• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : EVALUATION DES MATERIAUX MASSIFS

5. Discussion

5.1. Rappel des éléments observés

Aucun endommagement n’est visible en dessous de 2 000 impacts. A partir de 20 000 impacts, l’endommagement est minime. Il consiste alors principalement en un marquage accentué des joints de grains, dont le fond d’entailles est propice au développement de fissures inter-granulaires. Cette dégradation des joints de grains est mise en évidence à la fois par les observations au MEB, les observations optiques et par les mesures de rugosité. Les premières pertes de matière résultent alors soit d’une rupture, soit d’un déchaussement de grains. L’endommagement mis en évidence est favorisé par le gravage des joints de grains qui est notamment amplifié par les traitements de surface industriels.

Ainsi, lorsqu’on évalue les matériaux sous 200 000 impacts, le traitement industriel (TTS) semble entrainer une diminution significative de la résistance à l’érosion et le C850TTS apparaît alors clairement comme l’alliage le plus sensible à l’érosion. Cependant, cette différence disparait, ultérieurement masquée par la dispersion des résultats.

Très rapidement, les fissures qui se propagent deviennent uniquement intra-granulaires. Il n’y a alors plus de déchaussement ou rupture des grains, mais seulement des pertes de matière suite à des ruptures intra-granulaires. On commence alors à distinguer des défauts de fatigue qui deviennent plus nombreux avec le nombre d’impacts, et la profondeur de l’endommagement devient significative.

Enfin, à 10 millions d’impacts, on constate la formation d’un cratère important d’une profondeur similaire aux endommagements observés en service. Finalement, le C1600 apparait indubitablement comme le matériau le plus résistant, devant le C1000 et ensuite le C850.

5.2. Généralité

Les fissures inter-granulaires n’ont été observées que lors des premiers impacts (sur les 20 premiers microns endommagés). Elles se développaient alors dans la continuité du marquage des joints de grains dû à la mise en forme de nos feuillets d’acier. De plus, l’essai en laboratoire est trop rapide pour être le siège de réactions de corrosion. L’initiation inter-granulaire ne serait donc due qu’au marquage initial des joints de grains et à leur amplification par les impacts successifs.

Cette hypothèse est renforcée par le fait que les échantillons qui ont subi un traitement industriel qui décore les grains de la surface, conduisent à une initiation plus rapide avant de présenter une érosion similaire à celle des autres échantillons.

Le mécanisme principal d’endommagement passe par la propagation de fissures intra-granulaires. Le développement de ces fissures aboutit à la perte de matière par fatigue (Figure 30). Ces écailles ont une largeur comprise entre 5 à 50 µm. Les stries de fatigues observées ont une largeur comprise entre 0,1 et 0,5 µm. Si ce faciès de fatigue peut être très net, on le retrouve parfois altéré (voir les deux faciès adjacents sur la Figure 30.a). Cette altération qui augmente les irrégularités du défaut, pourrait résulter de l’usure sub-micrométrique inhérente à l’érosion pluie. Ce mécanisme se retrouverait d’ailleurs sur certains amas de matière érodées qui pourraient correspondre aux anciens grains de la surface ayant résistés en zone fortement érodée (Figure 32).

5.3. Modèle

Cette thèse avait comme premier objectif d’établir une description des mécanismes d’érosion à la pluie des matériaux massifs. Le processus observ fait intervenir l’écrouissage et la rupture par fatigue du matériau. Plus précisément, on distinguera 6 stades de progression :

i. Initialement, les échantillons, bruts de laminage, présentent un marquage des joints de grains qui est éventuellement amplifié par un traitement de surface industriel.

ii. Lors des premiers impacts, ce marquage des joints des grains devient plus prononcé et l’on trouve des fissures inter-granulaires. Les premières pertes de matière apparaissent au niveau de la première couche granulaire. Deux mécanismes d’endommagement ont été mis en évidence, un déchaussement des grains (Figure 33), ou une perte par rupture (rupture transversale au plan cristallin observable sur la Figure 37). Lorsque l’on observe l’échantillon en surface, on peut retrouver lors d’un déchaussement, un joint triple, ce qui valide la description de Kong et al [27]. Les fissures développent également un comportement intra-granulaire.

Figure 37 : C850TTS observé après 50000 impacts. On observe clairement un grain de la surface initiale qui a subi un endommagement par rupture fragile (a). A côté, un grain a été arraché suite à une rupture intragranulaire (b).

iii. Ce mécanisme d’arrachement de la première couche granulaire se poursuit jusqu’à découvrir une zone pouvant avoir un diamètre supérieure à la taille de la goutte. Cela tend à confirmer l’action des jets latéraux et/ou de la propagation des ondes de contraintes. La majorité de la surface découverte arbore un aspect grossier. En parallèle, on voit en coupe qu’il se crée des fissures intra-granulaires d’ordre micrométrique.

