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5.3.1 En r´esum´e : mise en ´evidence de p´eriodes de

sus-ceptibilit´e

Nos r´esultats sugg`erent que deux p´eriodes dans l’enfance seraient associ´ees `a la composition corporelle chez des sujets de 8 `a 17 ans : les six premiers mois et `a partir de deux ans. Entre ces deux p´eriodes, les diff´erences de vitesse de croissance pond´erale contribuent plus aux diff´erences de taille `a l’adolescence qu’aux diff´erences de poids. Les relations entre vitesses de croissance du poids et param`etres anthropom´etriques `a l’adolescence autres que la taille n’´etaient probablement pas li´ees `a la croissance de la taille, puisque les vitesses de crois-sance de la taille n’´etaient associ´ees significativement `a aucune de ces mesures (Tableau5.1).

5.3.2 P´eriode des six premiers mois

Nos r´esultats, avec ceux de la litt´erature, ont montr´e que la croissance du poids avant six mois ´etait associ´ee `a la composition corporelle ult´erieure ( Eke-lund et al., 2006; Li et al., 2003; McCarthy et al., 2007; Sachdev et al., 2005; Wells et al., 2005). Cette relation serait plus forte pour la masse maigre que pour la masse grasse, en particulier dans les pays en voie de d´eveloppement (Sachdev et al.,2005;Wells et al., 2005). Dans la seule ´etude stratifiant sur le

sexe, l’association entre vitesse de croissance du poids et masse maigre ult´e-rieure ´etait, comme dans notre ´etude, plus forte chez les hommes que chez les femmes (Li et al., 2003).

Ces relations ne sont pas inattendues, car cette p´eriode correspond `a la p´eriode de la vie o`u la croissance staturo-pond´erale est la plus rapide. Un stimulus au cours de ce processus pourrait donc avoir des cons´equences `a long terme. Plusieurs d´eterminants de la croissance et du m´etabolisme ´energ´etique se mettent en place durant les premiers mois de vie (Chanoine, 2005), parmi lesquels l’alimentation orale (Koletzko et al., 1998).

Cette p´eriode correspond ´egalement `a un fort d´eveloppement du tissu adi-peux, concernant `a la fois le nombre et la taille des adipocytes (Escofet et al., 1996). Ce d´eveloppement pourrait ˆetre fortement influenc´e par l’alimentation et en particulier par sa composition en acide gras (Kuzawa,1998). Elle est donc potentiellement d´eterminante pour la constitution d’un patrimoine de cellules adipeuses, mˆeme si celles-ci pourront continuer `a ˆetre recrut´ees tout au long de la vie (Ailhaud et al., 2006).

La croissance du nouveau-n´e est ´egalement, pour la premi`ere fois, lib´e-r´ee des contraintes maternelles intra-ut´erines ; des facteurs g´en´etiques, particu-li`erement paternels, pourraient ainsi s’exprimer plus particuparticu-li`erement `a cette p´eriode (Yajnik, 2004), comme nos r´esultats ult´erieurs vont le sugg´erer (Cha-pitre 7).

Par ailleurs, certains m´ecanismes biologiques tels que la maturation du trac-tus gastro-œsophagien (Kuzawa, 1998) ou le d´eveloppement de fonctions es-sentielles du syst`eme hypothalamo-hypophysaire (Matthews,2002; Taylor and Poston, 2007) se mettent en place dans les premiers mois de vie.

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Finalement, cette p´eriode est caract´eris´ee par des s´ecr´etions hormonales transitoires. En particulier, les gar¸cons ont une augmentation physiologique brutale du taux de testost´erone total plasmatique `a trois mois (Forest et al., 1974) qui pourrait ˆetre `a l’origine de la forte association observ´ee entre la vitesse de croissance du poids et la masse maigre `a l’adolescence retrouv´ee uniquement pour le sexe masculin (Figure 5.2).

Figure 5.2: Diagramme sch´ematique des phases de la fonction sexuelle masculine (niveau plasmatique de testost´erone et production de sperme) `

a diff´erents moments de la vie (Forest et al., 1974)

5.3.3 P´eriode de deux `a cinq ans

Des ´etudes ont montr´e qu’un gain d’IMCou de poids au cours de l’enfance, `a partir de deux ou trois ans, ou de l’adolescence ´etait associ´e `a plus d’adiposit´e ou `a une r´epartition abdominale des graisses `a l’ˆage adulte (Ekelund et al., 2006; McCarthy et al., 2007; Sachdev et al., 2005; Wells et al., 2005) et, plus faiblement, `a une augmentation de la masse maigre.

Comme cela a ´et´e sugg´er´e par Ekelund et al. (Ekelund et al., 2006), le m´e-canisme sous-jacent `a ces relations pourrait bien ˆetre diff´erent selon la p´eriode consid´er´ee. Ainsi, dans notre ´etude, la croissance du poids `a trois mois n’´etait pas significativement associ´ee `a la croissance du poids `a trois ans, ni chez les filles, ni chez les gar¸cons.

