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Diffusion multiple de la lumière

9.1 Diffusion multiple de la lumière

Les méthodes optiques sont très utiles pour étudier les propriétés structurelles des milieux. Ainsi, dans les milieux dilués, il est possible d’utiliser des méthodes issues de la diffusion simple pour obtenir des informations sur la taille des particules, par exemple. Dans les milieux concentrés tels que les mousses, les théories de la diffusion simple ne sont plus applicables car la lumière est diffusée plus d’une fois par les parti-cules composant le milieu. Une technique dérivée de la diffusion simple de la lumière a été développée dans les années 90 et permet d’étudier la structure des milieux très diffusants. Cette technique s’appelle la diffusion multiple de la lumière, nous en pré-senterons deux version : la transmission diffuse de la lumière ou DTL (pour Diffusive Transmission Light) et la diffusion dynamique de la lumière ou DWS (pour Diffusive Wave Spectroscopy). Dans la diffusion multiple de la lumière, une grandeur importante est le libre parcours moyen de transport l?. Cette longueur correspond à la distance nécessaire pour qu’un photon n’ait plus aucune mémoire de sa direction de propagation initiale (Figure9.1).

Les mousses sont des milieux très diffusants car la lumière est réfléchie et réfractée par les multiples interfaces liquide/gaz. La diffusion multiple de la lumière est donc un bon outil pour étudier leur structure.

9.1.1 Libre parcours moyen de transport

En 2001, Vera et al. [73] ont montré que le libre parcours moyen de transport est proportionnel au rayon des bulles et décroît quand la fraction liquide croît. Les

Figure 9.1: Représentation du parcours d’un photon au travers un milieu diffusant. l? est le libre parcours moyen de transport et l la distance entre chaque particule diffusante.

auteurs ont réalisé des expériences au cours desquelles, ils ont mesuré l? pour différentes tailles de bulles, différentes fractions liquide mais également pour plusieurs épaisseurs de cellule. Ils montrent que le rapport entre l? et le diamètre des bulles D diminue lorsque la fraction liquide augmente. En considérant que la lumière est majoritairement diffusée par les bords de Plateau ce qui semble raisonnable puisqu’ils contiennent la plus grande partie du liquide, on peut écrire que :

l? 2R =

r 1

Or, d’après les expériences menées par Vera et al., les données semblent être bien décrites par l’équation empirique suivante :

l?

2R = 1.5 + 0.4

φ , (9.2)

ce qui peut signifier que la diffusion au niveau des vertex ou des films est non négli-geable. Une autre possibilité est que les photons n’ont pas une marche aléatoire dans les mousses. En 2003, Gittings et al. [27] se sont intéressés à cette dernière hypothèse et ont réalisé des expériences et simulations permettant de mettre en évidence le chemin parcouru par les photons dans la mousse. Ils montrent que les photons se trouvent principalement dans les bords de Plateau mais qu’ils possèdent une marche aléatoire uniquement à l’échelle locale. l? est plus grand dans le gaz que dans le liquide. Il semble donc qu’il y ait une corrélation entre la direction de propagation des photons et la structure locale de la mousse. Néanmoins, par la suite, nous utiliserons l’équation

9.1 comme beaucoup d’autres auteurs.

9.1.2 Transmission diffuse de la lumière

La transmission diffuse de la lumière ou DTL est une technique de diffusion de la lumière permettant d’étudier le mûrissement des mousses 3D. Dans cette technique, l’intensité transmise d’un laser collectée après le passage dans le milieu diffusant (Figure

9.2) est donnée par :

T = e1 + ze l? + 2ze

, (9.3)

où e est l’épaisseur du milieu diffusant traversée par le laser. Le paramètre ze est

Figure 9.2: Représentation de la transmission dynamique de la lumière. Le laser traverse la mousse et est diffusé par les interfaces. Un détecteur est situé de l’autre côté de la mousse.

déterminé à l’aide de la réflectivité en fonction de l’angle d’incidence du laser et dépend de la composition de l’échantillon et des plaques transparentes (taille et indice optique) confinant l’échantillon. Dans la limite e  l?

T ≈ l?

e ≈ R e√

φ. (9.4)

Cette limite est l’approximation de diffusion multiple et peut être utilisée lorsque les photons sont considérés comme des marcheurs aléatoires dont la longueur de pas est le libre parcours moyen de transport l?, ce qui donne lieu à un coefficient de diffusion D = cl3? où c est la vitesse de la lumière dans le milieu. Sachant que l? est donné par

9.2. ÉVOLUTION DE LA TAILLE MOYENNE DES BULLES AU COURS DU TEMPS

DANS LE RÉGIME AUTO-SIMILAIRE 101

l’équation9.1, l’intensité transmise est proportionnelle à la taille moyenne des bulles et diminue lorsque la fraction liquide augmente. Ainsi en connaissant la fraction liquide, il est possible de déduire la taille des bulles et inversement. Cette technique est donc très utile pour regarder l’évolution de la taille des bulles au cours du temps et donc effectuer l’étude du mûrissement et des lois de croissance dans les mousses sèches et humides.

