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Chapitre I. Physique des traînées de condensation

I.1 Mécanismes de dilution du panache

I.1.4 La dilution du panache

Comme nous l’avons vu, la dispersion des effluents dans le sillage d’un avion s’effectue selon un processus dynamique tridimensionnel complexe impliquant des interactions entre le jet, les tourbillons de sillage et l’atmosphère ambiante. Cependant, l’état de développement du panache peut être caractérisé de manière simple par une grandeur mesurant son niveau de dispersion global dans l’atmosphère. La caractérisation de la dispersion des effluents, également appelé la dilution du panache, fournit alors un outil précieux pour situer son état de dispersion.

Cette grandeur est appelée le taux de dilution et mesure à un instant donné la masse d’air ambiant qui est mélangée aux effluents issus de la combustion du carburant, pour former le panache. Elle est donc définit par :

𝑅𝑝𝑎𝑛 =𝑚𝑝𝑎𝑛

𝑚𝑐𝑎𝑟 (I.1.6)

Avec 𝑚𝑝𝑎𝑛 la masse du panache et 𝑚𝑐𝑎𝑟 la masse de carburant consommée. 𝑅𝑝𝑎𝑛 augmente donc à mesure que le panache se dilue dans l’atmosphère.

Dans le but de déterminer 𝑅𝑝𝑎𝑛 à partir de données mesurables en vol, Schumann et al. [1998] montrent qu’il peut être estimé à partir de l'écart entre la température du panache et celle de l'atmosphère ambiante Δ𝑇, ou encore, à partir du diamètre du panache 𝐷.

𝑅𝑝𝑎𝑛 =𝑐𝑝 Δ𝑇 𝑄𝑇 =

𝜋 𝜌 𝑉 𝐷2

4 𝑚̇𝑐𝑎𝑟 (I.1.7)

Avec :

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- 𝑄𝑇 le pouvoir calorifique chauffant du carburant ; - 𝜌 la masse volumique du panache ;

- 𝑚̇𝑐𝑎𝑟 la consommation massique du carburant.

𝑄𝑇 représente une partie du pouvoir calorifique 𝑄 du carburant. Elle correspond à l'énergie thermique dégagée par la combustion. La partie restante, appelée pouvoir calorifique effectif du carburant 𝑄𝑝, correspond à celle transformée en énergie mécanique, permettant de propulser l’avion. Nous pouvons donc écrire :

𝑄𝑇 = 𝑄 − 𝑄𝑝 (I.1.8)

Le pouvoir calorifique du kérosène vaut 𝑄 = (43,2 ± 0,2) ⋅ 106 J ⋅ kg−1 pour le kérosène Jet A-1 classique, utilisé dans les avions commerciaux. 𝑄𝑝 peut être calculé en connaissant l’efficacité de propulsion 𝜂 selon :

𝑄𝑝 = 𝜂𝑄 (I.1.9)

L’efficacité de propulsion est propre à chaque moteur, et dépend également du régime de celui-ci. Elle peut être déduite des paramètres du moteur (voir Annexe 1).

Pour les moteurs modernes, il est usuel de prendre 𝜂 ≈ 0,3 en régime de croisière [Schumann et al., 1998]. En combinant les relations (I.1.8) et (I.1.9), 𝑄𝑇 se calcule comme :

𝑄𝑇 = (1 − 𝜂)𝑄 (I.1.10)

Le calcul du taux de dilution du panache à partir des températures s’écrit alors :

𝑅𝑝𝑎𝑛 = 𝑐𝑝 Δ𝑇

(1 − 𝜂)𝑄 (I.1.11)

L’utilisation du taux de dilution pour caractériser un panache est intéressante car elle renvoie des valeurs identiques à un instant donné pour des panaches produits par des avions différents. Autrement dit, le taux de dilution permet de caractériser un panache, indépendamment de l’avion dont il est issu. Cette propriété en fait un outil de choix pour situer l’état de dispersion d’un panache quelconque.

27 Une autre méthode permettant de caractériser la dispersion des effluents consiste à évaluer le facteur de dilution 𝑑 à partir de la concentration d’une espèce du panache. 𝑑 resprésente la concentration de l’espèce à un instant donné dans le panache, par rapport à sa concentration initiale à la sortie de la tuyère. Ainsi, le facteur de dilution d'une espèce 𝑖 est défini par :

𝑑 = 𝑚𝑝𝑎𝑛

𝑖 − 𝑚𝑎𝑚𝑏𝑖

𝑚𝑚𝑜𝑡𝑖 − 𝑚𝑎𝑚𝑏𝑖 (I.1.12)

Avec :

- 𝑚𝑝𝑎𝑛𝑖 la concentration de l’espèce 𝑖 dans le panache à l’instant 𝑡 ; - 𝑚𝑎𝑚𝑏𝑖 la concentration de l’espèce 𝑖 dans l’air ambiant ;

- 𝑚𝑚𝑜𝑡𝑖 la concentration de l’espèce 𝑖 en sortie de tuyère.

Contrairement au taux de dilution, le facteur de dilution diminue à mesure que le panache se dilue dans l’atmosphère.

