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1.2 Mesure de contraintes et de déformations élastiques en microélectronique

1.2.1 Techniques hors microscopie électronique en transmission

1.2.1.4 Diffraction de rayons X

La diffraction de rayons X (XRD pour X-Ray Diffraction) est une technique permettant d’obtenir des informations sur la structure d’un réseau cristallin. Une source de photons de longueur d’onde autour de 0,15 nm est utilisée (correspondant à la radiation K-α du cuivre). Dirigés sur un échantillon cristallin, ces photons diffractent avec une intensité maximale, issue d’interférences constructives, lorsque la loi de Bragg associée à une famille de plans cristallins {hkl} est vérifiée :

2dhklsinθ = nλ (1.11)

avec dhkl la distance interplanaire, θ l’angle entre le faisceau et la famille de plans, n l’ordre

de diffraction et λ la longueur d’onde. Les déformations du réseau cristallin peuvent ainsi être obtenues par la mesure de θ, plus grand que dans le cas de la microscopie électro- nique en transmission. L’un des intérêts de la XRD est que l’interaction entre les RX et la matière est suffisamment faible afin de vérifier l’approximation cinématique dans certaines configurations, négligeant ainsi les effets de diffusion multiple. Dans ce cas, l’amplitude de l’onde diffractée dans l’espace réciproque (diffraction de Fraunhofer, en champ lointain) est proportionnelle à la transformée de Fourier (TF) de la densité électronique de l’échantillon [Warre90] :

A(−→Q ) ∝ T F [ρ (−r )] (1.12)

avec −→r et −→Q des vecteurs respectifs des espaces direct et réciproque, A l’amplitude du fais- ceau diffracté et ρ la densité électronique de l’échantillon.

Les mesures RX sont très répandues dans la microélectronique. Ses deux principaux avan- tages sont la grande sensibilité de mesure (jusqu’à 10-6) et le fait de ne pas nécessiter de préparation d’échantillon. C’est donc une technique non destructive, adaptée au contrôle en ligne de production de l’état de déformation. De plus, la mesure directe sur l’échantillon évite toute modification de son état de déformation liée à une préparation. Cependant les systèmes optiques de focalisation des RX actuels ne permettent pas d’avoir un faisceau incident ayant un diamètre inférieur à 50 µm, ce qui limite la résolution spatiale, et les temps d’acquisition sont relativement longs.

En dehors des appareils industriels ou de laboratoire courants, la construction de synchro- trons de troisième génération à partir des années 1990 tels que l’ESRF (European Synchro- tron Radiation Facility) à Grenoble ou l’APS (Advanced Photon Source) à Chicago donne accès à des faisceaux plus focalisés ainsi qu’à des longueurs de cohérence plus élevées. Leur forte brillance permet des temps d’acquisition très réduits [Bilde05]. Sur ces synchrotrons, il est possible d’atteindre des tailles de sondes inférieures à 100 nm avec l’utilisation de miroirs de Kirkpatrick-Baez [Liu05] ou d’optiques de Fresnel ("zone plates") [Chao09], bien que les tailles de sondes courantes se situent autour de 1 µm. Cependant leur accès est difficile et des expériences sur ces lignes de RX restent minoritaires.

Il existe une grande variété de techniques de XRD, suivant les caractéristiques de mesure recherchées. Les notations angulaires en jeu entre l’échantillon et le faisceau RX restent toujours les mêmes, représentées en figure 1.11. Les principales techniques sont détaillées dans les paragraphes ci-dessous.

Figure 1.11 – Schéma représentant les 5 degrés de liberté angulaire d’un montage à 4 cercles de XRD (ω, 2θ, ϕ, ψ et Ω), ici en condition de Bragg pour la famille de plans (hkl).

Micro-diffraction

La micro-diffraction de rayons X utilise un montage classique de XRD (figure1.11) avec une optique permettant de focaliser la sonde sur une petite surface. Il est par exemple possible de faire un balayage en ω, de la courbe d’intensité d’un faisceau diffracté dans le plan orthogonal à la famille de plan considérée (ou rocking curve), afin de déterminer sa déformation. Un exemple de cartographie de déformations d’un film SOI avec une résolu- tion spatiale de 5 µm et une précision de 5.10-6 est reporté dans [Matsu02]. Les tailles de sondes classiques actuelles permettent une résolution spatiale de 1 µm avec l’utilisation d’un synchrotron, comme présenté dans [Solak99] pour une étude d’inter-connections Al-Cu. Il est possible d’améliorer sensiblement cette résolution jusqu’à 100 nm, dans seulement une dimension, en utilisant un guide d’onde formant un faisceau très elliptique [Di Fo00]. Une précision sur la déformation inférieure à 10-4 est reportée dans cette publication.

Micro-diffraction en faisceau blanc (ou micro-Laue)

La micro-diffraction en faisceau blanc se sert d’un montage équivalent à la micro-diffraction, mais sans monochromateur, pour utiliser le rayonnement de freinage. La sonde RX polychro- matique crée alors un diagramme de diffraction de Laue après diffusion sur l’échantillon. Il n’est dans ce cas pas possible d’appliquer directement la loi de Bragg (équation 1.11), car la longueur d’onde incidente n’est pas connue précisément. Il faut alors indexer des taches de diffraction fortes et connues, au minimum trois, afin de se repérer dans le diffractogramme. Cette technique permet d’obtenir directement le tenseur 3D des déformations [Larso02], avec une précision de 10-4 et une résolution spatiale identique à celle de la micro-diffraction.

