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Dimension socio- professionnelle: Aider les étudiants à trouver du sens, les accompagner, respects des questions d'éthique, adopter une attitude réflexive etc

Dans le document L'enseignant universitaire (Page 78-84)

L’IDENTITE PROFESSIONNELLE DE L’ENSEIGNANT

3- Dimension socio- professionnelle: Aider les étudiants à trouver du sens, les accompagner, respects des questions d'éthique, adopter une attitude réflexive etc

Mais qu'en est-il réellement de la socialisation à l'enseignement?

Dans de nombreux pays pour ne pas dire la quasi-totalité, il n'existe aucune socialisation à l'enseignement. Une fois recruté, après l'obtention du diplôme de doctorat13, l'enseignant chercheur est directement versé dans l'enseignement. Le nouveau recruté aborde l'enseignement en solitaire et c'est sur la base d'un travail d'interprétation constant des expériences quotidiennes personnelles que s'élabore sa socialisation et s'édifie son identité. Il est contraint à négocier son identité à partir des situations concrètes d'exercice de son métier. En d'autres termes, sa socialisation se « nourrit » en quelque sorte de ses expériences et des interactions produites dans le contexte du travail. Ici, le vécu subjectif et les contraintes institutionnelles se conjuguent. La situation vécue en classe est productrice de sens, ce qui pousse l'enseignant à adopter une posture réflexive pour questionner sa pratique. Un cours réussi (satisfaction des étudiants par exemple) influe positivement sur l'image et l'estime de soi et contribue incontestablement à l’émergence, comme nous l'avons mentionné, une identité d'autonomie.

C’est au cours de cette socialisation qu’apparaissent certaines difficultés pour l’enseignant. En effet, celui-ci se trouve en face des étudiants auxquels il doit transmettre un savoir et devant lesquels il doit faire preuve de maîtrise. Dans de telles situations, l’enseignant recourt à des attitudes et à des méthodes pédagogiques que lui-même a vécues quand il était étudiant (tache as tought). La trajectoire scolaire et universitaire détermine fortement la posture professionnelle au moment de son

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enseignement. L'isomorphisme ou ce que l'on peut désigner sous le concept d'hérédité pédagogique- c'est à dire qu'un modèle pédagogique est transmis par imitation, par identification- constitue pour l'enseignant un processus et une stratégie lui permettant d'une part de mener sa tâche et de construire les bases de son identité future d'autre part. A ce sujet Fave-Bonnet M.F (in Bourdoncle R. et Demailly L 1998 p.433) avance « La socialisation au métier d’enseignant est beaucoup plus rude : le nouveau recruté se trouve du jour au lendemain devant des étudiants, sans possibilité d’identification progressive au rôle. La seule issue possible est de reproduire les pratiques vécues en tant qu’étudiant… ».

Ainsi, les premières années pour ne pas dire les premières séances constituent des moments importants dans la socialisation, dans l'histoire professionnelle et dans le développement identitaire du nouveau recruté. Pour Boutin (Cité par Cattonnar B. 2001 P 18) Les premières années sont déterminantes dans l'édification du soi personnel aussi bien que professionnel. On peut parler ainsi d'une « auto socialisation » dans la mesure ou l'enseignant aborde son métier en solitaire sans aucune médiation institutionnelle soit elle ou collégiale. A partir d'une recherche s'étalant sur trois moments de la trajectoire professionnelle des enseignants en sciences de l'éducation à l'université du Québec, Thérèse Hamèle et Annie Pilote14, dont nous reprenons les différentes conclusions, relèvent que la socialisation professionnelle des professeurs s'effectue selon un processus continu marqué par différents ancrages identitaires:

Pendant la préparation au métier

Socialisation au cours de la carrière

Socialisation de la relève.

Par ailleurs, elles soulignent que la socialisation s'effectue:

A travers l'interaction des individus avec l'institution et la société dans son ensemble

A travers une négociation de leur position à travers deux logiques: Les attentes de l'institution et le sens qu'ils accordent à leur travail.

En fonction des diverses logiques d'action (Dubet)

La provenance disciplinaire influence sur la pratique des futurs professeurs selon la culture scientifique du domaine

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Thérèse Hamel et Annie Pilote sont respectivement professeure et chercheure associée à la faculté des sciences de l'éducation à l'université du Québec ; Document en ligne.

Des relations de collaborations significatives répondant à des besoins d'appartenance à un collectif animé par des projets communs

Les systèmes de promotions et de subventions de la recherche, de même que leur interrelation exercent beaucoup de pression sur les professeurs.

La socialisation de la relève est généralement en continuité avec les expériences positives vécues lors de la préparation au métier

* La socialisation de la relève renvoie à la vision d'avenir de la profession

Les individus socialisés à la recherche de manière précoce tendent à offrir le même type d'encadrement à leurs étudiants.

