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Chapitre 3: Impact de la teneur en matières grasses, du temps de fermentation et du

3.4 Discussion

La production de yogourt comporte plusieurs étapes critiques (standardisation de la composition, homogénéisation, traitement thermique, fermentation, brassage, refroidissement, etc.) qui, si elles ne sont pas optimisées, peuvent provoquer des modifications des propriétés physico-chimiques, texturales et rhéologiques du yogourt brassé telles qu’une augmentation de la synérèse ou une diminution de la fermeté et de la viscosité (Damin, M. R., Alcântara, M. R., et al. (2009), De Brabandere, Anne G.et De Baerdemaeker, Josse G. (1999), Haque, A., Richardson, R. K., et al. (2001), Serra, M., Trujillo, A. J., et al. (2009)). Dans ce chapitre, pour étudier spécifiquement l’effet des YOG du TF et du REF sur les propriétés physico-chimiques, texturales et rhéologiques des yogourts brassés, la composition de tous le ML à yogourts a été standardisée à la même teneur en CN, en PS, (ratio CN/PS) et en ST.

La vitesse de fermentation a été contrôlée avec succès puisque la réduction du taux d’inoculation de 0,70 % a permis d’augmenter le temps de fermentation de quatre à cinq heures. Lee, W. J.et Lucey, J. A. (2004) ont aussi démontré que la diminution du taux d’inoculation permettait d’augmenter le temps nécessaire pour atteindre le pH final de fermentation. Durant la fermentation, il est connu que les streptocoques permettent d’initier l’acidification du milieu pour favoriser la croissance subséquente des lactobacilles et qu’ils ont un pouvoir acidifiant inférieur à celui des lactobacilles (Lamontagne, M. (2010), Sieuwerts, S, de Bock, A. M. Frank, et al. (2008)). Dans ce chapitre, puisque les streptocoques étaient plus nombreux à l’inoculation dans les yogourts produits en quatre heures, le pH optimal de croissance des lactobacilles de 5,5 (Adams, M.R.et Moss, M.O. (2008)) a été atteint 35 minutes plus rapidement comparativement à ceux produits en cinq heures (approximativement aux temps 155 et 190 minutes, respectivement). Les lactobacilles, aussi plus nombreux à l’inoculation, ont donc pu acidifier le milieu et atteindre le pH final de fermentation plus rapidement.

Il a été démontré qu’une fermentation lente (> 6,5 heures) crée un réseau protéique fragile et instable dû aux réarrangements des liens hydrophobes et électrostatiques ainsi que des agrégats protéiques durant la fermentation. Il en résulte une augmentation de la synérèse et une diminution du module élastique G’ des yogourts fermes. Au contraire, une

fermentation plus rapide (< 4,3 heures) permet la formation d’un réseau protéique dense, uniforme et contenant plus de liaisons hydrophobes et électrostatiques entre les protéines, ce qui réduit la taille des pores et augmente la capacité de rétention d’eau ainsi que la fermeté des yogourts fermes (Lee, W. J.et Lucey, J. A. (2004), Peng, Y., Horne, D. S., et

al. (2009)). Par contre, le brassage des yogourts cause une déstructuration importante du

réseau protéique ce qui diminue les propriétés rhéologiques (Lee, W. J.et Lucey, J. A. (2006)). Or, les propriétés texturales et rhéologiques après le brassage des yogourts produits en quatre et cinq heures n’étaient pas significativement différentes. Il est probable que le brassage des yogourts dans le banc d’essai pilote ait causé une déstructuration des réseaux protéiques suffisamment importante pour effacer l’effet du temps de fermentation. Par contre, il est intéressant de noter que le yogourt produit en cinq heures avait une tendance, mais non significative, à former moins de synérèse (P = 0,16) et à obtenir des valeurs de fermeté (P = 0,32) et de viscosité (P = 0,87) plus élevées que les yogourts brassés produits en quatre heures, surtout en présence de MG. À noter que les yogourts produits au chapitre 2 avec une composition comparable (0,0 et 3,9% de MG) et ils avaient des valeurs de fermeté (Y0,0 : 346 N/m² et Y3,9 : 460 N/m²) et de viscosité (Y0,0 : 1,47 Pa*s et Y3,9 : 2,24 Pa*s) moins élevées que les valeurs de fermeté (Y0,0 : 372 N/m² et Y3,9 : 528 N/m²) et de viscosité (Y0,0 : 1,69 Pa*s et Y3,9 : 2,51 Pa*s) obtenus pour les yogourts produits dans ce chapitre. Or les yogourts au chapitre 2 ont été produits en 3,5 heures. Il est possible qu’une fermentation plus longue de 4 ou 5 heures ait conduit à la formation d’un réseau protéique mieux structuré que les yogourts produits au chapitre 2, d’où des valeurs de fermeté et viscosité plus élevées. En plus du temps de fermentation, il a été démontré au chapitre 2 que la teneur en MG, a joué un rôle important au niveau de la réduction de la synérèse ainsi que de l’augmentation de la fermeté et de la viscosité des yogourts brassés, ce qui pourrait aussi atténuer l’impact du temps de fermentation.

