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Une étude du régime transitoire de la diffusion Brillouin et de ses conséquences sur le gain Brillouin (valeur maximale et largeur), dans un contexte de transport fibré d’impulsions, a été publiée récemment [87]. Nous nous basons sur cet article pour déterminer les limitations Brillouin pour notre application de transport d’impulsions de forte puissance crête. Cette section a donc pour but de quantifier l’augmentation de la puissance seuil de la SBS résultante de la propagation d’impulsions de durée inférieure à 100 ns ainsi que l’augmentation de la largeur du gain Brillouin dans le cas de la propagation d’impulsions de forte intensité.

3.2.1 Seuil de diffusion Brillouin stimulée pour des impulsions sub-100 ns non modulées en phase

Le seuil de SBS en régime quasi-continu a été exprimé précédemment par la formule 𝑃𝑠𝑒𝑢𝑖𝑙𝑆𝐵𝑆 ≈ 21𝐴𝑒𝑓𝑓/𝑔𝐵𝐿 qui tient compte d’une interaction, sur la longueur totale L de la

fibre, entre l’onde pompe et l’onde Brillouin rétrodiffusée. Pour déterminer le seuil en régime

impulsionnel, nous pourrions tenter de remplacer la longueur totale de la fibre par une longueur d’interaction exprimée en fonction de la durée τ de l’impulsion. L’onde pompe et l’onde Brillouin se propageant en direction opposée à la vitesse de 𝜐 = 0.2 𝑚/𝑛𝑠, le temps de recouvrement maximum entre les deux correspond alors à 𝜏/2 et donne lieu à une longueur d’interaction 𝜐𝜏/2. Une nouvelle expression du seuil serait alors 𝑃𝑠𝑒𝑢𝑖𝑙𝑆𝐵𝑆 ≈ 21𝐴

𝑒𝑓𝑓/ 𝑔𝐵(𝜐𝜏/ 2). Cette

nouvelle relation donne des résultats en parfait accord avec les observations expérimentales réalisées en propageant des impulsions de durée supérieure à 100 ns. En revanche, pour des impulsions plus courtes, cette relation minimise sérieusement les seuils Brillouin observés. Cette déviation pour les impulsions « courtes » peut être expliquée par l’absence, dans l’expression du seuil, du temps de vie TB des phonons acoustiques. Celui-ci constitue en effet

une constante de temps caractéristique de l’effet Brillouin et doit être pris en compte pour en déterminer le seuil lorsque l’inégalité 𝜏 ≤ 21𝑇𝐵 est vérifiée. Le principal résultat de l’article précédemment cité est justement une formule de seuil de la SBS tenant compte de cette constante de temps caractéristique du problème. La formulation de la puissance de l’onde pompe au seuil est :

𝑃𝑠𝑒𝑢𝑖𝑙𝑆𝐵𝑆 =

2𝛩(𝑀𝐹𝐷/2)2

𝑔𝐵𝜐𝜏 (

𝛩𝑇𝐵

𝜏 + 1) Éq. 2

Avec 𝑔𝐵 le pic de gain Brillouin compris entre 3 et 5.10-11m/W dans la silice, 𝜐 la vitesse de la

lumière dans la silice égale à 0.2 m/ns, 𝜏 la durée de l’impulsion, 𝑇𝐵 le temps de vie du phonon acoustique que l’on prend égale à 4 ns112, MFD le diamètre de mode de la fibre considérée et

𝛩 = 22 un scalaire appelé paramètre de seuil dont la valeur a été déterminée analytiquement dans l’article citée. Cette relation, finalement assez simple, permet de dimensionner un système de transport (fibres passives) d’impulsions sub-100 ns en garantissant l’absence de SBS.

112 La valeur et le décalage fréquentiel du pic de gain Brillouin ainsi que le temps de vie du phonon dépendent des

paramètres de la fibre utilisée. On prendra ici pour gB des valeurs usuelles utilisées dans la communauté des fibres

optiques et la valeur de TB est celle mesurée dans l’article cité. Une étude expérimentale précise du Brillouin

Le domaine de validité de cette expression est toutefois restreint aux trois approximations suivantes :

 L’onde pompe présente un profil temporel carré (fronts de montée et de descente de l’impulsion négligeables devant la durée du plateau de puissance constante)

 Déplétion négligeable de l’onde pompe : Intensité crête constante (faibles pertes de propagation)

 La longueur L de la fibre et la durée 𝜏 de l’impulsion doivent respecter l’inégalité 𝟐𝑳/𝒄 > 𝝉. On parle alors de seuil de SBS dans les fibres longues113.