6-2-3-1 La socialisation à la recherche.

La recherche constitue une matrice de socialisation déterminante du métier d'enseignant.-recherche. Elle influe sur les représentations des enseignants-chercheurs et structure leur mode de travail. Elle est conçue; par ailleurs, comme un instrument de promotion qui confère à l'enseignant-chercheur une notoriété et lui permet de gravir les grades universitaires. La valorisation de la recherche au détriment de l'activité pédagogique, comme nous l'avons déjà souligné ne manquerait de structurer le travail à l'université et pousse les acteurs à adopter des postures leur permettant de gravir les échelons dans la hiérarchie universitaire, et parfois dépenser peu ou moins d'énergie pour la préparation des cours, pour effectuer des actions d'innovations etc.

Selon Fave- Bonnet M.F.la socialisation au métier de chercheur se construit généralement pendant les années de préparation à la thèse. S'inspirant des travaux de Dubar C. et de Bourdieu, l'auteur avance « L'identification au directeur de thèse, et, dans le meilleur des cas, aux membres du laboratoires est un des mécanismes de construction de cette identité professionnelle, par identification à une personne et à un "groupe de référence" auquel le thésard souhaite appartenir dans l'avenir » (in Bourdoncle R et Demailly L, 1998).

La préparation de la thèse joue un rôle capital dans cette socialisation dans le sens où« Le moment de la thèse, première étape incontournable, peut être défini comme un parcours initiatique dans la mesure où d'une part, c'est souvent une période où l'on vit un peu à l'écart, où l'on apprend à penser et réfléchir différemment, et d'autre part initiatique dans la mesure où c'est également le moment où l'on découvre le système universitaire, ses rouages, ses valeurs, ses normes, ses procédures ses règles formelles et informelles ». (Viry 2005 p.77).

La thèse, qui n'est pas en réalité une fin en soi revêt une valeur symbolique car elle permet la réalisation d'une ambition professionnelle et renforce l'estime de soi notamment grâce aux regards des autres et aux marques de reconnaissances prodiguées par autrui.

Les écoles doctorales peuvent être également considérées comme des espaces de formation initiale au métier de chercheur. Elles constituent des espaces d'accompagnement des doctorants et leur offrent des opportunités d'échange entre pairs d'une part et de rencontrer des spécialistes du domaine qui les aident à acquérir des compétences indispensables au métier d'autre part.

6-3 L’identité des enseignants universitaires.

La profession enseignante connaît une grande diversité de situations et il en ressort plusieurs critères pour définir les enseignants du supérieur. D’ailleurs, les organisations internationales reconnaissent aux pays le droit de définir les enseignants du supérieur en fonction de ce qui leur semble adéquat. De ce fait, la définition de l’enseignement et de l’enseignant du supérieur varie d’un pays à un autre. Ainsi, il est possible de définir l’enseignement supérieur à partir :

- Des fonctions exercées :

Enseigner et faire de la recherche constituent en effet la spécificité des enseignants du supérieur et les distingue des autres niveaux de l’enseignement. Les enseignants se livrant à cette double activité sont désignés en France et en Grèce et également en Algérie « d’enseignants chercheurs ». Toutefois sont exclus de cette catégorie tous ceux qui se livrent à une seule activité c'est-à-dire soit l’enseignement, soit la recherche.

- Du statut ou du corps d’appartenance :

Il existe une diversité de statuts du personnel de l’enseignement supérieur liée généralement au diplôme de l'enseignant et à son parcours professionnel. L'identité de chaque enseignant s'ancre dans son statut et qui constitue, par ailleurs, un élément de valorisation, de reconnaissance et de fierté.

Dans la lignée des travaux de Sainsaulieu R. (1988) et Dubar C. (1991, 2000) sur l'identité professionnelle, on peut concevoir que s'il existe des points communs au niveau identitaire à la catégorie socio-professionnelle des enseignants, il existe aussi des dimensions qui sont davantage liées au statut qu'occupe l'enseignant au niveau de son établissement. On peut ainsi supposer qu'à l'université les représentations qui