Dans ce chapitre, il a été observé que pour une même teneur en CN, PS et ratio CN/PS, l’augmentation de la teneur en MG a permis de limiter le développement de l’acidité, de diminuer la synérèse et d’augmenter la fermeté et la viscosité des yogourts Y3,9. Le traitement thermique prodigué au mélange à yogourt avant l’étape de fermentation provoque une dénaturation des PS ce qui modifie leur conformation et rend accessibles leurs groupements hydrophobes et sulfhydriles pour former des liens avec les

CN et les PS et produire des particules constituées d’agrégats protéiques durant la formation du réseau protéique. Durant la fermentation d’un yogourt sans gras, les CN et les PS dans la phase aqueuse s’agrègeraient ensemble et se liraient entre eux pour former un réseau protéique plus poreux comparativement à un yogourt riche en lipides (Brauss, M.S., Linforth, R.S.T., et al. (1999)). Cano-Ruiz, M. E.et Richter, R. L. (1997) ont démontré que, suite à l’homogénéisation, la surface des globules gras homogénéisés (GGH) était principalement recouverte de CN, ce qui permettait aux GGH d’avoir des propriétés similaires aux protéines. Brauss, M.S., Linforth, R.S.T., et al. (1999) ont démontré qu’en présence de MG les particules formées d’agrégats protéiques étaient trois fois plus petites puisqu’une partie des protéines de la phase aqueuse, principalement des CN, était adsorbées à la surface des GGH, ce qui diminuait la quantité de protéines pour former de gros agrégats. Le réseau formé serait plus dense et uniforme en présence de MG comparativement aux yogourts sans gras de type ferme. Il est possible que le même phénomène se soit produit dans les yogourts brassés Y0,0 et Y3,9. Une partie des protéines pourrait s’être liée à la surface des GGH dans les yogourts Y3,9, ce qui aurait réduit le nombre de protéines dans la phase aqueuse pouvant former des agrégats. Les yogourts Y3,9 seraient constitués de plus petits agrégats permettant de créer un réseau protéique plus dense et stable comparativement aux yogourts Y0,0. Comparativement aux yogourts sans gras, la présence de GGH dans le yogourt Y3,9 aurait possiblement permis d’augmenter le nombre d’interactions avec les PS et les CN durant la fermentation des yogourts et de former un réseau protéique plus dense et stable. Cela permettrait à ce réseau protéique riche en gras de mieux résister au cisaillement provoqué par le banc pilote, d’où des propriétés texturales et rhéologiques, après brassage, supérieures dans les yogourts Y3,9. Les résultats du chapitre 2 montrent aussi des effets similaires de l’augmentation de la teneur en MG, surtout à partir de 2,6 %. Nguyen, Hanh Thi Hong, Ong, Lydia, et al. (2015) ainsi que Cayot, P., Fairise, J. F., et al. (2003) ajoutent qu’un réseau plus dense et contenant plus de liaisons protéiques, grâce à la contribution des GGH recouverts de protéines, contribue à la rétention d’eau dans le réseau et permet d’obtenir des propriétés rhéologiques plus élevées dans les yogourts fermes et même pour des yogourts, brassés avec un mélangeur Polytron.

Le système ECT utilisé dans ce chapitre permettrait de minimiser le cisaillement après l’étape de lissage puisque l’écoulement du yogourt s’effectuait dans un tuyau linéaire à double paroi tandis que le système ECP causerait un cisaillement plus élevé puisque le yogourt passait entre les espaces étroits et sinueux des plaques. Le système ECT permettrait donc de produire des yogourts brassés constitués de fragments de gel de plus grande taille. Les résultats obtenus ont démontré que, tout comme au chapitre 2, le type de refroidissement ne semblerait pas avoir un impact sur la viscosité puisqu’elle était similaire pour les yogourts Y0,0 et Y3,9 refroidis par les systèmes ECT et ECP. Cayot, Philippe, Schenker, Flore, et al. (2008) ont démontré que, malgré deux types de brassage à la seringue (diamètre et longueur d’aiguille différents) produisant des tailles de fragments de gel différentes, la viscosité apparente des yogourts brassés était similaire. Par contre, tout comme observé au chapitre 2, les yogourts refroidis avec le système ECT avaient une fermeté supérieure au yogourt refroidi avec le système ECP, surtout pour les yogourts riches en gras Y3,9. Jorgensen, Camilla Elise, Abrahamsen, Roger K., et al. (2015) ont démontré que l’augmentation de la taille des fragments des yogourts ayant été brassés de façon standardisée (non décrite) permettait d’augmenter les valeurs de fermeté et de G’. Il est probable que si le système ECT a permis de conserver des fragments de gel plus gros, il est normal que les yogourts brassés soient plus fermes comparativement aux yogourts ayant été refroidis par le système ECP. Par contre, cela va à l’encontre des résultats obtenus par Ciron, C. I. E., Gee, V. L., et al. (2010). Ces auteurs n’ont pas obtenu des valeurs de synérèse et de fermeté significativement différentes après le brassage des yogourts même si la taille des fragments de gel, mesurée par diffusion dynamique de la lumière avec un Zetasizer Nano ZS) était supérieure dans les yogourts sans gras. Dans ce chapitre, la synérèse était plus élevée au jour 1 dans les yogourts refroidis avec le système ECT, surtout pour Y0,0. Il semble donc que l’impact de leur méthode de brassage effectué avec une plaque perforée soit très différent du brassage effectué avec le banc pilote dans ce chapitre.

