• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 : Relations entre tempérament et performances cognitives en cas

F. Discussion et conclusion du chapitre 2

Les deux études de ce chapitre ont permis de confirmer notre hypothèse selon laquelle les relations entre tempérament et performances cognitives peuvent être modulées par l’exposition à des facteurs de stress extrinsèques.

Dans l’article 2, nous avons observé que les performances de mémoire de travail étaient positivement corrélées avec la dimension de peur en l’absence de stress extrinsèques, alors qu’elles étaient négativement corrélées avec la dimension de peur en conditions stressantes. Nous pensons que ces résultats peuvent être expliqués par une relation en « U » inversé décrivant la relation théorique entre intensité du stress et performance cognitive (Baldi et Bucherelli 2005) (figure 6). En effet, si l’on considère qu’un cheval au tempérament peureux réagit plus fortement au stress qu’un cheval au tempérament non peureux, on peut penser qu’en l’absence de stress extrinsèque, l’état de stress des individus serait plutôt bénéfique pour les performances, et ce a fortiori chez les chevaux au tempérament peureux (première partie de la courbe, figure 6). Au contraire, lorsqu’on expose les individus à des facteurs de stress extrinsèques, l’état de stress des chevaux deviendrait globalement délétère pour les performances de mémoire de travail, conformément à ce qui a été observé, et ce d’autant plus pour les individus au tempérament peureux (deuxième partie de la courbe, figure 6).

142 Figure 6. Courbe en « U » inversé décrivant les relations théoriques entre performance cognitive (ici performance de mémoire de travail) et intensité de l’état de stress. Les résultats obtenus dans l’article 2 pourraient être expliqués par cette relation.

Dans l’article 3, nous avons tout d’abord observé un effet globalement délétère du stress extrinsèque sur les performances de réacquisition des chevaux, en particulier lorsque l’épisode de stress survenait au moment où les processus de consolidation étaient a priori prédominants. Les résultats de cet article suggèrent également une modulation par le stress des relations entre tempérament et performances d’apprentissage. En effet, en l’absence de stress extrinsèques, aucune corrélation n’était observée. Au contraire, en conditions stressantes, lorsqu’un état de stress intervenait au moment où les processus de consolidation étaient théoriquement prédominants, nous avons observé que les performances au jour 8 étaient négativement corrélées avec la dimension de peur et la dimension de grégarité. Ce dernier résultat suggère que l’effet délétère du stress serait plus marqué chez les individus peureux et grégaires.

Par ailleurs, toujours en conditions stressantes, nous avons observé que lorsqu’un état de stress intervenait au moment où les processus d’acquisition étaient théoriquement prédominants, les performances d’apprentissage au jour 1 et au jour 8 étaient positivement corrélées avec la dimension d’activité locomotrice. Des effets positifs similaires de l’activité locomotrice ont déjà été observés dans d’autres études (souris : Teskey et al. 1998; cheval : Lansade et Simon 2010). Cet effet bénéfique de l’activité locomotrice pourrait s’expliquer par

143 une tendance plus large à être actif, à agir et donc à augmenter la probabilité d’exprimer la réponse attendue (Carere et Locurto 2011).

Le fait que la dimension de peur ne semblait pas reliée aux performances d’apprentissage en cas d’exposition au stress avant acquisition pourrait être due au fait que cette exposition au stress n’a pas eu une influence forte sur les performances moyennes des chevaux. Notamment, l’exposition à des facteurs de stress extrinsèques avant acquisition n’a eu qu’un effet transitoire lors de la session d’acquisition, les chevaux stressés ayant tendance à présenter un niveau d’activité plus élevé que les chevaux témoins lors des premiers essais. D’un point de vue chronologique, cette expérience (article 3) a été menée avant les autres expériences portant sur l’influence du stress (articles 2 et 4). C’est au regard de cet effet transitoire de l’épisode de stress avant acquisition que nous avons décidé par la suite d’induire des états de stress pendant les tâches cognitives par le biais d’expositions, brèves et répétées, aux facteurs de stress entre les essais (articles 2 et 4), plutôt que par le biais d’une exposition unique d’une plus longue durée.

