3.2 Etude de microcavit´es H1 et H2
3.2.4 Discussion des r´esultats exp´erimentaux
Apr`es avoir fait l’inventaire de nos r´esultats exp´erimentaux obtenus sur les microcavit´es H1 et
H2, nous allons tenter d’en extraire des informations pertinentes. La premi`ere question `a laquelle
nous devons r´epondre est la question r´ecurrente de la microscopie optique en champ proche, `a
savoir : que voit-on sur les images ? Dans notre cas, cette interrogation se ram`ene `a la question
suivante : dans quelle mesure l’intensit´e d´etect´ee en champ proche au-dessus d’une microcavit´e
est-elle reli´ee aux modes confin´es ? Voit-on r´eellement la structure modale de la cavit´e, ou bien
celle-ci est-elle profond´ement modifi´ee par la diffraction des trous ? On peut noter, par exemple,
que pour toutes les cavit´es H2 ´etudi´ees, le maximum d’intensit´e est toujours observ´e `a proximit´e
des trous, jamais au centre de la cavit´e. Ceci n’est plus vrai pour les microcavit´es de type H1.
Comment interpr´eter ces r´esultats ?
Commen¸cons par faire un bilan de nos r´esultats exp´erimentaux sur les deux types de
micro-cavit´es. Pour les cavit´es H1, lorsqu’un mode de cavit´e est pr´esent dans la fenˆetre de d´etection,
une structure confin´ee est observ´ee au niveau du d´efaut. Lorsque le mode n’est pas dans la
fenˆetre, une structure de champ bien plus d´elocalis´ee est observ´ee. On retrouve un
compor-tement semblable pour les microcavit´es H2. La pr´esence d’un mode de cavit´e dans la fenˆetre
de d´etection spectrale se traduit en champ proche par la pr´esence d’une structure confin´ee au
niveau de la cavit´e. La seule exception `a cette r`egle se produit pour la cavit´e H2-16, o`u bien
qu’un mode existe en bord de fenˆetre spectrale, une structure de champ est observ´ee dans la
zone des trous. Tous ces ´elements vont dans le bon sens. Si ce que nous observons sur les images
n’´etait qu’une structure de diffraction due aux trous, elle ne pr´esenterait pas ce comportement
spectral riche ainsi que cette corr´elation avec les spectres en champ lointain et la pr´esence ou
non d’un mode de cavit´e. Cependant, il est possible que la diffraction modifie la structure
mo-dale, par exemple en augmentant le poids relatif des lobes d’intensit´e situ´es au niveau des trous
par rapport aux lobes centraux. Avant d’aller plus loin, il nous semble utile d’essayer de d´efinir
clairement les termes que nous employons. Qu’entendons-nous exactement par structure
mo-dale ? Ce terme d´esigne en g´en´eral la belle structure en fausses couleurs que l’on voit sur les
simulations num´eriques – simulations num´eriques le plus souvent 2D
4. Cette approximation est
sans doute valable lorsqu’on se place au centre de la membrane, mais qu’en est-il au-dessus de
celle-ci ? Il apparaˆıt que la structure modale 2D sera n´ecessairement affect´ee par la diffraction
due `a l’existence de la troisi`eme direction de l’espace
5 et qu’une simulation v´eritablement 3D
est n´ecessaire pour ´evaluer son impact. Par cons´equent, si la sonde peut ˆetre consid´er´ee comme
passive, elle d´etectera la structure r´eelle du champ ´electromagn´etique au-dessus de la cavit´e
– aux artefacts dus `a l’asservissement sur la topographie pr`es. Cette approximation de sonde
passive est support´ee d’une part par le fait que la pointe n’est pas m´etallis´ee et d’autre part par
son indice de r´efraction relativement faible compar´e `a celui de la structure ´etudi´ee.