Après le brassage des yogourts, ceux-ci ont été entreposés à basse température. Cet entreposage a causé une post-acidification et des modifications au niveau des propriétés physico-chimiques, texturales et rhéologiques. Au jour 1, la population des streptocoques et l’acidité étaient plus élevées dans les yogourts produits en quatre heures refroidis avec le système ECT, surtout pour Y0,0. Le refroidissement des yogourts avec le système ECT

était de trois minutes comparativement à quelques secondes pour le système ECP. Cela pourrait contribuer à expliquer l’acidité plus élevée obtenue pour les yogourts refroidis avec le système ECT. De plus, comme déjà mentionné au chapitre 2, la présence de MG semblent de limiter le développement de l’acidité, surtout durant la première semaine d’entreposage. Shaker, R. R., Jumah, R. Y., et al. (2000) ont aussi démontré que durant la fermentation, l’acidification des yogourts contenant 3,0 % de MG n’était pas aussi prononcée comparativement à des yogourts sans gras.

Dans ce chapitre, durant l’entreposage, la population des lactobacilles était équivalente dans les yogourts fermentés en quatre et cinq heures tandis que la population des streptocoques est restée plus élevée et stable dans les yogourts produits en quatre heures comparativement aux yogourts produits en cinq heures. De plus, la population des lactobacilles était toujours plus faible comparativement à la population des streptocoques durant l’entreposage des yogourts et elle a commencé à chuter après 21 jours d’entreposage. Damin, M. R., Minowa, E., et al. (2008) ainsi que les résultats obtenus au chapitre 2 ont aussi démontré que la population des streptocoques était stable mais que celle des lactobacilles diminuait graduellement durant l’entreposage. Ekinci, F. Y.et Gurel, M. (2008) rapportent que l’entreposage à basse température peut être un facteur limitant la croissance des lactobacilles. Turner, K.W.et Thomas, T.D. (1975) ajoutent que, malgré la présence de facteurs limitants la croissance des bactéries (pH acide ou basse température), le métabolisme des lactobacilles était apte à utiliser le lactose présents dans le milieu et ainsi continuer à produire de l’acide lactique acidifiant le yogourt. Serra, M., Trujillo, A. J., et al. (2009) ont démontré que la post-acidification et l’entreposage à basse température favorisaient la formation d’interactions hydrophobes entre les CN. L’entreposage permettrait la formation de nouveaux liens hydrophobes de faible énergie entre les fragments de gel créés par le brassage, ce qui permettrait d’augmenter les propriétés texturales et rhéologiques des yogourts brassés. Par contre, les propriétés des yogourts brassés demeuraient inférieures à celles des yogourts fermes. Serra, M., Trujillo, A. J., et

al. (2009) ont démontré que les liens formés entre les CN et les PS (et GGH en présence

de MG) durant la fermentation étaient plus résistants à la déformation comparativement aux liens formés uniquement entre les CN durant l’entreposage à basse température. Il a été démontré précédemment que les yogourts produits en quatre et cinq heures n’étaient

pas différents au jour 1 au niveau de la fermeté et de la viscosité. Cette tendance a été maintenue durant l’entreposage puisque la fermeté et la viscosité des yogourts brassés au jour 1 ont augmenté surtout pour les yogourts Y3,9, indépendamment de la vitesse de fermentation. Les valeurs d’acidité obtenues au jour 1 ont aussi augmenté, et celles du pH ont diminuées, durant l’entreposage des yogourts brassés, surtout dans le cas des yogourts Y0,0 refroidis avec le système ECT. Les résultats obtenus dans ce chapitre ont aussi démontré que la synérèse était plus élevée dans les yogourts Y0,0 comparativement aux yogourts Y3,9 tout au long de l’entreposage, indépendamment du temps de fermentation. Des tendances similaires ont été observées au chapitre 2 mais les valeurs de synérèse étaient plus élevées au chapitre 2 (Y0,0 : 11 vs 10 % et Y3,9 : 6 vs 3 %). Les valeurs de synérèse plus élevées pourraient indiquer que le réseau protéique formé dans les yogourts produits au chapitre 2 était moins bien structuré dû à une fermentation plus rapide. L’entreposage à basse température aurait donc un impact sur l’évolution des propriétés texturales et rhéologiques des yogourts après brassage.

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