISTURBANCE

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Les variations de la diversité β (« hétérogéneité » ou « variabilité compositionnelles » de l’assemblage à une date ou un groupe de profondeur donné) ont été significatives à la fois dans le temps et dans l’espace (fig. 1 b, d). Une augmentation importante de l’hétérogénéité de l’assemblage est apparue après juillet 2009. Elle s’est ensuite maintenue à un niveau élevé jusqu’à la fin de notre suivi (fig. 5 b). La relation entre la diversité β et le gradient de profondeur-assèchement, donc de perturbation, est en forme de cloche (fig. 5 d). Les zones les plus homogènes étaient celles situées de part et d’autre du gradient de perturbation aux caractéristiques hydrologique stables (sec ou inondé en permanence). Les profondeurs intermédiaires, soumises aux assèchements 6 à 10 semaines en automne, ont montré quant à elles une variabilité compositionnelle maximale. Les variations de diversité β sont donc en accord avec l’hypothèse de perturbations intermédiaires, le terme « intermédiare » signifiant donc ici 6 à 10 semaines d’assèchement en automne.

D’après nos observations (depuis l’automne 2007) et les usagers du lac du Bois d’Avaz, le dernier assèchement avant celui de 2009 aurait eu lieu au cours de la vague de chaleur de 2003. Par conséquent, la communauté fortement homogène de 2009 (espèces sensibles aux assèchements, cf Article 4) serait le résultat de 6 années consécutives de hautes eaux. Comme attendu, l’assèchement automnal de 2009, suivi d’une remise en eau au cours du printemps 2010, a rajeuni la communauté en diminuant l’abondance de ces espèces compétitrices sensibles aux assèchements (N. obtusa, M. spicatum et N.

marina) et en permettant la croissance d’un assemblage plus riche et plus hétérogène en 2010 (fig. 5 a et b) et notamment l’explosion de plusieurs espèces de characées (fig. 6 a).

Egalement en accord avec nos attentes, le « timing » des assèchements s’est révélé déterminant pour la diversité de l’assemblage. Si le cycle assèchement automnal/inondation printanière a influencé positivement la diversité de la communauté, les basses eaux au cours du printemps 2011 ont clairement inhibé la croissance de nombreuses espèces, qui n’ont pu être observées en été malgré la remise en eau des profondeurs intermédiaires (fig. 5 a). En 2011 la communauté a été à la fois pauvre en espèces (faible diversité α) et très hétérogène (forte diversité β) (fig. 5 a et b).

Ceci est dû au fait que l’assèchement précoce d’une grande partie du lac a inhibé la croissance d’un grand nombre d’espèces et créé des assemblages très différents le long du gradient de profondeur. La croissance de plusieurs espèces d’hélophytes et des

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plantes de zones humides a été favorisée sur les bordures du lac (fig. 6 g, h, i. j) alors que celle des espèces pionnières normalement submergées associées aux profondeurs et niveaux d’assèchement intermédiaires a été inhibée (fig. 6 a, b, e, f). Celle des grandes espèces submergées sensibles aux assèchements s’étant réfugiées dans les zones les plus profondes n’a pas été atteinte (fig. 6 c, d).

Les assèchements saisonniers qui ont eu lieu successivement entre juillet 2009 et juillet 2012 ont participé au maintien d’une forte hétérogénéité de la communauté en empêchant la succession naturelle qui amène normalement à l’exclusion progressive des petites espèces pionnières par les grandes espèces compétitrices et sensibles aux assèchements (Connell & Slatyer 1977) (fig. 5 b).

En conclusion, les résultats soutiennent l’hypothèse de perturbation intermédiaire selon laquelle la diversité d’une communauté est maximisée par des niveaux intermédiaires d’intensité et de fréquence de perturbation (Connell 1978). En effet, la diversité de l’assemblage macrophytique a été maximal (1) l’année suivant un assèchement automnal (succession post-perturbation) ; (2) dans les secteurs asséchés 6 à 10 semaines (intensité d’assèchement intermédiaire) à la fin de la saison de croissance (fig. 5, 6). La variabilité temporelle et spatiale des conditions d’inondation est l’un des mécanismes expliquant la coexistence d’un grand nombre d’espèces dans le lac du bois d’Avaz.

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4.5 Synthèse concernant la relation entre la dynamique d’une