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5. Discussion / conclusion

Le but de notre recherche était, dans un premier temps, d’étudier les liens entre le matérialisme et le bonheur à travers différentes mesures du bien-être subjectif. Dans un second temps, nous avons souhaité étudier l’impact du matérialisme et de la motivation proenvironnementale de l’individu sur ses comportements écologiques tout d’abord ainsi que sur une situation de prise de décision impliquant un conflit entre une pratique hédonique (le ski) et l’environnement à travers différentes mesures des comportements écologiques. Nous nous sommes principalement intéressé à mesurer le niveau de matérialisme pour étudier l’impact différentiel sur les comportements des individus.

Nos hypothèses étaient, pour l’étude 1, que plus un individu est matérialiste et moins son niveau de bien-être subjectif sera élevé mais également que le niveau de matérialisme aurait un impact différentiel sur les dimensions du bien-être étudiés. Dans l’étude 2, nous avons, comme dans l’étude 1, mesuré le niveau de matérialisme mais aussi le degré de motivation à adopter un comportement pro-environnemental avec, pour rappel, l’hypothèse selon laquelle plus un individu est matérialiste et moins il aura de comportement écologique. Dans un second temps, nous nous attendions également à ce que, ses caractéristiques individuelles influencent la décision dans une situation consistant à mettre en opposition une situation de pratique hédonique avec une considération pro-environnementale. Puis, pour finir, nous avons postulé que l’impact du matérialisme sur la prise de décision serait modéré par la motivation pour l’environnement de l’individu.

Les résultats présentés précédemment ne vont pas tous dans le sens de nos hypothèses.

Etude 1 : effet du niveau de matérialisme sur le bien-être subjectif

Premièrement, nous pouvons relever l’effet significatif du niveau de matérialisme mesuré par notre questionnaire sur le niveau de bien-être subjectif. Ces résultats viennent confirmer ce que nous avons prédit en lien avec la littérature existante sur la manière de dépenser son argent, les valeurs qui nous guident et le niveau de bien-être auto-rapporté. Cependant, les résultats montrent un impact différentiel du niveau de matérialisme sur les différentes mesures du bien-être. On remarque que plus un individu à un niveau de matérialisme élevé et moins il portera un jugement cognitif global positif sur son niveau de satisfaction de vie. Les résultats montrent également une hausse des affects négatifs et une baisse de la vitalité subjective, mesurant le sentiment auto-rapporté d’être vivant et alerte. Les autres dimensions du bien-être évaluées par ces questionnaires ne montrent pas de liens significatifs avec le niveau de matérialisme.

Etude 2 : Effet du niveau de matérialisme sur les comportements proenvironnementaux

L’étude 2 révèle donc bien, conformément à notre 1ère hypothèse, un lien négatif entre le niveau de matérialisme et la motivation à adopter un comportement pro-environnemental. Le degré de motivation étudié ici se situant sur un continuum d’autodétermination allant de l’amotivation à la motivation extrinsèque puis la motivation intrinsèque, on peut déduire de ce résultat qu’un haut niveau de matérialisme chez un individu entraine une baisse de la motivation autodéterminée pour un comportement écologique. Les résultats complémentaires ont