9.1.3 Diffusion dynamique de la lumière

La diffusion dynamique de la lumière ou DWS est une seconde technique de diffu-sion de la lumière permettant de mettre en évidence les réarrangements dans les milieux diffusants concentrés. Pour cela, ce n’est plus l’intensité transmise qui est utilisée mais la dynamique de l’intensité transmise ou rétrodiffusée. Les "speckles" sont un ensemble de taches dont l’intensité fluctue rapidement au cours du temps. Ils sont dus à la diffu-sion d’un faisceau cohérent, tel qu’un laser, à travers un milieu composé de nombreuses particules diffusantes. En effet, les déplacements dans le milieu, par exemple des bulles dans une mousse, entraînent des fluctuations (temporelles et spatiales) de ces speckles. Cette technique est mise en œuvre pour étudier les réarrangements T1 et T2 dans la mousse. La DWS peut être réalisée en transmission, ce qui permet d’avoir des informa-tions sur le volume ou en rétrodiffusion, ce qui permet d’obtenir des informainforma-tions sur la mousse proche des parois.

9.1.4 Conditions nécessaires pour la diffusion multiple de la

lumière

Comme nous l’avons vu précédemment, il est nécessaire d’être dans des conditions particulières afin de s’assurer que la lumière est suffisamment diffusée. En effet, en DWS, la principale condition est l’approximation dite de diffusion multiple. En 1993, Kaplan et al [38] ont déterminé expérimentalement qu’il était nécessaire d’avoir une cellule d’épaisseur e telle que e

l? > 10 pour que l’approximation de diffusion multiple soit valable. Pour déterminer cette valeur, ils ont mesuré l? pour différentes épaisseurs grâce à l’intensité transmise. Ils ont également déterminé l’épaisseur de la cellule en fonction de le diamètre du faisceau en mesurant l? pour différentes tailles de faisceaux laser et de cellules et ils ont montré que la taille du faisceau laser doit être au moins 5 fois plus petite que l’épaisseur de la cellule.

Nous avons réalisé un montage expérimental respectant ces conditions et nous utili-serons la transmission diffuse de la lumière pour étudier le mûrissement de mousses de différentes compositions chimiques. La technique de DWS est employée dans le mon-tage expérimental "Soft Matter Dynamics" de l’ISS que nous verrons dans le chapitre

11.

9.2 Évolution de la taille moyenne des bulles au cours

du temps dans le régime auto-similaire

De nombreuses études ont été réalisées dans les années 80-90 dans le domaine de la métallurgie afin de déterminer la vitesse de grossissement des domaines lors d’une séparation de phase. Il existe deux cas limites selon la densité des domaines. Le premier cas est obtenu dans la limite de domaines en contact les uns avec les autres, ce qui

est analogue à une mousse sèche. Le second cas est obtenu dans la limite de domaines sphériques, analogue à un liquide bulleux.

9.2.1 Loi de croissance dans une mousse sèche

Lors du mûrissement, la taille des bulles augmente ou diminue à cause de la loi de Laplace. En faisant l’hypothèse que cette augmentation ou diminution de volume est proportionnelle au flux de gaz qui diffuse au travers des films, on obtient :

u = k∆P (9.5)

où u = drdt est la vitesse de grossissement, k est une constante et ∆P la différence de la pression entre deux bulles. En utilisant la loi de Laplace, on a drdt1

r. L’intégration de cette équation permet d’obtenir la loi de croissance pour les mousses sèches :

hri ∝ t1/2 (9.6)

9.2.2 Loi de croissance dans un liquide bulleux (φ > φc)

Dans les liquides bulleux, il est possible d’utiliser la même méthode afin d’obtenir la loi de croissance des bulles. Il faut prendre en compte la présence d’un volume de liquide entre les bulles, ce qui revient à prendre en compte la diffusion de gaz dans le liquide grâce à la loi de Fick soit :

j = dN

Adt = D∇ci (9.7)

avec j le flux molaire, ci la concentration molaire de gaz dans le liquide, D le coefficient de diffusion et A la surface d’échange entre deux bulles. Grâce à la loi des gaz parfaits, il est possible d’écrire V1

m

dV dt = VA

m

dr

dt = DART d∆Pdr avec Vm le volume molaire. Comme précédemment, la différence de pression étant donnée par la loi de Laplace, on obtient :

dr dt ∝ d( 1 r) dr ∝ 1 r2 (9.8)

La loi de croissance pour les liquides bulleux est alors donnée par :

hri ∝ t1/3 (9.9)

On s’attend à ce que le changement d’exposant se produise au voisinage de φc.

9.2.3 Hypothèse d’autosimilarité

Afin de confirmer les valeurs du coefficient β, il est nécessaire d’avoir une distribu-tion auto-similaire c’est-à-dire que les distribudistribu-tions adimensionnées restent constantes et que la pression capillaire soit le moteur du phénomène de diffusion. En 1986, Mul-lins [48] a testé l’hypothèse de l’auto-similarité pour différents cas et calculé ainsi les vitesses de grossissement de particules. Il a ainsi montré que dans la majorité des cas l’autosimilarité n’est pas prouvée alors même que les lois de croissance sont observées. Ceci signifie qu’il est nécessaire d’être dans le régime auto-similaire pour observer la loi de croissance mais que d’observer cette loi n’est pas suffisant pour dire que la mousse est dans le régime auto-similaire.

Dans la suite de ce chapitre, nous allons nous intéresser aux différentes expériences qui ont été réalisées pour mettre en évidence cette loi de croissance dans les mousses sèches et les mousses humides.