En conclusion, les études composant ce chapitre nous ont montré que (1) l’exposition a des stress extrinsèques a un effet plutôt délétère pour les performances de mémoire de travail et d’apprentissage en général, et que (2) cette exposition à un stress extrinsèque peut moduler les relations entre tempérament et performances cognitives. Un certain nombre de corrélations observées entre tempérament et performances en cas de stress extrinsèques pourrait être expliqué par un effet délétère du stress plus marqué chez certains individus, en particulier chez les individus au tempérament peureux. Nos résultats suggèrent également que la peur peut n’avoir aucun effet, voire même un effet bénéfique pour les performances en l’absence de facteurs de stress extrinsèques.

145

CHAPITRE 3 : Relations entre tempérament et

performances cognitives en cas d’exposition à des

facteurs de stress extrinsèques et/ou intrinsèques

146

A. Objectifs

Le chapitre précédent nous a permis de caractériser l’impact de stress extrinsèques sur les performances de mémoire de travail et d’apprentissage, et sur leurs relations avec le tempérament des individus. L’objectif de ce troisième chapitre est d’intégrer également l’impact de facteurs de stress intrinsèques dans l’étude de la problématique. Dans l’article 4, nous avons donc testé à la fois l’effet de stress extrinsèques et l’effet de stress intrinsèques sur les relations entre tempérament et performances d’apprentissage instrumental. Les stress extrinsèques consistaient à des expositions à des facteurs de stress répétées au cours des sessions de tests, comme dans la condition stressante de l’article 2 présenté dans le chapitre précédent. Les stress intrinsèques consistaient à utiliser des renforcements négatifs dans le cadre de l’apprentissage instrumental. Nous avons fait ce choix car, par définition, un stress intrinsèque doit être induit par une composante directement reliée à la tâche cognitive (Sandi et Pinelo-Nava 2007; ex. Akirav et al. 2001).

Dans la littérature, il a été décrit que l’effet d’un stress sur les performances cognitives peut varier en fonction de sa source, extrinsèque ou intrinsèque par rapport à la tâche cognitive (Sandi et Pinelo-Nava 2007). En général, un stress intrinsèque aurait un effet davantage bénéfique pour les performances cognitives qu’un stress extrinsèque. L’effet a priori positif d’un stress intrinsèque pourrait s’expliquer par le fait qu’une réponse au stress peut s’accompagner d’un rétrécissement et d’une réorientation des processus attentionnels, motivationnels et/ou mnésiques envers les éléments qui semblent liés au stress (du point de vu de l’individu) et au détriment des éléments périphériques (Arnsten 1998). Cette réorganisation peut être bénéfique dans le cas où le stress provient directement de la tâche. Ainsi, l’attention de l’individu peut être augmentée vers la tâche, car le focus attentionnel se recentrerait vers les éléments liés au stress, et cela pourrait le rendre moins sensible aux perturbations extérieures. De même, la motivation nécessaire à l’apprentissage peut être accrue par le fait qu’elle se confond avec la motivation ressentie par le sujet pour se soustraire au stress en cas de stress intrinsèque. Ces phénomènes expliqueraient pourquoi les stress intrinsèques sont généralement considérés comme étant d’avantage bénéfique pour les performances cognitives que les stress extrinsèques (Sandi et Pinelo-Nava 2007).

Chez le cheval, l’étude de Lansade et Simon (2010) qui a été détaillée précédemment suggère que l’influence du tempérament sur les performances d’acquisition pourrait dépendre de la