également révélé l’impact d’un haut niveau de matérialisme sur la baisse de la fréquence de ces mêmes comportements. Ces résultats sont conformes à la théorie et aux prédictions que nous avons pu faire relatives à ces théories. Le souci majoritaire qui se pose ici concernant la mise en place de comportements pro-environnementaux chez des personnes ayant un haut niveau de matérialisme est l’intégration de ce comportement comme faisant partie d’une volonté intrinsèque de le réaliser. Le lien négatif qui ressort de nos résultats entre le niveau de matérialisme et le manque de motivation autodéterminée à effectuer le comportement ne veut pas dire que les personnes matérialistes n’ont pas de comportements écologiques. Cela veut dire qu’ils ne les réalisent pas à la même fréquence qu’une personne se situant plus en bas de l’échelle de matérialisme et, conformément à la TAD, que l’on observera une persistance plus faible de ces comportements. Si les personnes les plus matérialistes n’ont pas l’intention de réaliser le comportement pour des raisons intrinsèques c’est qu’ils n’ont pas intégré la valeur propre de ce dit comportement et que priment encore pour eux des objectifs plus superficiels d’image, de popularité ou encore de réussite financière. Il y aurait donc potentiellement un levier de changement à saisir sur la manière dont sont formulés les messages de promotions de ces comportements pro-environnementaux pour impacter également ces personnes qui ne sont pas aussi sensible à l’autosatisfaction, la santé physique ou encore le sentiment de communauté (relatifs aux buts intrinsèques) que peuvent prôner les campagnes de publicité en dehors du bien-être environnemental.

L’étude a permis également de vérifier notre seconde hypothèse selon laquelle, face à un dilemme mettant en opposition un comportement favorisant leur propre plaisir face à un comportement écologique, les individus les plus matérialistes choisiraient de privilégier le comportement en faveur de leur plaisir personnel au détriment de l’environnement. Le but ici était de mettre dans une balance les deux comportements possibles afin de mesurer le poids de chacune des considérations individuelles (plaisir personnel ou considérations proenvironnementales). En effet, il est très facile de répondre positivement à la question : «Etes-vous pour le tri des déchets ? » et de se rendre compte que, dans les faits, une petite partie des individus ayant répondu par l’affirmative à cette question le fait réellement. Cette différence observée entre les opinions et les pratiques peut s’expliquer par un biais de désirabilité sociale.

Qu’il soit conscient ou non, ce processus implique, lors de la passation de tests, que les participants répondent aux questions en tenant compte de ce qui est socialement désirable dans un contexte donné. La mise en place de ce questionnaire visait donc à contrecarrer l’apparition possible de ce biais dans le but d’obtenir des réponses les plus honnêtes possibles. Or, les

résultats montrent, tout d’abord, que plus le niveau de matérialisme est haut chez une personne et plus il privilégiera la variable pro-environnementale au détriment de son plaisir personnel.

Ceci peut s’expliquer par le fait que les comportements écologiques font partie d’une certaine conscience collective comme étant un comportement positif. Ce qui caractérise la personne matérialiste étant le besoin de reconnaissance par l’image, la popularité et la réussite, le fait de dire que l’on effectue un comportement écologique lui permet d’accéder à cette reconnaissance.

Ceci est valable, que l’on soit matérialiste ou non, mais ça l’est encore plus pour les personnes les plus matérialistes au regard des résultats de l’étude 1. Un haut niveau de matérialisme entrainant une baisse de la satisfaction de vie, des affects négatifs et de la vitalité subjective, on peut supposer que les personnes les plus matérialistes cherchent à combler leurs besoins d’autonomie, de compétence et d’affiliation (3 besoins innés vers lesquels tout un chacun tend, selon la TAD) par l’adhésion à des opinions qui ne sont pas les leurs mais bien celles relatives aux normes sociales. Ceci pourrait expliquer que, face à un choix imposant une mise en avant d’un comportement connoté négativement comme le choix de son propre plaisir au détriment de l’environnement, les personnes les plus matérialistes choisissent de dire qu’ils privilégient l’environnement.