iv. Certaines fissures se développent plus profondément. Bien que l’orientation de la fissure puisse varier, on trouve une nette tendance à s’initier à 60° pour ensuite tendre à se propager parallèlement à la surface (Figure 35). A la rupture, on retrouve en surface des défauts de l’ordre de la trentaine de micromètres qui présentent un faciès de fatigue (Figure 35 et Figure 38). On remarque la présence de fissures débouchantes près de l’amorce du défaut et en périphérie.

v. Les défauts de fatigue deviennent plus nombreux (Figure 39). On remarquera d’ailleurs que les défauts de fatigue créés en premiers présentent souvent un aspect altéré qui va parfois jusqu’à les rendre difficilement reconnaissables. Ce mécanisme est commun à tous les aciers inoxydables

a

b

Figure 38 : C850TTS à 5 millions (a) et 10 millions d’impacts (b).

vi. Finalement, les pertes de matière aboutissent à la formation de cratères à la forme variée (Figure 21). La succession des pertes par fatigue aboutissent localement à un profil en escalier, mais à l’échelle du cratère, on retrouve sur les aciers inoxydables une structure en palier (Figure 39). Le cratère, ainsi creusé, est ensuite amplifié et évasé par les jets latéraux.

Figure 39 : Les défauts de fatigues, observés sur C1600 après 10 millions d'impacts, s’enchainent et résultent de manière macroscopique à un approfondissement en palier.

a. b.

b

c

d

a b

c d

5.4. Représentativité de l’essai

Comme annoncé dans l’introduction, aucun essai de laboratoire ne fait aujourd’hui l’unanimité dans le monde scientifique. Lors de travaux comparatifs, Adler a même remis en doute la reproductibilité des essais entre différentes tours d’érosion [14]. Cependant, en l’absence de norme sur les essais d’érosion, la littérature est souvent lacunaire sur les moyens d’essais ou sur les moyens de caractérisations. Aujourd’hui, les plus récents résultats tendent à valider la similarité des endommagements obtenus par différents moyens, notamment par PJET et par essais d’érosion sous bras rotatifs [28]. Dans ce contexte, il apparait important de notifier les correspondances que l’on peut faire ici entre les résultats de laboratoire et le retour d’expérience.

D’abord, la profondeur d’endommagement obtenue en laboratoire est similaire à celle observée en service. En nous basant sur le fait que l’approfondissement PJET est constant avec les impacts, on peut maintenant établir que la durée de vie de la pale (de l’ordre de 3600 heures de service) correspond à un essai sous 10 millions d’impacts.

Ensuite, l’initiation et la propagation de fissure par fatigue conduit à un mécanisme d’arrachement par micro-écaillage qui est commun à l’érosion en laboratoire et en service (Figure 40).

Figure 40 : Défauts de fatigues observés sur un échantillon de laboratoire (a) et sur un bord d'attaque (b).

Enfin, il demeure une différence qualitative entre les essais en laboratoire ponctuels qui conduisent à la création d’un cratère, et l’endommagement en service qui s’applique à une surface. Néanmoins, les correspondances au niveau des mécanismes d’endommagement sur les échantillons PJET et sur le retour d’expérience tendent à confirmer la représentativité de l’essai PJET.

5.5. Relation entre le taux d’érosion, la rugosité et la dureté

Nous avons vu que le matériau le plus mou, à savoir le nickel, est le matériau le moins résistant puisqu’il a été transpercé avant 6 millions d’impacts. La résistance à l’érosion de nos échantillons a alors augmenté avec leur dureté.

Seul le MLX17 s’est révélé être moins résistant que le C1600 alors qu’il est plus dur. Ceci suggère l’influence de la structure cristalline sur la résistance à l’érosion car le C1600 et le MLX17 sont respectivement austénitique et martensitique, de structures cristallines CFC (Cubique à Faces Centrées) et CC (Cubique Centrée).

Sur l’ensemble des résultats, nous constatons d’une part que la rugosité moyenne surfacique Sa des surfaces scannées augmente linéairement avec le nombre d’impacts. D’autre part, la rugosité moyenne surfacique (Sa) mesurée au cœur du cratère tend rapidement vers une valeur limite. Plus le matériau est dur, plus cette limite est faible.

Nous en déduisons que l’augmentation de la rugosité de la surface est due à l’augmentation de la surface érodé. Dans le cas de la formation d’un cratère PJET, mesurer la rugosité surfacique du cratère revient à évaluer indirectement la surface de l’endommagement.

Par contre, la diminution de la rugosité au cœur du cratère avec l’augmentation de la dureté nous amène à émettre l’hypothèse que la taille des agrégats de matière arrachés (les micro-écailles) diminue tandis que la dureté augmente. Ainsi, avec la même épaisseur, un matériau plus dur aura une durée de vie supérieure car le nombre de cycle pour arracher de la matière sera plus important. Du fait du mécanisme d’initiation et d’arrachement de matière par fatigue, une relation existerait entre la dureté, l’initiation, la taille des morceaux de matière arrachés, et le nombre de cycle nécessaire à l’érosion sur une épaisseur donnée.