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Nous avons développé le FFM dans le but de quantifier la dextérité dans un contexte clinique. Cette étude concernant l’AVC a montré que le FFM permet cette quantification et la caractérisation des paramètres clés de la dextérité chez ces patients ayant de forts déficits de dextérité. Les patients que nous avons testés étaient capables d’utiliser le FFM et d’effectuer la majorité des exercices suggérant une faisabilité adaptée de notre bilan de mesure. Dans l’AVC, les lésions qui peuvent être importantes, pouvant perturber l’acheminement de la commande motrice par la voie corticospinale (Zhu et al., 2010) mais aussi la programmation du mouvement (séquence, timing) par une réduction de la connectivité dans les réseaux sensorimoteurs (Grefkes et Fink, 2011) affectant ainsi les différents composants de la dextérité. Comme attendu, la performance des patients était affectée dans chacune des quatre tâches visuomotrices : les patients montrent un contrôle de force moins précis que les témoins, un tapping des doigts ralenti, plus d’erreurs dans les tâches de multi finger tapping et de

sequential finger tapping. Nous avons aussi constaté que les patients n’étaient pas affectés dans les différents composants de la dextérité de façon égale, permettant d’identifier des atteintes individuelles de la dextérité. Ces résultats vont être discutés plus en détails.

Performances comportementales: différences témoins - AVC

Concernant le Finger force tracking, qui requiert un contrôle précis de la force, nous avons montré que les patients hémiplégiques faisaient plus d’erreurs pendant le dosage de force et avaient aussi un temps de relâchement plus long que les témoins, recoupant ainsi avec ce qui avait déjà été montré dans des tâches de contrôle de force de préhension (Lindberg et al., 2012 ; Ye et al., 2014). En revanche avec le FFM, les patients ne montrent pas un niveau de variabilité de force (CV) plus élevé comme le montre Ye et al. (2014). Cependant, nos résultats sont en accord avec ceux de Lindberg et al. (2012) qui montrent un même niveau de CV pour une tâche de contrôle de force de préhension à des niveaux de force absolue similaires chez les patients et les témoins comme c’est le cas dans notre tâche.

Le sequential finger tapping, qui nécessite l’apprentissage moteur d’une séquence de mouvements des doigts, était trop difficile pour la plupart des patients. Cependant, quatre patients ont été capables d’effectuer la tâche complète, mais leur performance était significativement diminuée par rapport à celle des témoins. Alors que les témoins amélioraient leur taux de succès dès la première séquence (A) et maintenaient ensuite cette

83 performance au même niveau pendant les séquences B et C, les patients n’arrivaient à atteindre ce même niveau de performance que plus tardivement, à la troisième séquence (C). Ceci est cohérent avec la capacité d’apprentissage moteur intacte mais ralentie montrée chez des patients après un AVC (Boyd et Winstein, 2003 ; Tyrell et al., 2014).

Le single finger tapping, qui nécessite un contrôle du timing, révèle une bonne capacité des patients à faire correspondre temporellement leur tapping avec une fréquence imposée pour les conditions à 1Hz et 2Hz, mais au contraire qu’ils ont des difficultés à atteindre une fréquence de tapping de 3Hz contrairement aux témoins. Ceci suggère des problèmes de vitesse maximale de tapping plutôt que de timing. Les performances mesurées étaient similaires pour les quatre doigts et sans différences significatives entre eux. Certaines études ont montré des différences de vitesse maximale de tapping entre les différents doigts (Aoki et al., 2003), une mesure que nous n’avons pas effectuée dans cette étude. Cependant, du fait que les patients n’étaient pas en mesure d’atteindre la vitesse de 3Hz, nous considérons que leur vitesse maximale de tapping (dans leurs quatre doigts) est inférieure à 3Hz. D’autres études ont aussi montré des vitesses maximales de tapping diminuées chez des patients AVC mais aussi une régularité du tapping altérée (Calautti et al., 2006 ; Shimoyama et al., 1990). Cependant nous n’avons pas trouvé de problèmes de régularité chez nos patients, ceci est peut-être dû à la localisation des lésions dans nos groupes de patients et aux paramètres de

tapping utilisés par notre tâche.

Pour le multi-finger tapping, qui requiert la sélection en direct des doigts, les patients étaient moins précis dans les appuis à effectués pour les conditions à un et à deux doigts, faisant plus d’erreurs d’omission (problèmes de sélection des doigts) et plus d’appuis involontaires (problèmes d’individualisation). Les gradients de voisinage des appuis involontaires que l’on observe chez les témoins sont cohérents avec les degrés connus d’indépendance des mouvements (Lang et Schieber, 2004) et des forces des doigts (Reilly et Hammond, 2000). Les appuis involontaires étaient plus fréquents chez les patients mais suivaient aussi les gradients de distance entre les doigts. Ceci est en accord avec une indépendance des doigts diminuée après un AVC, allant dans le sens d’autres études (Lang et Schieber, 2004 ; Raghavan et al., 2006 ; Lang et Schieber, 2003). En complément de ces précédentes observations basées exclusivement sur des mesures cinématiques, nous montrons ici que l’indépendance des doigts et son altération dans l’AVC est aussi quantifiable avec notre tâche combinant des contraintes cinétique et cinématiques.

L’ensemble de ces résultats montrent que le FFM permet la quantification des paramètres clés de la dextérité manuelle avec un seul et même appareil, en une seule session de mesure d’une

84 heure. Dans notre étude, nous avons trouvé des déficits dans les différents paramètres clés de la dextérité avec des résultats cohérents avec ceux trouvés dans d’autres études qui étudiaient ces différents paramètres séparément et avec d’autres approches, suggérant ainsi l’intérêt et la pertinence de nos mesures et de notre approche.