Notre problématique de transport fibré d’impulsions type LMJ satisfait tous les critères de validité de l’équation. En effet, nos fronts de montée (descente) sont de l’ordre de 250 ps (critère 10% - 90%) soit une durée bien inférieure aux impulsions nanosecondes propagées. Les propriétés intrinsèques des fibres utilisées ainsi que les faibles longueurs considérées (~15m) rendent négligeables les pertes de propagation de l’onde pompe. Enfin, des impulsions de durée inférieure à 100 ns permettent de respecter le critère de validité 2𝐿/𝑐 > 𝜏 pour L= 15 m. Pour rappel, sur le LMJ, τmax=25 ns. Nous pouvons ainsi utiliser l’expression définie plus haut.

Une comparaison entre les valeurs de seuil obtenues en régime sub-100 ns et en régime quasi-continu est donc présentée Figure III-12. L’augmentation de l’intensité seuil en régime d’impulsions «courtes » est flagrante. Nous trouvons ainsi une intensité critique de 0.028 W/µm² en régime quasi-continu et de 0.08, 4.3 et 100 W/µm² en régime impulsionnel pour des durées d’impulsions respectives de 100, 10 et 2 ns. Le seuil d’apparition de la SBS est donc plus de 50 fois supérieur au régime continu pour des impulsions de 10 ns et cette limitation est même 3600 fois plus élevée pour des impulsions de 2 ns. Bien qu’impressionnante, il est nécessaire de quantifier cette élévation du seuil de la SBS en termes de grandeurs plus significatives pour notre application. Le Tableau 6 rassemble quelques résultats et permet une vision rapide des ordres de grandeurs significatifs. Nous constatons alors qu’il est tout à fait réalisable d’un point de vue de la SBS, de transporter sur 15 m des impulsions dans la gamme microjoule au sein de fibres très classiques et facilement disponibles commercialement (fibres de MFD 5 et 10 µm). En revanche, l’augmentation du seuil liée à la propagation d’impulsions de durée inférieure à 20 ns ne permet pas (seule) de s’affranchir de l’utilisation de fibres de MFD supérieur à 30 µm pour le transport d’impulsions d’au moins 100 µJ.

113 L’article cité présente également un résultat lié au cas 2𝐿/𝑐 < 𝜏 qui n’est pas présenté ici puisque ne

Figure III-12 : Évolution de l’intensité seuil de la SBS en fonction de la durée de l’impulsion (courbe rouge) et comparaison avec le seuil en régime quasi-continu pour une propagation sur L=15 m (courbe verte).

Paramètres utilisés : 𝛩 = 22, TB = 4 ns et gB=5.10-11m/W. MFD (µm) 5 10 20 40 70 𝜏 (ns) 2 10 20 2 10 20 2 10 20 2 10 20 2 10 20 𝑃𝑆𝐵 (kW) 1.95 0.08 0.02 7.8 0.34 0.09 31.1 1.35 0.37 125 5.4 1.49 381 16.6 4.6 𝐸𝑆𝐵 (µJ) 3.9 0.85 0.47 15.6 3.4 1.9 62.2 13.5 7.5 250 54 30 762 166 91

Tableau 6 : Quelques chiffres significatifs sur les limitations Brillouin en impulsions « courtes » non modulées en phase (fibre L=15 m).

1 10 25 50 75 100 0.01 0.1 1 10 100 Durée de l'impulsion [ns] Intens ité cri ti que [W/ µ m ²] Régime impulsionnel CW (L=15m)

3.2.2 Largeur de gain Brillouin pour des impulsions de forte intensité

Le but de cette partie est de répondre à la question suivante :

La modulation de phase sinusoïdale à 2 GHz permet-elle encore de repousser le seuil de SBS à forte intensité ?

