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•Période 4 mixte

III.2 Discussion-conclusions

III.2.1 Concernant la dynamique de la barre

• Le sens de migration

Le sens de déplacement observé est conforme aux précédentes études effectuées sur les deltas de jusant (FitzGerald, 1984 ; Smith & FitzGerald, 1994 ; Fenster & FitzGerald, 1996 ; Kana et al., 1999). La barre de swash d’Agon, en régime mégatidal, migre uniquement vers la haute plage. Aucune destruction, ni recul de l’édifice n’est constatée.

• La vitesse de migration

La vitesse de migration présente des différences significatives entre la première année de suivi (novembre 2003 à novembre 2004) et les deux années suivantes (novembre 2004 à septembre 2006). Pendant la première année, la barre se déplace à une vitesse moyenne de l’ordre de 58.1 m/an, nettement supérieure à celle observée par la suite (19.7 m/an la deuxième année et 24 m/an la dernière année (vitesse moyenne calculée entre la radiale 3 et 9). La comparaison de ces résultats avec la vitesse moyenne observée depuis l’apparition de la barre sur les photographies aériennes en 1998 (29.7 m/an entre août 1998 et septembre 2006 ; 26.7 m/an entre août 1998 et novembre 2003, cf chapitre précèdent), permet de constater qu’elle se déplace beaucoup plus rapidement lors de la première année du suivi.

• L’agent dynamique responsable de la migration

La corrélation des données topographiques avec celles de l’agitation disponible a permis de mettre en évidence que les différences de vitesse du déplacement de la barre traduisent les variations de l’amplitude de la houle au large. Le taux de déplacement augmente lors d’une exposition croissante aux conditions de tempête (Hs supérieur à 2 m au large). Pendant les périodes intermédiaires ou de calme, aucune migration significative n’est observée.

Chapitre V – Evolution morphodynamique à moyen terme d’une barre de swash de delta et de son environnement

184 • Les différences de vitesse enregistrées

La première année (novembre 2003 – novembre 2004)

L’augmentation considérable de la vitesse moyenne de la barre lors de la première année du levé doit être la conséquence directe d’un accroissement des périodes de tempêtes à l’échelle annuelle. L’étude détaillée des conditions hydrodynamiques au large pendant la première année indique que la hauteur significative de la houle est supérieure à 2 m pendant 10.2 % du temps (sur 8760 données). Cette fréquence des événements de forte énergie est au-dessus de celle enregistrée sur le long à terme (8.2 %) (1992-2001, cf chapitre II). Cependant, la différence ne peut, à elle seule, expliquer l’augmentation de la vitesse de migration observée. En effet une augmentation de 2 % de la durée des tempêtes serait responsable, d’après la figure 78, d’un accroissement de 9 m/an de la distance parcourue par la barre.

Il apparaît que ce n’est pas une tempête isolée, mais plutôt une succession d’épisodes énergétiques qui sont à même d’induire les évolutions les plus importantes sur le profil d’une plage (Morton et al., 1995 ; Birkemeir et al., 1999 ; Cox & Pirrello, 2001 ; Ferreira, 2002, 2006) ou sur le revers des barres et donc d’augmenter indirectement leur déplacement (Stépanian, 2002). C’est notamment le cas pendant l’hiver 2003 durant lequel les périodes de tempêtes sont longues et très rapprochées. De plus, l’intensité des tempêtes (lorsque Hs est supérieure à 3 m) est légèrement plus forte pendant cette première année de suivi. Cependant, il faut noter que dans certaines études (Russell, 1993 ; Aagaard et al., 1998, 2005 ; Lee et al., 1998 ; Osborne & Rooker, 1999) il est observé que la forme du profil de plage peut être mise à l’équilibre par une première tempête et rester stable lors du passage des suivantes. Ce cas peut être envisagé également sur le revers de la barre étudiée.

Il faut signaler aussi que le niveau de marée et la position de l’événement par rapport à la cyclicité tidale lunaire peuvent expliquer l’augmentation de la vitesse de mobilité de la barre lors de cette première année. Cependant, à l’échelle des mesures, il n’est pas possible de vérifier cette hypothèse.

La deuxième année (novembre 2004 – novembre 2005)

La deuxième année est marquée par un fort ralentissement de la progression de la barre sur l’estran (19.7 m/an), déjà observée depuis les mois de février-mars 2004. Malheureusement, il n’est pas possible de corréler ce comportement avec les conditions d’agitation au large (bouée hors service). Cependant, au vu de la différence qui existe avec la vitesse moyenne observée sur le long terme (26.7 m/an), il est probable que la cause ne soit pas seulement hydrodynamique, mais que l’aspect morphologique influence de façon secondaire la dynamique de la barre. En effet, il est fréquemment évoqué le rôle de la morphologie antécédente aux évenements de tempêtes comme régulateur de l’impact morphodynamique (Lee et al., 1998 ; Ruessink & Terwindt, 2000). Cette période de ralentissement correspond au développement d’une large zone plane (65 m) sur le revers de la barre. L’impact de la houle est plus faible sur un plan horizontal que sur une pente forte. La dissipation de l’énergie des vagues est alors plus importante. Dans le cas étudié, il semble probable que cette caractéristique ait pu avoir une influence significative sur la dynamique de la barre et le transport sédimentaire s’effectuant sur son revers.

Chapitre V – Evolution morphodynamique à moyen terme d’une barre de swash de delta et de son environnement

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Durant cette dernière année de suivi, la morphologie de la barre a retrouvé un profil très asymétrique similaire à celui de la première année. L’étude détaillée des conditions hydrodynamiques au large pendant cette période indique une occurence de 7.2 % (6244 données) des hauteurs significatives de la houle au-dessus de 2 m. Cette fréquence est inférieure à celle enregistrée sur le long à terme (8.2 %), mais se situe dans l’ordre de grandeur permettant d’expliquer à elle seule la légère diminution de la vitesse de la barre.

