Chapitre V - Les indicateurs de la sécurité alimentaire
V. Dimension accès
Le concept d’accès se situe entre les concepts de disponibilité et d’utilisation. Pour l’accès à une
nourriture suffisante, saine et nutritive, la disponibilité de nourriture est nécessaire mais pas suffisante
et par conséquent, l’accès est nécessaire mais pas suffisant pour garantir une utilisation efficace des
aliments disponibles (Webb, 2004).
L’accès est ainsi étroitement lié aux concepts des sciences sociales qui étudient le bien-être des
individus et des ménages et, en tant que concept multidimensionnel, son estimation s’avère beaucoup
plus compliquée par rapport à l’évaluation de la disponibilité de nourriture (Barrett 2010, Webb
2006).
En effet, Amartya Sen (1981) a clairement illustré que la sous-alimentation est la caractéristique des
personnes n’ayant pas assez de quoi manger et ainsi ce n’est pas la caractéristique de leur être « pas
assez de quoi manger ». L’être « pas assez de quoi manger » peut être certainement une cause de
l’avoir « pas assez de quoi manger », mais cela n’est qu’une des nombreuses causes. L’auteur
explique (1981) que si la pauvreté peut exister sans causer forcement de la sous-nutrition, par contre
l’émergence de la sous-nutrition implique toujours un certain niveau, même minimum, de pauvreté
atteinte. Il est ainsi évident que l’accès est un concept constitué par plusieurs dimensions qui affectent
la sécurité alimentaire des individus et des ménages et que la relation entre disponibilité alimentaire et
sous-alimentation demande des approfondissements majeurs.
Si on amène une réflexion sur les inégalités de la distribution alimentaire, entre et parmi les ménages,
et si on considère tous les aspects socioculturels contraignants qui sont liés à l’alimentation, comme
les préférences de goût et les valeurs traditionnelles, le concept d’accès peut être conçu comme le
En outre, l’accès est pris en compte lorsqu’on veut étudier les problèmes des personnes qui doivent
faire face aux chocs économiques tels que les périodes de chômage, la hausse des prix alimentaires et
la perte des moyens de subsistance et de production au sein du foyer. Une complète interprétation du
concept d’accès à l’alimentation rend claire l’existence de relations d’interdépendances entre la
sécurité alimentaire, la pauvreté et la privation des droits au niveau social, économique et politique
(Barrett, 2010).
Les revenus potentiels et réels, les dépenses, les prêts et les transferts de fonds ainsi que le commerce
et les systèmes de marché, fournissent des informations sur la façon dont les ménages ont accès à
l’alimentation. Les spécificités des marchés, les prix alimentaires et le pouvoir d’achat lié aux
possibilités d'emploi et aux niveaux de vie, influencent la capacité d’accéder à une alimentation
adéquate. En outre, les stratégies d'adaptation peuvent être un mécanisme important pour répondre aux
besoins alimentaires. Les indicateurs d'accès à l’alimentation sont utiles pour évaluer l’état de la
sécurité alimentaire au niveau des ménages ou des individus (ACF, 2010).
1. Les indicateurs d’accès du projet FANTA.
Echelle de l’Accès déterminant l’Insécurité alimentaire des Ménages
L’indicateur dérive d’une adaptation de l’approche utilisée pour estimer annuellement la prévalence
de l’insécurité alimentaire aux Etats-Unis sur une base annuelle. Cette méthode repose sur l’idée que
l’insécurité alimentaire (en termes d’accès) entraîne des réactions et des réponses prévisibles pouvant
être saisies et quantifiées par le biais d’une enquête et puis récapitulées sur une échelle. La recherche
qualitative menée auprès des personnes à faibles revenus aux Etats-Unis, montre que les personnes
peuvent éprouver l’insécurité alimentaire de la façon suivante (Radimer et al., 1990, Radimer et al.,
1992, Wehler et al., 1992, Hamilton, 1997) :
sentir une incertitude ou angoisse en ce qui concerne la nourriture (situation, ressources ou
approvisionnement) ;
percevoir que la nourriture est en quantité insuffisante (pour les adultes et les enfants);
percevoir que la nourriture est de qualité insuffisante (notamment diversité alimentaire, niveau
nutritionnel, préférence) ;
indiquer des réductions d’apport alimentaire (pour les adultes et les enfants) ;
indiquer les conséquences des apports alimentaires réduits (pour les adultes et les enfants)
ressentir de la honte lorsqu’il faut avoir recours à des moyens inacceptables du point de vue
social pour obtenir de la nourriture.