C’est entre 3 et 7 ans que se produit le ph´enom`ene physiologique d´enomm´e rebond d’adiposit´e pr´esent´e page 2, et plus pr´ecocement chez les enfants ob`eses (Rolland-Cachera et al., 1984). Un gain de masse grasse pourrait donc expliquer une grande partie de la variabilit´e des diff´erences de croissance du poids entre trois et cinq ans. L`a encore, la nutrition pourrait ˆetre un facteur clef, li´e au comportement alimentaire des parents, d’autant plus que c’est une p´eriode durant laquelle le d´eveloppement du goˆut semble important (Birch and Fisher, 1998; Fisher and Birch, 1995). Les habitudes d’activit´e physique commencent ´egalement, mˆeme si la persistance de ces habitudes de l’enfance `a l’ˆage adulte n’est pas claire (Jackson et al., 2003). Enfin, on peut imaginer que certains facteurs g´en´etiques pourraient ˆetre impliqu´es pr´ef´erentiellement `a partir de deux ans.

5.3.4 P´eriode de transition de six mois `a deux ans

Les corr´elations entre vitesses de croissance du poids et mesures anthropo-m´etriques — except´e la taille — `a l’adolescence diminuaient chez les gar¸cons et les filles durant cette p´eriode. D’autres ´etudes ont observ´e une telle ´evolution (Chomtho et al., 2008; Corval´an et al., 2007; McCarthy et al., 2007; Sachdev

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et al., 2005; Wells et al., 2005), mais peu l’ont comment´ee (Corval´an et al., 2007;McCarthy et al., 2007).

Durant cette p´eriode, la croissance de la taille semble influencer pr´ef´eren-tiellement la croissance du poids (Corval´an et al., 2007). Elle a, par ailleurs, ´et´e d´esign´ee comme une p´eriode critique pour le d´eveloppement de la taille, puisqu’il a ´et´e montr´e que des interventions nutritionnelles `a cette p´eriode (boissons riches en prot´eines) am´elioraient la croissance staturale (Martorell et al.,1995). Les variations de croissance pond´erale durant cette p´eriode pour-raient alors correspondre `a une variabilit´e de croissance squelettique plutˆot qu’adipeuse (McCarthy et al., 2007). La croissance de la taille plutˆot que le stockage des graisses pourrait ˆetre stimul´ee pr´ef´erentiellement pendant cette p´eriode durant laquelle on observe une augmentation du rapport prot´eines sur lipides dans l’alimentation (Boggio et al.,1999).

Des m´ecanismes detrade-off2

ont ´et´e d´ecrits et pourraient permettre une modification de la r´epartition de l’´energie selon les besoins, du compartiment masse grasse au compartiment masse maigre, en particulier pour favo-riser la croissance osseuse. En effet, adipocytes et ost´eoblastes proviennent de la mˆeme lign´ee cellulaire, et le facteur de transcriptionPPAR-γ, qui favorise la diff´erenciation en adipocytes, pourrait participer `a ce ph´enom`ene (David et al., 2007;Lecka-Czernik and Suva, 2006). Chez les sujets trait´es par des agonistes dePPAR-γ, on assiste `a la fois `a une augmentation de la masse grasse et `a la pr´esence d’ost´eoporose.

Cependant, il est aussi possible que cette p´eriode soit caract´eris´ee par un recrutement silencieux en pr´eadipocytes en vue de la pr´eparation du rebond d’adiposit´e (Ailhaud et al.,2006).

5.3.5 Points forts et limites sp´ecifiques

L’int´erˆet de la mod´elisation de nos donn´ees de croissance a d´ej`a ´et´e pr´e-sent´e dans le chapitre M´ethodologie, page27. Un autre int´erˆet de notre travail est l’utilisation de diff´erents indicateurs de masse maigre et de masse grasse permettant de renforcer la confiance dans nos r´esultats.

En revanche, la g´en´eralisation de nos donn´ees `a une population plus large doit ˆetre discut´ee. Nous verrons plus longuement, page138, que la population ne pouvait ˆetre consid´er´ee comme repr´esentative de la population fran¸caise des 8 – 17 ans, et les raisons y seront donn´ees. Nous pouvons cependant noter qu’en d´epit de cette non repr´esentativit´e, nous consid´erons nos r´esultats d’in-t´erˆet g´en´eral3 : d’une part, parce qu’ils sont en accord avec les donn´ees de la litt´erature ; d’autre part, parce que les crit`eres de s´election de notre popula-tion (localisapopula-tion g´eographique, participapopula-tion `a l’´etude, etc.) ne nous semblent pas susceptibles de biaiser les relations entre croissance pr´ecoce et risque car-diovasculaire. Un point cependant `a discuter est celui du nombre de mesures du carnet de sant´e qui conditionne la possibilit´e de mod´elisation de la crois-sance. Il peut traduire une surveillance m´edicale plus attentive, soit du fait de pr´eoccupation de sant´e, soit du fait de probl`emes m´edicaux. N´eanmoins, la population dont la croissance a pu ˆetre mod´elis´ee ne diff´erait des autres que

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par l’ˆage, et non par les mesures anthropom´etriques mesur´ees `a l’adolescence, indiquant l’abscence de lien avec des probl`emes de sant´e importants.