Nous avons, dans ce travail de thèse, évalué les compétences théoriques et pratiques sur la RCP de base d’un échantillon de 50 internes en médecine générale, provenant pour la plupart de l’Université de Médecine Pierre et Marie Curie, Paris 6, et essayé d’en faire ressortir les facteurs associés à une meilleure réalisation des procédures de prise en charge initiale de l’ACR. 1. A propos des résultats : Nous avons mis en évidence une tendance non significative à une meilleure prise en charge chez les IMG qui avaient déjà été confrontés à la prise en charge d’un ACR (p=0.061), et ceux qui avaient déjà fait du SMUR ou de la réanimation (p=0.086). On notait la même tendance chez ceux qui avaient reçu une formation pratique dans l’année, mais de façon non significative (p=0.093). Par ailleurs, les étudiants qui ont eu leur formation pratique dans le cadre de l’accueil du stage de médecine d’urgence, du stage au SAMU ou d’organismes privés de secourisme faisaient globalement mieux que les autres (cf tableau 13 = Annexe 3). La formation pratique est donc associée à une tendance à une meilleure prise en charge, mais de manière moins significative que les paramètres «A déjà fait du SMUR ou de la réanimation » et « A déjà pris en charge un ACR ». Malgré tout, ces différences entre les deux groupes « fait bien » versus « fait mal » ne sont pas significatives (p>0.05) possiblement par manque de puissance de l’effectif. On mesure donc l’impact de la prise en charge et la confrontation réelle à un ACR versus la formation pratique qui reste un élément important mais non suffisant à une bonne réalisation des procédures de prise en charge de l’ACR. Concernant la formation théorique à l’ACR, on remarque qu’elle n’est pas associée à une meilleure prise en charge (p = 0.57). Par ailleurs, il n’y a pas de différence significative (p= 0.129) entre les deux groupes en terme de bonnes réponses aux QCS. On peut donc en conclure que la formation théorique ainsi que les connaissances théoriques n’ont pas d’influence sur la pratique des jeunes médecins. Cela est en lien direct avec une difficulté à transposer ses connaissances théoriques et pratiques dans la vie réelle du fait de plusieurs éléments: Mannequin versus patient réel : il est différent de pratiquer une RCP sur un mannequin en matière synthétique et sur un être humain. Les repères ne sont pas aussi francs que sur le mannequin, il y a une plus grande appréhension à appuyer sur la cage thoracique et à manipuler l’humain, et enfin on peut évoquer une dimension plus philosophique, qui est l’entrée en contact avec la mort. Les indicateurs présents sur les mannequins et qui permettent de savoir si le massage cardiaque est efficace sont aussi une différence notable. Par ailleurs, on peut aussi noter que les formations sur mannequin de haute fidélité sont de plus en plus à la mode, avec outre le perfectionnement aux gestes de médecine d’urgence, l’apprentissage de la gestion d’une équipe avec la notion de leadership. Ces formations peuvent être éprouvantes sur le plan émotionnel pour les participants qui doivent gérer le stress de l’intervention et le regard de l’examinateur et de leurs confrères. Le stress en situation réelle peut être inhibiteur et diminue de façon importante les capacités et les performances du secouriste non ou mal entrainé. Il est augmenté par la présence de témoins, et les regards extérieurs de manière générale. L’environnement : il est différent de pratiquer une RCP dans une salle de travaux pratiques et dans un couloir exigu ou sur la voie publique avec des conditions météorologiques parfois défavorables, et sous le regard de témoins. Réciproquement, cet environnement a pu être à l’origine de manquements de la part de certains IMG comme la protection (exemple : pas de nécessité de couper le courant électrique, ou de dégager la victime d’une situation périlleuse) et la vérification de la conscience avant de débuter la RCP (les IMG savaient qu’ils étaient évalués dans le cadre d’un ACR, donc le patient est inconscient, et ils ne vérifiaient pas l’état de conscience). Nous avons remarqué que les paramètres démographiques comme le sexe, l’âge, le semestre en cours, et la faculté d’origine (parisienne ou non) ainsi que le fait d’avoir une activité de médecine d’urgence au moment de l’évaluation ou d’avoir déjà effectué son stage aux urgences adultes, et le fait de se recycler régulièrement n’influencent pas la qualité de la prise en charge. Les étudiants ayant répondu qu’ils avaient une activité de médecine d’urgence au moment de l’évaluation étaient tous dans un SAU. Cela est le reflet même de l’activité des SAU qui sont de plus en plus fréquentés et saturés pour des « consultations de médecine générale », et pratiquent de moins en moins de prise en charge d’ACR : Les ACR intra-hospitaliers sont pris en charge par les réanimateurs de l’hôpital, et les ACR extra-hospitaliers sont régulés par le SAMU et orientés directement vers les unités