Les résultats complémentaires montrent également que les personnes les moins autodéterminées ont tendance à privilégier l’environnement au détriment de leur plaisir. Nous n’avions pas émis d’hypothèse particulière concernant ce lien mais, conformément à la théorie et probablement relativement à des idéaux sur l’implication dans des comportements proenvironnementaux, nous aurions pu prédire que le degré d’autodétermination prédirait, dans le sens contraire de notre résultat, le choix de la variable écologique ou hédonique. Cependant, au vue des résultats précédents concernant l’hypothèse 2, il semble cohérent de penser qu’une personne peu autodéterminée dans ses choix privilégie l’environnement. Les comportements des personnes les moins autodéterminées sont régulés par des types de motivation externe ou introjectée qui impliquent que le comportement soit effectué dans un but utilitaire et que la régulation de ses valeurs se fasse en fonction de son environnement. Ici encore le besoin d’affiliation prime sur les buts extrinsèques relatifs à la définition du matérialiste. Cependant, bien que nos résultats montrent un impact significatif du niveau de matérialisme et de la motivation autodéterminée sur le choix du comportement pro-environnementale, allant dans le sens contraire de nos hypothèses, le problème de la persistance de ce comportement est toujours existant. Le fait que ce soit les personnes les plus matérialistes mais aussi les moins

autodéterminées qui privilégient le comportement pro-environnementale pose la question de l’intégration de la valeur du comportement écologique. Là encore, les campagnes de promotions pour les comportements écologiques ont un rôle primordial à jouer dans l’intégration du comportement pro-environnemental comme devant être une valeur importante pour le soi.

Notre troisième hypothèse visait à investiguer la modération du conflit engendré par l’opposition entre la variable plaisir et le comportement pro-environnemental par la motivation envers le comportement par rapport au niveau de matérialisme. Les résultats non significatifs montrent que le type de motivation de l’individu ne modère pas le lien mis en lumière par l’hypothèse 2 entre le niveau de matérialisme et le choix du comportement à adopter. Cela signifie que le niveau de motivation autodéterminée n’a pas d’impact sur le choix du comportement pro-environnemental émis par une personne ayant un haut niveau de matérialisme. Une personne matérialiste ne choisira pas plus la variable pro-environnementale, qu’elle soit autodéterminée dans ses choix ou non. On peut donc en déduire que ce n’est pas tant le fait d’avoir intégré ou non le comportement pro-environnemental comme étant une valeur importante mais bien ce que la personne donne à voir d’elle-même lorsqu’elle choisit de privilégier l’environnement au détriment de son plaisir personnel.

Tout comme de manger bio est devenu une mode suivi par les classes sociales les plus favorisées comme les plus populaires, en se basant sur ces résultats, il serait intéressant de parvenir à faire intégrer le fait d’avoir une conscience pro-environnemental et un comportement écologique quotidien comme étant une norme sociale respectée, symbole de réussite et montrant une image de soi valorisée. Pour pouvoir créer des messages publicitaires allant dans ce sens, les gouvernements en place doivent se baser sur ce qui a déjà été fait et qui prouve, une fois de plus cet impact de la représentation sociale des comportements écologiques. Par exemple, une étude publiée en 2011 a cherché à montrer l’impact des identités d’habitation sur les représentations sociales des modes de transport. Parmi d’autres mesures, l’auteur a mis en lien les types de logements (maison individuelle, maisons jumelées, petit collectif et grand collectif) avec les représentations du bus et les représentations de la voiture. Les résultats montrent que la représentation du bus est assez défavorable pour les occupants de maison individuelle et de plus en plus favorable pour les occupants de logements collectifs (Depeau, S., & al., 2011).

Compte tenu des différences de revenus évidentes entre les personnes vivant dans une maison individuelle et celles vivant dans des habitations collectives, on peut en déduire que la

représentation des transports en communs par les personnes ayant un revenu élevé n’est pas favorable à la mise en place d’un comportement pro-écologique.