Revenu du foyer
C’est la mesure la plus directe pour évaluer les revenus et elle est très précise (en considérant toute
source de revenu, pour tout membre du ménage, correction par rapport aux prix alimentaires en
ajustant par l’inflation en accord avec l’indice des prix à la consommation). En revanche, elle est très
coûteuse, à cause de la collecte directe des informations et des données, des difficultés techniques
d’analyse et de la longue durée du travail (Food Access Indicator Review. Washington, D.C.: Food
and Nutrition Technical Assistance, Academy for Educational Development, 2003).
Dépenses du ménage pour des produits spécifiques
Par expérience, il a été constaté une grande facilité à acquérir des informations sur les dépenses des
ménages pour des produits spécifiques, plutôt que d’obtenir des informations sur les revenus totaux du
foyer. Le principe du fonctionnement de l’indicateur réside dans le type de corrélation entre les
dépenses pour un produit (ou un panier limité) et le revenu familial. Si la corrélation est directe les
dépenses spécifiques pourront être utilisées en tant que proxy du revenu du ménage.
Dans les groupes à revenu élevé, on vérifie une corrélation positive entre le niveau des dépenses et le
niveau de revenu du ménage pour les produits alimentaires de luxe, les services de la santé et les
carburants. Par contre, cette corrélation ne se vérifie pas au sein des groupes à faible revenu. En fait,
ces derniers groupes dépensent leurs ressources économiques surtout pour des aliments de base. Ainsi
une éventuelle augmentation de leur revenu se traduit par une hausse de la consommation des biens de
base et pas dans la consommation des biens alimentaires de luxe. Chez les groupes à haut revenu, une
augmentation des ressources se traduit dans une hausse de la consommation des produits de luxe
(FANTA, 2003).
Score de Diversité alimentaire des Ménages pour la mesure de l’accès alimentaire des ménages
(SDAM)
Une augmentation du nombre moyen des différents groupes alimentaires consommés nous fournit une
mesure quantifiable de l’accès alimentaire amélioré du ménage. En général, toute augmentation dans
la diversité alimentaire du ménage reflète une amélioration du régime alimentaire du ménage. Le score
SDAM est axé sur le résultat souhaité d’un meilleur accès alimentaire-amélioration de la
consommation alimentaire par les ménages (Swindale et Bilinsky, 2006). Le score SDAM (HDDS
dans la version en anglais) n’a pas une cible spécifique et il est utilisable pour tout groupe de
population. Les ménages montrant des faibles scores SDAM et FCS ont une majeure tendance à se
situer dans les quintiles les plus bas de pauvreté. L’organisation standardisée des groupes d’aliments a
été proposée pour le score SDAM et pour le score de diversité alimentaire individuel (IDDS) par
le FANTA et la FAO.
Revenu et accès à l’alimentation (Income and Food Access, IFA)
Cet indicateur est directement lié à l’accès du foyer à l’alimentation. L’accès économique à
l’alimentation est considéré comme la contrainte principale de la sécurité alimentaire en Palestine
(Mane, Alinovi and Sacco, 2007; Abuelhaj, in press). Cette étude ajoute au revenu du foyer, indicateur
traditionnel pour l’accès à l’alimentation, deux indicateurs additionnels : le « score de diversité de la
diète et de la fréquence alimentaire » (DD) comme indicateur nutritionnel, et l’« Echelle de l’Accès
déterminant l’Insécurité alimentaire des Ménages » (HFIAS) comme indicateur de la perception de
l’insécurité alimentaire.
L’estimation de l’IFA comprend l’utilisation de trois variables :
Revenu moyen journalier per capita ($/personne/jour)
DD, qui établit un score de la consommation de 20 aliments différents dans la semaine
(Hoddinott and Yohannes, 2002).