de soins intensifs (salle de coronarographie et/ou réanimation). C’est pourquoi on peut comprendre que le fait d’avoir fait son stage d’urgence ou d’y être au moment de l’enquête puisse ne pas être un facteur discriminant dans la qualité de la prise en charge de l’ACR, bien que parmi les étudiants ayant déclaré avoir déjà pris en charge un ACR, nombreux étaient dans un SAU quand cela s’est produit (cf tableau 13). On est en revanche interpellé par le fait que les recyclages n’influencent pas la qualité de la prise en charge, alors qu’ils en sont l’objectif même. Cela peut être dû à plusieurs raisons : Réponses erronées des participants au moment de l’enquête, qui disent se recycler, mais de manière involontaire, et pas avec la même assiduité que pour les personnes qui réalisent un recyclage de manière volontaire. Baisse d’attention et perte d’intérêt des étudiants qui ont plusieurs fois par an la même formation sur l’ACR à l’accueil dans leur nouveau service : ils pensent s’être recyclés, mais leur manque d’attention fait que la séance ne leur a pas profité. Enfin, nous pouvons critiquer le manque de puissance de l’échantillon pour pouvoir mettre en évidence plus de différences significatives. C’est pourquoi il serait intéressant de réaliser la même étude sur un plus grand nombre d’étudiants. Dans un second temps, on pourrait élargir l’étude aux internes de spécialités en réalisant des comparaisons entre cardiologues et anesthésistes-réanimateurs d’une part, spécialistes médicaux, chirurgiens et psychiatres. 2. Facteurs associés à une moins bonne réalisation : Comme mentionné plus haut, on ne voit aucune différence sur le plan démographique entre les étudiants du groupe « bien » et ceux du groupe « mal ». Le seul paramètre que l’on peut associer à une moins bonne réalisation de la séquence de RCP de base est une formation pratique ancienne de plus de 5 ans (6 étudiants dans le groupe « mal » comparé à 1 étudiant dans le groupe « bien ») (cf tableau 13). Avant cette limite, il n’y a pas de différence significative. 3. Les biais : Il y a dans cette étude plusieurs biais qui peuvent être soulevés: a. Biais lié au type d’étude : Il s’agit d’une évaluation de pratique de médecin, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer sur la réaction de ces derniers, pouvant nuire à la bonne réalisation de l’évaluation: appréhension, anxiété, gène, timidité, mise en défaut de ses compétences, atteinte de l’égo, etc. b. Biais lié au type de données : Nous avons réalisé un recueil de données qualitatives, parfois difficile à transposer dans la réalité et soumise à l’interprétation de l’examinateur. c. Biais lié au type d’échantillonnage: Ces données ont été recueillies sur un échantillonnage que l’on peut qualifier « de convenance » puisqu’une grande majorité des internes interrogés étaient dans l’entourage proche de l’examinateur : cointernes de stage hospitalier et camarades de travaux dirigés à la faculté pour la plupart. d. Biais lié aux conditions de réalisation de l’étude : L’étude n’était pas toujours réalisée dans des conditions optimales, c’est à dire, dans une pièce, bien isolé de tous stimuli externes susceptibles d’interférer et de déconcentrer l’étudiant lors de la réalisation de la séquence de RCP. L’environnement dans lequel était réalisée l’étude pouvait également être source de biais. Par exemple, le faible taux d’IMG réalisant la protection au début de la séquence d’alerte peut s’expliquer soit par une ignorance des étudiants quant à l’importance de la protection avant de réaliser toute RCP ou par un biais lié aux conditions de réalisation du test. De même pour les 6 internes ne vérifiant pas l’état de conscience de la victime avant de débuter la RCP. 4. Propositions de solutions : Nos propositions afin d’améliorer les compétences théoriques et pratiques des IMG et des médecins généralistes sont les suivantes: Une formation aux gestes de premiers secours obligatoire en PCEM1 : cela aurait pour conséquence de former un grand nombre d’étudiants qui se prédestinent aux métiers de la santé, mais aussi ceux qui se réorienteront. Formation et recyclage dans le cadre de la validation de l’AFGSU en PCEM2, DCEM1 et DCEM2, sur le modèle de ce qui est pratiqué à la faculté de médecine de Créteil (Paris XII), formation assurée par les médecins du SAMU. Formation systématique des nouveaux internes prenant des gardes aux urgences en début de semestre, assurée par les urgentistes du service. Un atelier obligatoire qui pourrait s’intituler « Prise en charge de l’arrêt cardio-respiratoire par le médecin généraliste » lors des formations assurées par les départements de médecine générale lors du stage ambulatoire de niveau 1 (« stage chez le praticien »), comme c’est le cas à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI). Un recyclage annuel obligatoire en formation médicale continue (FMC) pour les docteurs en médecine, incluant formation théorique et pratique actualisée selon les