Bien qu’extrêmement simple à évaluer, cette grandeur présente l’inconvénient de dépendre de la richesse dans la chambre de combustion et du taux de dilution du moteur. La richesse correspond au rapport de mélange entre le comburant, ici l’air, et le carburant. Quant au taux de dilution du moteur, il s’agit du rapport entre les débits primaire et secondaire en sortie du moteur pour les réacteurs double flux équipant les avions modernes. Or la richesse et le taux de dilution sont des caractéristiques spécifiques au moteur et au régime de vol. Le facteur de dilution ne permet donc pas de comparer rigoureusement deux panaches d’avion quelconques.

Le facteur et le taux de dilution d’un panache sont liés par la relation suivante :

𝑑 = 𝑅𝑝𝑎𝑛,𝑠𝑜𝑟

𝑅𝑝𝑎𝑛 (I.1.13)

Avec 𝑅𝑝𝑎𝑛,𝑠𝑜𝑟 le taux de dilution du panache en sortie de moteur qui vaut pour les turbopropulseurs d’avion entre 50 et 70.

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La Figure 17 reporte les taux de dilution déduits de mesures in situ sur plus de 70 panaches différents issus d’une large variété d’avions rencontrés dans l’espace aérien international. À partir de ces mesures, une expression empirique donnant l'évolution du taux de dilution en fonction du temps a été établie par Schumann et al. [1998] :

𝑅𝑎 = 7000 (𝑡 𝑡0)

0,8

, 𝑡0 = 1 s (I.1.14)

Cette interpolation numérique apparaît sur la Figure 17 en point-traitillés et sert de référence dans l’étude des panaches d’avion. Selon l’auteur, l’écart maximal relevé par rapport à cette moyenne pour une mesure individuelle de taux de dilution est d’un facteur 5. Nous remarquons que les différences par rapport aux valeurs données par l’interpolation augmentent régulièrement avec l’âge du panache. D’après Schumann et al. [1998], ceci est notamment dû à la difficulté à localiser les pics de concentration dans un panache âgé en raison de son étirement spatial.

Concernant l’influence des conditions météorologiques sur la dilution, notamment dans le régime de diffusion (𝑡 > 1000 s), cette interpolation est valable pour une turbulence atmosphérique et un cisaillement du vent faibles, ainsi qu’une stratification stable. Il s’agit d’une raison pratique, des conditions plus extrêmes ne permettent en effet pas de mettre en œuvre les mesures in situ. Lorsque les conditions atmosphériques sont plus agitées, par exemple avec un cisaillement du vent plus important, il faut s’attendre à des taux de dispersion du panache plus importants. Les taux de dilution résultant seront alors considérablement plus élevés.

29 Figure 17 : Taux de dilution d’un échantillon de panaches obtenus à partir de différents

paramètres. La droite en traitillés correspond à l’interpolation des mesures donnée par Schumann et al. [1998].

L’interpolation de Schumann et al. [1998] est très utilisée dans les travaux requérant la modélisation d’un panache d’avion. Elle permet par exemple en première approximation de s’affranchir de simuler le développement d’un panache et d’utiliser à la place un panache modélisé à l’aide de ce taux de dilution moyen. Une autre utilisation de cette interpolation dans les travaux de modélisation consiste à comparer les valeurs de taux de dilution obtenues par les simulations numériques afin de vérifier la qualité de la simulation des processus de dispersion dans le panache. Sur la Figure 17, les résultats obtenus par les études numériques de Gerz et Ehret [1997] (la courbe en pointillés) se trouvent ainsi en accord avec l’interpolation numérique de Schumann et al. [1998].

Les deux courbes en traitillés apparaissant à 𝑡 < 1 s sont issues des travaux de simulation numérique de Garnier et al. [1997a] effectués pour deux types de moteurs : le CFM56 et le RB211. Elles montrent un écart notable avec les taux de dilution issus de l’interpolation. La raison de cette différence réside dans le fait qu’il s’agit de taux de dilution calculés numériquement au centre du jet. Les auteurs indiquent qu’au début du régime jet, lorsque les concentrations demeurent encore inhomogènes dans un plan transverse du panache, les taux de dilution relevés au centre du panache sont inférieurs à ceux relevés à sa périphérie.

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En effet, lorsque la turbulence du jet n’est pas encore pleinement développée dans tout le jet, l’intensité turbulente, et donc les taux de dispersion à la frontière du jet sont plus élevés qu’au centre du jet, du fait de la présence d’un cisaillement plus important [Dimotakis, 2000]. En somme, d’après Schumann et al. [1998], le taux de dilution local est une fonction croissante avec la distance radiale à partir du centre du jet. Il est donc normal que les taux de dilution calculés au centre du jet soit inférieur au taux de dilution moyen donné par l’interpolation numérique.

En résumé, bien que les mécanismes de dispersion d’un panache dans l’atmosphère soient issus d’un processus complexe, son état de dilution à un instant donné peut être caractérisé simplement par la valeur du taux de dilution. Ce dernier peut être évalué à partir des écarts de température entre le panache et l’air ambiant ou encore à partir du diamètre du panache. Il présente alors l’avantage de donner des valeurs indépendantes de l’avion qui produit le panache, ce qui permet de situer l’état de dispersion d’un panache quelconque.

L’interpolation numérique des taux de dilution de Schumann et al. [1998] constitue une référence pour caractériser la dilution des panaches d’avion. Dans cette thèse, elle sera très utile pour la vérification de la bonne simulation de la dilution du panache, par la comparaison des taux de dilution obtenus.

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