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4.2 Caractéristiques du patient et survie prothétique :

4.2.5 Discussion

Dans notre cohorte populationnelle de patients ayant reçu une PTH pour cause d’arthrose, les patients exposés aux BZD étaient plus à risque de révision que les patients non exposés, avec une relation de type dose-effet, indépendamment des autres facteurs de risque de révision prothétique. Les résultats après stratification sur le sexe, la catégorie d’âge, le secteur d’activité de l’hôpital implanteur, ou sur l’exposition aux antidépresseurs étaient similaires. Nous avons retrouvé cette association quelle que soit la classe de BZD, anxiolytiques ou hypnotiques, et un risque accru en cas d’exposition concomitante à ces 2 classes de BZD. C’est, à notre connaissance, la première fois qu’est étudiée l’association entre la révision prothétique et le niveau d’exposition aux BZD dans une cohorte populationnelle de patients arthrosiques, implantés par PTH.

L’outcome étudié était la révision prothétique à court-moyen terme dont les indications les plus fréquentes sont l’infection ostéoarticulaire, la luxation et la fracture, le plus souvent péri prothétique (115,127). L’un des effets indésirables connu des BZD est la sédation excessive, incluant des symptômes tels que la somnolence, les troubles de la concentration et de la vigilance, l’ataxie, la dysarthrie, la myasthénie, les vertiges et la confusion mentale.

Chez les sujets âgés, la sédation excessive est plus marquée et plus persistante : même consommées en soirée et à faible dosage, des BZD hypnotiques sédatives peuvent entrainer des états confusionnels aigus le lendemain (du fait d’un métabolisme ralenti chez les sujets âgés) ; certains auteurs ont également rapporté dans cette population vulnérable un risque accru de chute suite à la consommation de BZD (189,190). De précédents études ont montré l’association entre l’exposition aux BZD et le risque de fracture de la hanche (suite à une chute): l’exposition aux BZD est un facteur de risque de fracture de hanche, les HRa trouvés dans les différentes études étant de 1.2 à 1.4 (169,191,192). Etant donné ce résultat, il est raisonnable de faire l’hypothèse que chez les patients de notre cohorte implantés par PTH et exposés aux BZD, les BZD pourraient augmenter le risque de chute, du fait de leurs potentiels effets indésirables, pouvant conduire à une fracture de la PTH. Notre hypothèse est confirmée par les analyses complémentaires par cause de révision, que nous avons conduites, avec un HRa de

révision pour cause de fracture (de l’implant ou périprothétique) de 1.22 [1.08-1.37] chez les patients exposés aux BZD comparé aux patients non exposés aux BZD.

Concernant la mesure de l’exposition aux BZD, nous l’avons à baseline en terme de cDDDm. La DDD a été construite pour estimer la consommation spécifique par classe médicamenteuse per capita à partir de données de vente. C’est l’outil de mesure internationalement reconnu et utilisé pour agréger et / ou comparer les doses prescrites de médicaments de classe différentes, ce qui en fait également un outil de comparaison pertinent pour agréger les prescriptions des BZD de différentes classes (172,175,193).

Notre choix d’avoir étudié le niveau d’exposition aux BZD à baseline dans notre analyse principale peut également être discuté, dans la mesure où ce niveau d’exposition peut varier au cours du temps, en particulier après la pose d’une PTH. Néanmoins, nous avons estimé la cDDD moyenne chez les patients exposés à baseline (dans la fenêtre des +/-6mois autour de l’inclusion) et la cDDD moyenne chez les patients exposés durant le suivi et elles étaient très proches, respectivement 0.40 et 0.37. Nous avons également calculé le nombre moyen de délivrances annuelles de BZD pour les patients exposés à baseline et les patients exposés au court du suivi : ils ont reçu respectivement 5 et 4 délivrances annuelles en moyenne.

Ceci suggère que l’exposition aux BZD à baseline et l’exposition aux BZD durant le suivi sont très semblables (l’exposition aux BZD à baseline est un reflet de l’exposition aux BZD). Par ailleurs, les analyses de sensibilité dans lesquelles nous avons étudié l’exposition aux BZD en variable binaire fixe et en variable binaire dépendante du temps apportent des résultats consistants avec ceux de l’analyse principale.

Concernant la proportion de patients exposés aux BZD, nos résultats sont en accord avec ceux de la littérature disponibles pour les sujets âgés en France (168,194,195), avec environ un patient sur deux exposés, parmi les plus de 70 ans. Dans la même ligne, nous avons trouvé que 64.8% des patients exposés étaient des femmes, comparé aux 64.2% dans le dernier rapport de l’ANSM (195). La cDDD moyenne chez les patients exposés trouvée dans notre cohorte était supérieure à la cDDD moyenne observée dans la population générale ; ce qui peut s’expliquer

par le fait que les patients de notre étude souffrent d’arthrose, sont plus âgés et majoritairement de sexe féminin, le sexe et l’âge étant associés à l’exposition aux BZD (168).

Le taux cumulé de révision prothétique de 3.7% à 45 mois de suivi médian est conforme aux données publiées des registres internationaux (99–101,103,115,122). Nos résultats concernant les autres covariables concordent également avec ceux de la littérature : un âge jeune (50,118,196,197), le sexe masculin (103,118), l’obésité morbide (198), un ancrage non cimenté (50,199), un couple de frottement MoM (199) sont des facteurs de risque de révision prothétique. L’implantation par un chirurgien avec un faible niveau d’activité a également été retrouvé comme un facteur de risque de révision prothétique (200–202) ; nous avons retrouvé le même résultat avec le volume d’activité de l’hôpital comme proxy de celui des chirurgiens.

Nos résultats concernant l’exposition aux corticoïdes oraux est également en accord avec de précédentes publications : plusieurs études ont trouvé que les patients exposés de manière chronique aux corticoïdes oraux étaient plus à risque de ré-admission, d’échec d’implantation et d’infection post-implantatoire (203–208).

Comme toutes les études utilisant les bases medico-administratives de remboursement de consommation de soin, l’exposition aux BZD est déduite des prescriptions remboursées et non d’une consommation effective de ces médicaments. Néanmoins, lorsque les prescriptions sont renouvelées, il est raisonnable de penser que les médicaments ont été consommés et nous avons utilisé une fenêtre de temps de +/- 6 mois autour de l’inclusion pour pouvoir capter les renouvellements de prescriptions. Par ailleurs, le biais éventuel de classement est non différentiel et conduit par conséquent à une simple perte de puissance.

Du fait de caractéristiques prothétiques qui étaient manquantes, nous avons exclu 2 657 sujets (1.1%) des analyses. Dans ce groupe, le taux cumulé de révision était de 3.8% et le taux d’exposition aux BZD de 51.6%, ce qui est comparable aux taux dans notre cohorte analysée. L’exclusion de ces 2 567 patients n’a probablement pas affecté les associations que nous avons observées. Enfin, on peut noter que bien que les coûts directs liés à la consommation de BZD ne semble pas être une priorité économique, leur possible mésusage et/ou sur-utilisation conduit

peut-être à des coûts indirects importants. Ce n’est pas l’objet de notre travail, mais des études médico-économiques pourraient s’y intéresser.