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Partie 2 : La perception de justice globale des militaires en situation de changements

3. Etude 1 bis : Effets de différentes dimensions de justice sur la justice globale après

3.4. Discussion générale

A travers cet ensemble de deux études que nous avons proposé, nous pouvons retenir et confirmer le fait que la notation annuelle dans l’Armée de l’air française est un évènement qui met en exergue les sentiments de justice des militaires. La justice distributive tout d’abord, est la composante de la justice organisationnelle qui représente la préoccupation principale des intéressés. C’est cette forme de justice qui représente la notation et donc la valorisation du travail de la façon la plus concrète, et de plus elle est déterminante pour la suite de la carrière de chaque militaire. Mais nous avons vu également qu’il ne serait pas satisfaisant d’en rester à la simple note chiffrée pour rendre compte du sentiment de justice global des militaires. Les entretiens exploratoires, menés à deux reprises, ont révélé que chaque dimension de justice présente dans la littérature : justice distributive, justice procédurale et justice interactionnelle était importante pour les individus. L’importance de la précision a en particulier été relevée. Les militaires souhaitent être notés en fonction de leur contribution professionnelle réelle durant l’année par un commandant d’unité qui possède une information valide et précise sur leur travail. Cette forme d’objectivité dans l’évaluation est finalement cohérente avec l’importance que revêt la justice distributive. En effet, cette dernière s’appuie sur la valeur des contributions annuelles du noté, et donc de la connaissance précise qu’a le chef sur le travail effectué. On pourrait suggérer dans ce cas que la précision est au service de la justice distributive, ce qui lui confère son importance (Folger et al., 1992). La précision à travers la notation est d’autant plus réclamée par les personnes qui sont évaluées lorsque le contexte organisationnel change, ce qui est particulièrement le cas ces dernières années. Nous pouvons supposer que ce serait surement le cas pour les autres formes de justice procédurale : cohérence, représentativité, absence de biais et possibilité de

joué par la justice informationnelle, même en cas de changement organisationnel. Elle est tout du moins occultée par l’importance des autres formes de justice lorsqu’elle est mise en comparaison avec celles-ci. Nous pensons que lorsque le changement a pour origine une instance dirigeante lointaine dans une grande organisation, et qu’elle s’applique à tous de la même façon, celui-ci serait perçu comme n’étant pas compromettant pour le sentiment de justice individuel. C’est-à-dire que peu importe le changement, les militaires formeraient leurs sentiment de justice distributive et procédurale à un niveau plus local, avec leur chef, et en comparaison avec leurs collègues. Cette particularité du peu d’intérêt donné à la justice informationnelle dans ce type de configuration de changement organisationnel mériterait de faire l’objet de plus amples recherches.

Ce que l’Armée de l’air pourrait retirer de nos résultats, c’est d’abord un éclairage sur les points « sensibles » liés à la notation annuelle. Les principaux enjeux se situent autour de la justice distributive. Lors de changements organisationnels, là où l’on devrait s’attendre à un intérêt nouveau porté à la justice procédurale et à la justice informationnelle, ça n’est finalement que peu le cas. Les militaires fixent toujours leur regard en priorité sur la rétribution qui leur est faite. L’attention portée aux procédures qui permettent le choix définitif de la notation est moindre. Cet état de fait pose la question de l’équilibre entre chaque dimension de justice face à une décision. Si un militaire se trouve en situation d’injustice distributive, les conséquences négatives probables en termes d’attitudes et de comportement au travail (Blodgett et al., 1993) ne seraient pas ou peu compensées par d’autres dimensions de justice, notamment la justice procédurale (Brockner, 2002). C’est ainsi que nous verrons dans les prochaines études comment relier justement justice et comportements professionnels de façon plus précise.

Nous avons été contraints durant nos travaux à faire des choix, notamment dans les variables à étudier. C’est pourquoi nos études présentent quelques limites techniques et pratiques que nous allons tenter de circonscrire à présent.

3.4.1. Limites

Nos études sont, a posteriori, perfectibles. Nous avons été confrontés à plusieurs problématiques durant nos recherches. Parmi toutes les objections qui peuvent être faites, nous retenons trois limites qui nous sont apparues les plus importantes dans l’ensemble de la démarche que nous avons suivie. La première, que nous avons déjà évoquée, concerne la difficulté que nous avons eue à faire des choix de variables qui ne permettaient pas de circonscrire l’ensemble des dimensions de la justice organisationnelle. L’approche de la policy capturing présente l’avantage de pouvoir mettre en perspective et de façon très contextuelle des variables, mais de façon limitée. Ainsi, nous n’avons pu investir d’autres formes de justice que celles proposées ici. Les poids relatifs des formes de justice distributive, sur la précision et informationnelle ne rendent compte que d’une partie des préoccupations de justice des participants. La seconde limite concerne le choix des échantillons de militaires interrogés. Entre les deux conditions « sans changement » et « changement », les échantillons étaient indépendants. Une étude strictement longitudinale aurait pu permettre une meilleure précision concernant l’influence du changement organisationnel sur les perceptions de justice. Enfin, d’un point de vue plus « utilitaire », exploitable pour les personnes qui souhaiteraient réfléchir sur les résultats obtenus, nos études rendent compte de dispositions psychologiques des militaires vis-à-vis de leurs notations, mais il paraîtrait intéressant de

diagnostiques sur ce qu’il faut attendre en termes de bénéfices ou risques organisationnels d’un point de vue plus pratique.

C’est pour tenter de répondre à cette dernière considération que nous avons entrepris une nouvelle recherche orientée sur les attitudes et comportements des militaires en lien avec leur sentiment de justice.

Partie 3 : Liens entre le sentiment de justice dans la notation