147 présence ou non de stress intrinsèque. En effet, l’utilisation des jets d’air dans la tâche d’évitement actif peut constituer une forme de stress intrinsèque et les auteurs avaient justement observé que l’influence du tempérament variait entre les deux tâches. En particulier, la peur avait un effet délétère sur l’acquisition de la tâche du reculer (ne présentant a priori pas de facteurs de stress intrinsèques) et un effet bénéfique sur l’acquisition de l’évitement actif. On peut supposer que les facteurs de stress intrinsèques (utilisation de jets d’air) dans le cas de l’acquisition de l’évitement actif ont pu induire chez les chevaux peureux une plus grande focalisation de leur attention vers la tâche et une plus grande motivation à éviter l’émission de ces stimuli, par rapport aux chevaux moins peureux. Cependant, cette étude n’avait pas été conçue dans le but de comparer directement les deux tâches entre-elles en terme d’absence ou de présence de facteurs de stress intrinsèques, et ne permet donc pas de trancher sur cet éventuel effet. En dehors de ces différences de renforcements, les tâches différaient en effet par plusieurs points, comme les types de commande utilisée et de comportement à exprimer par l’animal pour répondre correctement. L’étude qui compose ce chapitre a pour objectif de déterminer si les effets opposés de la dimension de peur sur les performances d’apprentissage observés dans l’étude de Lansade and Simon (2010) pourraient effectivement être liés à la présence ou non de stress intrinsèques.

B. Hypothèses

Au regard des résultats de l’étude de Lansade et Simon (2010) et de nos précédents résultats qui suggèrent que l’effet du stress pourrait être généralement plus marqué chez les individus peureux, nous avons donc fait l’hypothèse qu’en cas d’exposition à des facteurs de stress intrinsèques, nous observerions une corrélation positive entre la dimension de peur et les performances d’apprentissage : les individus peureux seraient plus sensibles à l’effet potentiellement positif du stress intrinsèque sur les performances d’apprentissage. Au contraire, en cas d’exposition à des facteurs de stress extrinsèques, nous devrions retrouver une absence de corrélation ou une corrélation négative entre la peur et les performances d’apprentissage. Lors de la combinaison des deux types de stress, nous n’avions pas d’hypothèse a priori sur la nature de cette relation.

C. Méthodologie générale

Nous avons utilisé deux tâches d’apprentissage instrumental ne différant que par le type de renforcement utilisé, soit positif (récompense alimentaire), soit négatif (stimulations aversives

148 constituant des facteurs de stress intrinsèques). Afin que l’exposition à des stress extrinsèques sur les performances d’apprentissage soit comparable entre les tâches, il a fallu s’assurer que le niveau moyen de performances des animaux était équivalent en l’absence de stress extrinsèque entre les deux types de renforcements (positifs vs. négatifs).

La tâche consistait pour le cheval à apprendre à se déplacer dans l’un des deux compartiments, situés de part et d’autre de son point de départ, lorsqu’il recevait un signal visuel (une commande gestuelle) donné par un expérimentateur et qui consistait à pointer du doigt le compartiment en question, choisi aléatoirement à chaque nouvel essai. Au fil de l’apprentissage, la tâche était rendue de plus en plus complexe par l’utilisation de gestes de plus en plus discrets de la part de l’expérimentateur. Cette tâche diffère des tâches instrumentales précédemment utilisées (tâches du « reculer », de « l’évitement actif » et du « toucher un objet ») car lors d’expériences préliminaires, nous n’avons pas réussi à adapter l’une de ces précédentes tâches de telle sorte qu’elle puisse être utilisée aussi bien avec des renforcements positifs que négatifs et de telle sorte que les performances moyennes des individus ne diffèrent pas selon l’utilisation de renforcements négatifs ou positifs en l’absence de stress extrinsèque.

La moitié des chevaux étaient soumis en plus à de courtes expositions à des stress extrinsèques avant les sessions d’apprentissage et de manière répétée pendant ces sessions. Les procédures de stress étaient identiques à celles utilisées dans le cadre de l’article 2. Au final, quatre groupes de 15 chevaux ont été formés :

- Lot PR / NS: chevaux soumis à l’apprentissage d’une tâche basée sur l’utilisation de renforcements positifs (“PR”) en conditions non-stressantes (“NS”).

- Lot PR / S : chevaux soumis à l’apprentissage d’une tâche basée sur l’utilisation de renforcements positifs (“PR”) en conditions stressantes (“S”).

- Lot NR / NS : chevaux soumis à l’apprentissage d’une tâche basée sur l’utilisation de renforcements négatifs (“NR”) en conditions non-stressantes (“NS”).

- Lot NR / S : chevaux soumis à l’apprentissage d’une tâche basée sur l’utilisation de renforcements négatifs (“NR”) en conditions stressantes (“S”).

149