• Evolution future de la vitesse de déplacement

Le déplacement vers le haut de plage de la barre entraîne une augmentation de sa cote altimétrique générale bien que celle-ci reste réduite à l’échelle du suivi (entre 0.12 et 1.72 m pour les radiales proches de l’enracinement). Le profil de forme concave de l’estran entraîne une dissipation énergétique plus importante de la houle sur la partie basse par rapport à la partie supérieure de l’estran (Wright et al., 1982 ; Masselink, 1993 ; Masselink & Hegge, 1995 ; Levoy et al., 2001). Ainsi, une augmentation de la vitesse de déplacement de la barre devrait être observée lors de son rapprochement avec la haute plage. Cette accélération a pu être mise en évidence sur une barre similaire sur le site d’étude (Robin & Levoy, 2007). Aucune augmentation significative et stable de sa vitesse de déplacement n’est observée pour le moment.

III.2.2 Concernant la morphologie de la barre

• Evolution lors des phases de migration

L’évolution de l’ensemble des profils montre que lors des phases de migration, un transfert de sédiments s’oopère entre le revers (en érosion) et le talus de la barre (en accrétion). Ce mécanisme est communément décrit sur les barres de swash sensu stricto (Van der Berg, 1977 ; Dabrio & Polo, 1981 ; Degryse-Kulkarni, 2003), les barres associées à des bâches (Stépanian, 2002) ou les barres internes subtidales des plages microtidales (Sunamura & Takeda, 1984). Cependant, pour l’ensemble de ces études, leur déplacement vers le haut de plage s’effectue lors de conditions de beau temps sous l’action des processus de swash et de déferlement. En période de tempête, l’augmentation de l’intensité du courant de retour (undertow) est responsable d’une destruction partielle de la barre et de leur déplacement vers le large (Davidson-Arnott & McDonald, 1989 ; Russell & Huntley, 1999 ; Masselink et al., 2005). Dans l’exemple d’Agon, le fonctionnement est différent de ces types de barre puisque c’est uniquement en période de tempête que la barre migre vers la partie supérieure de l’estran. L’étude des processus hydrodynamiques sur le revers de la barre sera abordée dans le chapitre VII afin d’expliquer ce comportement original qui semble commun à l’ensemble des barres de swash de delta (Davis, 1978 ; Davis & FitzGerald, 2004).

• Evolution morphologique à moyen terme

L’évolution morphologique de la barre est indépendante des phases de migration. Elle évolue avec une dynamique interne sur le moyen terme tout en conservant un volume relativement constant. Ainsi, quatre périodes ont pu être mises en lumière :

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1) l’abaissement de la barre suite à une augmentation de sa largeur et une diminution de sa hauteur. Lors des phases de migration, la partie supérieure du revers est principalement érodée et le matériel déposé sur le talus ;

2) une phase de reconstruction suite à la migration vers le talus d’un bourrelet sédimentaire hérité du matériel érodé de la partie inférieure du revers de la barre. Du fait de la création d’une large zone plane sur le dessus de la barre, c’est la partie inférieure du revers qui est principalement érodée. La rupture de pente avec le talus étant trop loin, le sédiment se dépose sur la partie supérieure du revers formant un bourrelet ;

3) une période de stabilité suite à des conditions de faible agitation ;

4) un comportement mixte avec la succession d’une phase d’abaissement et de reconstruction soulignant peut être un nouveau cycle, mais de durée moins longue que le premier.

• Evolution longitudinale

L’étude longitudinale des paramètres morphométriques de la barre montre un comportement distinct entre l’enracinement et son extrémité. Sur la partie proximale, la hauteur de barre est en forte diminution dans la première partie du suivi (10 novembre 2003 – 22 décembre 2004). Cette diminution n’est pas due à une érosion de la crête (l’altitude de cette dernière est continuellement en hausse), mais à un comblement de la bâche qui génére, pour les deux premières radiales, la disparition du talus et la fusion de la barre avec la moyenne plage. Ce rattachement avec la partie supérieure de la moyenne plage induit une perturbation du transit sédimentaire nord-sud (Robin & Levoy, 2007). Le sédiment a alors tendance à se déposer à proximité de « l’obstacle » favorisant l’exhaussement de la bâche (Figure.66). Ainsi, la diminution volumétrique de cette partie de la barre ne reflète pas une action érosive de l’environnement, mais plutôt une accrétion de la bâche. De plus, ce phénomène est probablement à l’origine du déplacement sensiblement plus rapide de cette partie de la barre.

La partie distale de la barre présente, elle aussi, une diminution de sa hauteur dans la première partie du suivi (10 novembre 2003 – 22 décembre 2004). Cependant, il est clairement identifié que cette réduction est liée à une forte érosion de la crête comparée à l’exhaussement de la bâche qui reste limité malgré l’élévation du fond du fait de son rapprochement avec le trait de côte. Ainsi, il s’avère que la partie distale de la barre est plus sensible aux conditions de houles et à l’action des courants de marée à l’inverse de la partie proximale plus stable. De plus, l’hypothèse peut être avancée que cette partie présentant un bilan sédimentaire significativement négatif sur trois ans, soit une source secondaire d’alimentation en sédiments pour le reste de la barre. Cette dernière hypothèse sera vérifiée dans la suite du mémoire.

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IV. Evolution granulométrique de la barre