Cette question est rendue légitime par un autre résultat marquant de l’article précédemment cité. En effet, en définissant un coefficient de gain sans dimension

γ

tel que :

𝛾 = 2𝑔𝐵𝐼𝑃𝜐𝑇𝐵 Éq. 3

avec 𝑔𝐵 le pic de gain Brillouin, 𝜐 la vitesse de la lumière dans la silice, 𝑇𝐵 le temps de vie du

phonon acoustique et 𝑰𝑷 l’intensité du signal qui fait office de pompe pour l’effet Brillouin,

les auteurs ont montré que dans le cas limite 𝜸 ≪ 𝟏, c’est-à-dire à faible intensité, la largeur à mi-hauteur du gain Brillouin est donnée par :

∆𝜔𝐵= 1

𝑇𝐵 (𝛾 ≪ 1) Éq. 4

Pour TB = 4 ns, gB = 5.10-11m/W et 𝜐 = 0.2 m/ns on arrive à ∆𝜈𝐵 = ∆𝜔𝐵/2𝜋 ≈ 40𝑀𝐻𝑧. Dans

cette approximation, l’espacement fréquentiel de 2 GHz entre les différentes raies du spectre est donc suffisant pour pouvoir les considérer comme indépendantes. Le seuil de la SBS peut donc être repoussé, comme expliqué plus haut, en minimisant la DSP maximum du spectre résultant de la modulation. Dans le cas limite opposé, 𝜸 ≫ 𝟏, qui représente le cas de la propagation d’un faisceau de forte intensité, la largeur à mi-hauteur du gain Brillouin est cette fois donnée par :

∆𝜔𝐵≈ 2√𝑔𝐵𝐼𝑃𝜐

2𝑇𝐵 (𝛾 ≫ 1) Éq. 5

Les paramètres 𝑔𝐵, 𝜐, et 𝑇𝐵 étant fixés (pour une fibre donnée), la largeur du gain Brillouin évolue en √𝐼𝑃 avec 𝐼𝑃 = 𝑃𝑃𝑜𝑚𝑝𝑒𝐶𝑟ê𝑡𝑒 /𝐴𝑒𝑓𝑓 et 𝐴𝑒𝑓𝑓 = 𝜋(𝑀𝐹𝐷/2)2. Nous représentons sur la

Figure III-13 (a) l’évolution de la largeur fréquentielle ΔνB (ΔνB=ΔωB/2π) du gain Brillouin en

fonction de l’intensité en W/µm² du faisceau propagé dans la fibre. Cette valeur est comparée directement sur le graphique à la fréquence de modulation de phase utilisée (fm=2 GHz) par la

fonction anti-Brillouin. La Figure III-13 (b) représente quant à elle l’évolution de la puissance crête limite associée à cette intersection (𝐼𝑝(∆𝜈𝐵= 2𝐺𝐻𝑧)) en fonction du MFD de la fibre

utilisée. Cette valeur particulière de l’intensité (puissance crête) indique la limite au-delà de laquelle l’efficacité de notre modulation de phase à repousser le seuil de la SBS est réduite. En effet, comme nous pouvons voir Figure III-14, de part et d’autre de la fréquence centrale, les deux raies présentant les valeurs de DSP les plus importantes (DSP1=12% de la DSP du signal initial pour les raies à ±10 GHZ et DSP2=11.5% pour les raies à ±12 GHZ) sont espacées entre elle de seulement 2 GHz. Pour pouvoir les considérer indépendamment d’un point de vue de la SBS, il faut donc que la largeur du gain Brillouin soit inférieure à cette valeur. Dans le cas contraire, le seuil de la SBS ne sera plus repoussé d’un facteur 8 (1/DSP1). Il faudra en effet tenir compte du nombre de raies pour lesquelles ∆𝜈 ≤ ∆𝜈𝐵, de leur recouvrement ainsi que de leur DSP pour calculer le nouveau facteur d’augmentation du seuil de la SBS.

(a) (b)

Figure III-13 : (a) Évolution de la largeur fréquentielle du gain Brillouin dans la silice en fonction de l’intensité du signal propagé. La valeur de la fréquence de la modulation de phase est ajoutée (droite rouge).

(b) Évolution de la puissance crête limite (correspondant à la valeur d’intensité de l’intersection des deux courbes de la figure (a)) en fonction du MFD de la fibre utilisée.

Figure III-14 : Spectre de raies pour une modulation de phase sinusoïdale de paramètres fm=2 GHz, m=7 rad.

0 50 100 150 200 250 300 0 2 4 6 Intensité [W/µm²]   B [GHz] fm= 2GHz  B(I) 10 20 30 40 50 60 70 0 25 50 75 100 125 MFD [µm] P ui ss a nce crête li m ite [kW]  B < 2 GHz  B > 2 GHz -20 0 20 0 20 40 60 80 100 Fréquence [GHz] D SP [u. a ]