HFIAS (acronyme anglophone pour « Echelle de l’Accès déterminant l’Insécurité alimentaire
des Ménages), indicateur de la perception de la sécurité alimentaire du ménage (Coates,
Swindale and Bilinsky, 2006)
53.
Les Scores de la Diversité Alimentaire - (Dietary Diversity, DD)
L’indicateur de la diversité alimentaire « DD », met en relation l’apport nutritionnel adéquat (qui
consiste dans la couverture des besoins alimentaires de base en termes de macro et de
micronutriments) avec l’équilibre de la diversité alimentaire, deux parmi les principaux éléments de la
qualité alimentaire.
La DD est calculée en utilisant des méthodologies d’enquêtes (questionnaires) spécifiques
d’évaluation de la sécurité alimentaire appliquées à la consommation, pendant une semaine,
considérant un nombre de groupes alimentaires variant entre 5 et 14. L’assemblage des groupes
alimentaires sera effectué par rapport aux objectifs de la recherche, aussi en lien avec les
caractéristiques principales que l’on veut attribuer à la diète de référence. Généralement, l’attention est
focalisée sur les aliments énergétiquement denses et ceux riches en micronutriments.
On peut aussi utiliser la DD comme indicateur proxy pour l’accès (Hoddinott and Yohannes, 2002).
Cet indicateur peut être utilisé pour exprimer l’ingestion de nutriments essentiels au niveau du
ménage, mesurée soit par le Score de Diversité Alimentaire des Ménages (SDAM ou Household
Dietary Diversity Score - HDDS) soit par le Score de la Consommation Alimentaire (Food
Consumption Score - FCS), ou bien mesuré par un score de diversité alimentaire individuel
(Individual Dietary Diversity Score - IDDS) au niveau individuel. La diversité alimentaire
normalement augmente parallèlement avec le revenu et le niveau de santé.
Le questionnaire de la diversité alimentaire est un simple comptage des groupes d'aliments
consommés la veille, par un foyer ou un individu. Ceci permet également d'établir le pourcentage de
foyers ou d'individus ayant consommé certains types spécifiques d'aliments, comme des fruits riches
en vitamines A ou des légumes.
En tant qu’indicateurs de la sécurité et de la qualité alimentaire, ils peuvent être associés directement à
l’objectif 1 du OMD (éradiquer la pauvreté et la faim extrêmes) et peuvent contribuer à
l’accomplissement des objectifs 4, 5 et 6 (Réduire la mortalité infantile ; améliorer la santé maternelle;
Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et les autres maladies).
Ils peuvent être utilisés dans tout système d’information sur la nutrition au niveau régional et national.
Ils sont à la base d’un système de veille et permettent de cibler des interventions. Ils sont utilisables
dans les programmes pour améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition des populations. Ils
nécessitent d’être standardisés pour être utilisés au niveau global. Il est important qu’ils soient utilisés
ensemble car ils expriment seulement une partie des composantes de la sécurité alimentaire et
nutritionnelle. Il est démontré que les scores DD sont étroitement liés aux caractéristiques
socioéconomiques des ménages et des individus.
La DD est mesurée par différents scores qui sont obtenus grâce à des questionnaires auprès des
ménages.
qualitative auprès de personnes à faibles revenus aux Etats-Unis (Radimer et al., 1990, Radimer et al., 1992, Wehler et al., 1992, Hamilton, 1997) :
« - Sentir une incertitude ou angoisse en ce qui concerne la nourriture (situation, ressources ou approvisionnement) ;
- Percevoir que la nourriture est en quantité insuffisante (pour les adultes et les enfants) ;
- Percevoir que la nourriture est de qualité insuffisante (notamment diversité alimentaire, niveau nutritionnel, préférence) ;
- Indiquer des réductions d’apport alimentaire (pour les adultes et les enfants) ;
- Indiquer les conséquences des apports alimentaires réduits (pour les adultes et les enfants) ;
- Ressentir de la honte lorsqu’il faut avoir recours à des moyens inacceptables du point de vue social pour obtenir de la nourriture » (Coates, Swindale et Bilinsky, 2007).