sous-tendent les dimensions identitaires (estime de soi, reconnaissance par autrui, prestige etc.) peuvent être différentes d'un corps à un autre. Ces identités différenciatrices sont repérables lors du passage, par exemple, du grade de chargé de cours à un rang magistral. Ce passage est accompagné, selon nous, d'importantes recompositions identitaires. De ce fait, chaque enseignant a sa manière de se définir en tant que « enseignant » Les travaux de Blin (1997), ainsi que la prise en compte des processus de construction identitaire (identisation, identification) nous laisse supposer l'existence « d'un noyau central et d'éléments périphériques » qui structurent la représentation de soi et du travail. Plus on est on s'élève dans la hiérarchie plus on s'estime digne de plus de considération. Il est courant de rencontrer des enseignants chercheurs généralement de rang magistral mettre en avant leur statut ou leur diplôme afin de négocier des espaces ou pour asseoir leurs revendications ou même refuser de s'investir dans certaines tâches (surveillances, CP...) car considérées comme tâches réservées aux chargés de cours. L'élévation dans le grade met donc les enseignants en meilleure position pour la quête du pouvoir et de la reconnaissance .A ce propos, Bourdieu P. (1984 P.20) et concernant les enseignants chercheurs français note « On va ainsi par degré d'objectivation et d'officialités décroissants, de l'ensemble des titres mis en avant dans l'auto-présentation (par exemple sur les papiers … lettres officielles, les cartes d'identité, les cartes de visites etc.) comme l'appartenance universitaire ( professeur à la Sorbonne"), les positions de pouvoir (doyen)..." et enfin tous les indices, souvent insaisissables pour l'étranger, qui définissent ce que l'on appelle" le prestige" c'est-à-dire la position dans les hiérarchies intellectuelles ou scientifiques ».

Par ailleurs, on peut définir ou saisir l’identité de l’enseignant du supérieur à partir de ce qui le différencie par rapport aux autres enseignants :

1- Mode de recrutement.

2- L’autonomie et la liberté académique 3- La qualification

4- Les conditions de travail 5- Participation à la recherche

6-4 La construction de l’identité professionnelle des enseignants-chercheurs S'il est admis que les identités professionnelles des enseignants se construisent principalement lors de la période de formation et au début de carrière, on peut même dire que l'identité professionnelle enseignante commence bien avant l'entrée dans la carrière : en effet, comme le souligne Viry L., on ne devient pas enseignant-chercheur par hasard, il y a tout un travail à faire et beaucoup d'obstacles à franchir. L'engagement dans le travail d'une thèse, la préparation du dossier de candidature pour un poste d'enseignant constituent une « marche vers l'université » et peuvent être interprétés comme une anticipation professionnelle corrélée à une identité enseignante.

Dans une recherche sur les sociologues, Piriou O. (op. cit. p. 119) avance : « on peut, au terme d'un cursus universitaire, s'identifier à un métier, c'est-à-dire une correspondance entre son activité et l'image qu'on se fait du métier auquel on a été formé ». Elle souligne par ailleurs que l'identification à la sociologie s'effectue selon deux modes : Le premier est d'ordre culturel et donne l'image de l'intellectuel, le second est plutôt d'ordre professionnel et qui fait ressortir une correspondance entre le titre universitaire et l'emploi occupé.

L'identité professionnelle des universitaires selon de nombreux chercheurs (Musselin C. et Freiberg 2002, Marie-Françoise F.B.1994, Faure S.et Soulié C. 2005) se construit autour de la discipline. Cette dernière constitue « le noyau central » ou la référence majeure autour de laquelle se structure l'activité professionnelle. Ainsi, comme nous l'avons déjà mentionné dans le chapitre II, enseigner à l'université c'est tout d'abord rencontrer une discipline.

Les travaux menés sur certains enseignants-chercheurs (Musselin et Friedberg, 1998) ont permis de constater que les universitaires allemands se définissent par rapport à l'organisation (définition par rapport au grade et à l'établissement dans laquelle ils travaillent) alors que leurs homologues Français font référence à leur appartenance disciplinaire. C'est en ce sens que Pierre Ribard (cité par Dubar 1991) parle du modèle du physicien pour définir une profession axée sur la discipline: « L'identification principale est celle de l'individu à sa réputation au sein de la communauté disciplinaire. C'est la reconnaissance par les pairs qui est recherchée avant tout, et l'engagement professionnel est fortement conditionné par l'espoir d'un accroissement de cette reconnaissance souvent enracinée dans une conception de la vocation. La stratégie professionnelle est celle de l'accumulation des savoirs et la lutte pour le maintien de la

rareté de la formation ». (Fave-Bonnet, in Bourdoncle et Demailly, p. 435) Des études sur les étudiants ont montré la discipline suivie peut apparaître comme une matrice de socialisation (Lahire, 1999) .Le rapport identitaire et intime (Develay M., 1994) que nous entretenons avec notre savoir constitue un paramètre de définition de soi par soi et par les autres : on est, ou on s'appelle médecin parce que nous avons assimilé un savoir se rapportant à la médecine.

Dans une recherche menée sur les professeurs des universités québécois (Bertrand D. et Foucher R., op. cit. p. 369), il ressort que les professeurs québécois se définissent de différentes façons : 48% se considèrent comme enseignants et chercheurs, 28% comme enseignants, chercheurs, 8% comme chercheurs, 6% comme enseignants et 7% comme enseignants et gestionnaires.

S'interrogeant sur les fondements de l'identité professionnelle des enseignants-chercheurs Fave-Bonnet conclut que l'identité est façonnée par :

Dans le document L'enseignant universitaire (Page 78-84)