Pour aller un peu plus loin, nous avons d´ecid´e de proc´eder `a des simulations grˆace `a la
m´ethode des ondes planes, d’abord pour la structure H2-12. Nous avons commenc´e par calculer
la position th´eorique des modes de cavit´e. Rappelons que cette m´ethode est 2D, la troisi`eme
direction n’´etant prise en compte que par l’interm´ediaire de l’indice effectif du mode guid´e
dans la membrane. Nous avons de plus suppos´e un indice effectif constant avec la longueur
d’onde, ce qui n’est bien entendu pas le cas. Avec les param`etres de la structure (f =49,5% et
a =525nm), la simulation pr´edit un mode de cavit´e doublement d´eg´en´er´e pour λ=1510nm. Il
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Il serait sans doute plus exact de parler de simulations ”2,5D”. En effet, la troisi`eme direction de l’espace est
partiellement prise en compte via l’indice effectif du mode guid´e qui se propage dans la membrane.
5
´
Etude de microcavit´es H1 et H2 61
(a) (b)
Fig. 3.14 – Calcul de l’intensit´e du champ ´electrique, par la m´ethode des ondes planes, dans
une microcavit´e H2 ins´er´ee dans un cristal photonique avec f = 49,5%. Taille des images :
3,6×3,6µm
2. La position des trous bordant la cavit´e est indiqu´ee. (a) Mode propre de la cavit´e
`a λ=1510nm. (b) La mˆeme structure modale, apr`es convolution par une fonction gaussienne.
(simulations : Nicolas Louvion)
(a) (b)
Fig. 3.15 – Calcul de l’intensit´e du champ ´electrique, par la m´ethode des ondes planes, dans
une microcavit´e H2 ins´er´ee dans un cristal photonique avec f = 41%. Taille des images :
3,6 × 3,6 µm
2. La position des trous bordant la cavit´e est indiqu´ee. (a) Mode propre de la
cavit´e `a λ=1467nm. (b) La mˆeme structure modale, apr`es convolution par une fonction
gaus-sienne. (simulations : Nicolas Louvion)
s’agit probablement du mode de cavit´e doublement d´eg´en´er´e que nous observons sur le spectre
exp´erimental vers λ =1490nm. Le calcul de la distribution de l’intensit´e du champ ´electrique
de ce mode confin´e est repr´esent´e sur la Fig. 3.14a. La structure modale est assez complexe et
pr´esente des d´etails fins qui ne sont de toute ´evidence pas r´esolus sur notre image. Cependant,
des points communs entre ce calcul et l’image exp´erimentale en champ proche (Fig. 3.9b) sont
visibles, `a savoir la pr´esence de lobes d’intensit´e au niveau du centre des faces de la cavit´e.
62 Etude de structures actives `a cristaux photoniques
Pour pousser plus loin la comparaison nous avons, `a l’instar de [Kramper et al. 04], suppos´e
que la pointe allait se comporter, du fait de sa largeur relativement importante par rapport
aux d´etails fins de la distribution d’intensit´e, comme un filtre passe-bas pour les plus hautes
fr´equences spatiales. C’est pourquoi nous avons repr´esent´e, sur la Fig. 3.14b, la convolution
de l’image du mode avec un filtre gaussien d’une largeur `a mi-hauteur de 270nm. On peut
alors clairement constater que l’accord entre notre image et la simulation est bien meilleur. Les
maxima principaux sont bien situ´es au niveau des trous au centre des faces et un maximum
secondaire se trouve au centre de la cavit´e, exactement comme sur l’image SNOM. Seuls les
maxima secondaires situ´es au niveau des sommets des faces de la cavit´e ne sont pas r´esolus
exp´erimentalement. Par cons´equent, l’intensit´e d´etect´ee en champ proche est directement reli´ee
`a la structure du mode de cavit´e – au sens du mode 2D, c’est-`a-dire le champ au centre de la
membrane. `A notre connaissance, c’est la premi`ere fois qu’une telle structure est visualis´ee en
champ proche.