nouvelles données de la science. Formation à réaliser soit au sein d’un organisme privé de secourisme, soit auprès du SAMU départemental dans le cadre de formations organisées par le CESU. Nos propositions afin d’augmenter le nombre de français initiés aux gestes de 1erssecours : Multiplier les obligations de formation à l’exemple d’autres pays : Accès aux diplômes scolaires : baccalauréat, concours d’entrée aux grandes écoles, examens d’université. Examen des différents permis de conduire, de pilotes (nautisme, avions, etc…), de chasse… Mise en responsabilité d’un groupe : gardiens, agents de sécurité, enseignants, moniteurs, policiers, guides etc. Pratique de sports à risque : parachutisme, sports de haute montagne, canyoning,… à l’exemple de la plongée sous-marine et l’obtention du RIFAP (Réactions et intervention face à un accident de plongée) pour tous les enseignants. Maternité ou parentalité, accès à la nationalité française…par exemple. L’AFGSU (Attestation de formation aux gestes et soins d’urgences) (165) pour tous les personnels médicaux et non médicaux travaillant en centre de santé : Le législateur, par l’Arrêté du 3 mars 2006 et la Circulaire du 10 mai 2006, a voulu une formation des personnels des structures médicales et médico-sociales : soignants (professions médicales et paramédicales), administratifs et techniciens. L’AFGSU propose une formation en secourisme mais aussi une approche des notions de plans de secours et des problèmes de santé publique (risques émergents et accidents NRBC). Les Attestation de Formation aux Gestes et Secours d'Urgences se déclinent en plusieurs niveaux selon le public visé: o Niveau 1 pour les personnels administratifs et techniques des établissements publics ou privé de santé. o Niveau 2 pour les personnels soignants inscrits au titre 4 du Code de Santé Publique pour ces mêmes établissements. o Niveau spécialisé pour les personnels déjà détenteurs de l'AFGSU Niveau 2, intéressés par les risques "NRBC"(nucléaire, radiologique, biologique et chimique). Formation aux salariés d’entreprise sur la base du volontariat dans le cadre du stage SST : Sauvetage Secourisme du Travail. C’est une formation d’une durée minimum de 12 heures, qui a pour objectif de former des personnes volontaires à porter secours en cas d’accident au sein de son entreprise, avec délivrance d’une carte de secouriste par la Caisse Régionale d’Assurance Maladie (CRAM). Possibilité de se recycler tous les ans au cours d’une formation de maintien des compétences et d’actualisation des pratiques d’une durée de 4h. Le Rapport Larcan (16) propose d’inclure ces formations dans un continuum unique, un parcours secouriste du citoyen. L’actualisation des connaissances étant réalisée à chacune des étapes de la vie du secouriste (scolarité, J.A.P.D., permis de conduire, insertion au travail, parentalité, maladie…). Le parcours civique secouriste se déroulerait pendant toute la vie du citoyen : Apprentissage du P.S.C.1 ou équivalent à l’école, Approfondissement et recyclage lors de la J.A.P.D., Recyclage et information sur la prévention du sur-accident, les gestes à effectuer lors d’un accident de la route au moment de l’examen du permis de conduire, Recyclage et S.S.T. avec la partie prévention lors de l’insertion au travail, Actualisation et complément adapté lors de la pratique d’un sport à risque, Recyclage et acquisition d’un module pédiatrique lors de la préparation à l’accouchement, de la parentalité, Recyclage et module adapté en cas de maladie, coronarienne, métabolique, neurologique, tant pour l’intéressé que pour son entourage, Rappel des connaissances et acquisition d’un module adapté au moment du départ à la retraite. Ainsi progressives et intégrées, les formations secouristes s’intégreraient dans un continuum assurant même le recyclage nécessaire des secouristes citoyens. Le Rapport Larcan (16) propose également une aide au financement et la gratuité pour certaines catégories de personnes : Le coût de la formation volontaire est un frein à la diffusion du secourisme. Ce rapport propose de généraliser la gratuité de la formation aux premiers secours ou d’instaurer une aide financière pour certaines catégories de personnes défavorisées. En effet, le secourisme est un excellent accès à la citoyenneté et beaucoup de jeunes demandent et apprécient son enseignement. Cette mesure pourrait concerner certaines catégories sociales qui font déjà l’objet d’aides : Les enfants ou d’adolescents de quartiers défavorisés pour lesquels cette formation constitue un accès à la citoyenneté. Les bénéficiaires de R.S.A., d’une aide à la recherche d’emploi. Les handicapés moteurs ou visuels (l’enseignement du secourisme aux aveugles leur donne confiance et renforce leur dignité), l’accès à la parentalité. Les demandeurs de nationalité française. Dans le document Evaluation de la prise en charge initiale d’une personne en arrêt cardio-respiratoire par les internes en médecine générale (Page 70-76)