La principale critique à apporter à ce travail serait le possible biais dans les deux études dû au choix de l’échantillon. En effet, pour chacune des deux études, l’échantillon se composait exclusivement d’étudiants (pour des raisons pratiques) qui ont probablement un niveau socioéconomique non représentatif de la population générale. Il aurait été intéressant de réaliser cette étude avec des individus tout-venants. Ce choix de l’échantillon pourrait expliquer les faibles résultats obtenus dans la première étude. Toujours concernant le choix de l’échantillon, la première étude a été réalisée avec trois échantillons différents pour étudier le lien entre le matérialisme et chacune des trois dimensions du bien-être (Bien-être subjectif, Self-appraisal et DSM Axis 1). Bien que cela n’ait pas visiblement influencé les résultats puisque aucun résultats significatif n’a été trouvé concernant la dimension DSM Axis 1 qui avait pourtant le plus de participants, il aurait probablement été préférable de récolter les données à partir du même échantillon pour les trois dimensions en lien avec le matérialisme.

Concernant le questionnaire présentant une situation dite de « prise de décision », il est possible que l’utilisation du terme « plaisir personnel » ne soit pas appropriée. En effet, plusieurs items ne mettent pas vraiment en opposition le plaisir personnel et le choix d’un comportement pro-environnemental. Les participants avaient parfois à choisir entre des variables plutôt de « patriotisme local » ou encore de « considération économique », ce qui a pu quelque peu influencer les résultats. Il pourrait donc être intéressant, en réutilisant ce questionnaire, d’en modifier certains items pour que s’opposent toujours le « plaisir personnel » et le choix d’un comportement écologique.

Le biais de désirabilité sociale ayant visiblement influencé un des principaux résultats de notre étude, il aurait pu être intéressant de mesurer ceci avant la passation des divers questionnaires.

Il pourrait être intéressant d’aller plus loin avec les résultats récoltés dans ces deux études en les mettant en lien à travers des analyses plus poussées. Chacune des dimensions du bien-être impactées par le niveau de matérialisme pourrait être mises en lien avec le niveau de motivation à adopter un comportement pro-environnemental. Cela permettrait d’être plus précis quant à la direction que doivent prendre les messages de communication concernant les comportements écologiques.

Le bien-être, le nôtre et celui de notre environnement est un thème crucial qui touche tous les domaines : politique, éducatif, le monde du travail. C’est pourquoi il est très intéressant d’étudier l’impact de nos comportements sur ces différentes dimensions. Ceci nous permet de comprendre que la perception que nous avons de nos motivations à agir de telle ou telle sorte peut être erronée et nous mener à des états contraires à celui recherché. Cette recherche nous apporte beaucoup d’informations quant aux résultats de ces comportements ainsi qu’à la manière dont nous devons changer notre perception de l’impact de la place que nous donnons actuellement aux valeurs qui nous guident dans notre recherche du bien-être et celui de notre environnement. Bien que notre société de consommation nous pousse à toujours accumuler plus dans un espoir vain de succès, de popularité ou autres buts extrinsèques, qui, nous l’avons vu, ne mène pas au bonheur, il faudrait parvenir à contrer ces dictats pour revenir à des buts plus intrinsèque de santé physique, d’affiliation ou encore d’autosatisfaction comme définit par Grouzet et collaborateurs en 2005. Ces résultats nous permettent même d’aller plus loin en affirmant qu’il serait judicieux d’être, en premier lieu, reconnaissant envers ce que nous possédons déjà. C’est en tous les cas ce qu’évoque une étuderéalisée par des chercheurs d’une université américaine dont les résultats révèlent que les personnes matérialistes seraient plus déprimés et éprouveraient moins de satisfaction dans leur vie parce qu’ils auraient du mal à être reconnaissants de ce qu’ils possèdent. Ce sentiment de gratitude, dérivé de l’altruisme, est un sentiment positif qui permet de se décentrer du soi pour se concentrer sur les autres. Le matérialiste aurait tendance à déplacer son objectif à atteindre pour être toujours plus heureux tandis que la personne qui fait preuve de gratitude envers ce qu’elle possède déjà saura en apprécier les effets positifs sur sa santé mentale. De nombreuses études se sont déjà penchées sur l’étude de ce sentiment de gratitude (Tsang, J., & al., 2014).

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