Des simulations ont ´egalement ´et´e faites pour la structure H2-08 (f = 41%). Nous avons
identifi´e un mode de cavit´e, que la simulation pr´edit `aλ= 1467nm, dont la forme correspondrait
bien `a l’image exp´erimentale (Fig. 3.10b). Le r´esultat du calcul du mode et sa convolution par une
fonction gaussienne de 310nm de largeur `a mi-hauteur sont pr´esent´es sur la Fig. 3.15. L’image
th´eorique pr´esente une sym´etrie d’ordre six associ´ee `a la sym´etrie du r´eseau – sym´etrie que l’on
ne retrouve pas sur l’image exp´erimentale. Cependant, il est possible d’imaginer que certains
des trous bordant la cavit´e ont des rayons diff´erents de ceux de leurs voisins. On sait qu’alors la
structure modale peut ˆetre d´eform´ee et pr´esenter une telle asym´etrie ([Kramperet al. 04]). De
plus, cela pourrait expliquer pourquoi le mode est d´ecal´e spectralement par rapport `a la valeur
simul´ee. Cette explication pourrait s’appliquer aussi `a l’image faite sur la cavit´e H2-10 (Fig.
3.11b), o`u deux lobes dominent la structure de l’intensit´e. Il convient de pr´eciser que l’image
topographique shear-force de cette structure (non pr´esent´ee ici) montre qu’un d´efaut se trouve
sur la surface `a l’endroit des deux lobes les plus lumineux. Cependant, vu la faible ´epaisseur de
ce d´efaut de surface (environ 5nm), il n’est pas certain qu’il suffise `a expliquer cette variation
d’intensit´e importante.
La structure ”d´elocalis´ee” que l’on observe sur les images SNOM o`u aucun mode n’existe dans
la fenˆetre de d´etection (voir Fig. 3.11d ou 3.12f) est plus complexe `a expliquer. Pour ces images,
la structure observ´ee dans la cavit´e ne pr´esente pas de structuration sub-longueur d’onde. Il peut
s’agir simplement d’une structure due `a la diffraction hors-plan de la photoluminescence issue
de la cavit´e. Si l’on regarde la Table 3.1 on peut constater que pour toutes les structures on se
trouve dans la bande interdite : la propagation de la lumi`ere est interdite dans la zone des trous.
Rappelons toutefois que les bornes de la bande interdite ne sont pas connues avec certitude.
D’une part le facteur de remplissage et la p´eriode du cristal ne sont pas connus exactement et
d’autre part le calcul repose sur une m´ethode 2D dans un cristal parfait (infini). La position de
la bande interdite peut par cons´equent ˆetre d´ecal´ee spectralement. Si l’on tient compte de ce
point, on peut alors supposer que cette structure lumineuse est due `a un mode de Bloch situ´e en
bord de bande interdite – ces modes ´etendus dans tout le cristal et qui sont mis `a profit dans les
lasers `a mode de Bloch. Cette interpr´etation tient pour les structures H1-18 et H2-16. En effet,
pour ces structures, une erreur (absolue) de 1% sur le facteur de remplissage et d’une dizaine
de nanom`etres sur la p´eriode peuvent ramener les fronti`eres de la bande interdite `a l’int´erieur
de notre fenˆetre de d´etection. De plus sur les spectres de photoluminescence, aucun pic associ´e
`a un mode confin´e n’apparaˆıt pour des longueurs d’onde plus importantes – ce qui tendrait `a
prouver que nous sommes en bord de bande. Elle semble moins probable pour la structure
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Etude de microcavit´es H1 et H2 63
de travail. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit que d’une hypoth`ese et nous n’avons pour le moment
aucune interpr´etation totalement fiable `a proposer pour expliquer ces structures d´elocalis´ees.
D’autres exp´eriences, par exemple en se pla¸cant entre deux modes confin´es, seront n´ecessaires
pour interpr´eter correctement ces r´esultats exp´erimentaux.