Diffraction en incidence rasante (GIXRD)

La diffraction de rayons X en incidence rasante (GIXRD pour Grazing Incidence X-Ray Diffraction) est adaptée à l’analyse de couches minces. Ce montage est utilisé pour l’étude des déformations dans le plan, c’est à dire des plans {hk0}, orthogonaux à la surface. Pour cela le montage classique figure 1.11 est légèrement modifié, par l’introduction d’un faible angle d’incidence αi entre le faisceau et la surface de l’échantillon, voir figure1.12. Les plans

{hk0}, qui ne sont géométriquement pas accessibles en condition de Bragg, sont sondés avec un écart angulaire αi de leurs conditions de Bragg. Ce type de mesure est adapté

aux structures SOI car il permet de contrôler la profondeur de pénétration des RX dans l’échantillon en contrôlant l’angle d’incidence : augmenter αi augmente la profondeur de

pénétration afin d’être plus sensible au substrat sous le BOX. Un balayage transverse selon

Qx Qz Qy 220 Si substrat Si contraint balayage transverse (a) balayage radial (b)

Figure 1.12 – (a) Schéma représentant la géométrie d’une mesure GIXRD sur un échantillon sSOI ayant une orientation de surface [001]. (b) Représentation de la mesure sur les plans {220} dans l’espace réciproque. Figures adaptées de [Baudo09].

ω permet alors un contrôle de l’angle de twist (figure 1.4) ou de la mosaïcité du film mince, avec une mesure relative de ∆ω. Un balayage radial en (ω, 2θ) autour d’une réflexion donne accès à la distance interplanaire dhk0 et donc aux déformations. Ce type de mesure permet

d’obtenir des informations sur des couches très fines, mais la résolution spatiale est faible à cause de la projection du faisceau RX sur la surface avec un faible angle d’incidence. Ces mesures vérifient généralement l’approximation cinématique, du fait de la faible profondeur de pénétration des RX, facilitant l’interprétation des résultats. Un exemple de réalisation sur une structure de type sSOI avec une résolution spatiale de 2 x 0,5 mm2 et une précision de 2.10-4 est présenté dans [Baudo09].

Diffraction haute résolution (HRXRD)

La diffraction de rayons X haute résolution (ou HRXRD pour High Resolution X-Ray Diffraction) a pour objectif d’obtenir le tenseur 3D des déformations en chaque point d’une structure cristalline périodique. Un montage de XRD classique est utilisé (figure 1.11), sur un diffractomètre de haute précision angulaire, sans chercher à focaliser la sonde RX autant que dans le cas de la micro-diffraction. Le détecteur est une caméra CCD permettant d’en- registrer dans l’espace réciproque la sous-structure autour d’une tache de diffraction forte. Cette cartographie d’espace réciproque est appelée RSM (Reciprocal Space Map). La sous- structure apparaissant autour d’une tache de diffraction est liée à la périodicité cristalline du motif unitaire de l’échantillon : géométrie et champ de déformation. La condition d’appa- rition de cette sous-structure est que la source RX ait une longueur de cohérence supérieure à quelques périodicités de la structure dans l’espace réel. Les sous-structures de l’espace ré- ciproque, situées au voisinage des taches de diffraction fortes, sont de faible périodicité car les espaces réel et réciproque sont liés par une TF (équation 1.12), d’où découle la relation suivante sur les longueurs : Q = 1

r.

Afin de comprendre ces résultats, il est possible d’exprimer l’amplitude complexe de l’onde diffractée en fonction des positions atomiques [Piets04] :

A(−→Q ) ∝X n fne2iπ − → Q .−rn.X m e2iπ − → Q .(R−→m+−→um) ∝ F (−→Q ).X m e2iπ − → Q .(R−→m+−→um) (1.13)

avec−→Q =−→k0−−→k le vecteur de diffusion (figure1.11), fnle facteur de diffusion de l’atome n et

rn sa position dans la maille primitive, Rm la position des mailles du cristal relaxé et um leur

déplacement. F (−→Q ) est le facteur de structure de la maille primitive du cristal. L’intensité I enregistrée par la caméra en champ lointain s’exprime alors de la manière suivante :

I(−→Q ) = A( − → Q ) 2 ∝ F ( − → Q ) 2 . X m e2iπ − → Q .(R−→m+−→um) 2 (1.14) Avec cette formulation relativement simple, il paraît presque possible d’accéder au champ de déformation en tout point de l’objet (à partir de −um). Cependant deux gros problèmes sont

rencontrés pour ce traitement :

i. L’accès à l’intensité de l’onde, et non directement au terme d’amplitude, fait perdre la partie complexe de l’expression. Ce terme perdu est la phase de l’onde, contenant l’information des déplacements atomiques et donc des déformations. Il est en effet impossible de remonter directement à l’amplitude complexe de l’onde et donc au champ de déformation de l’échantillon par une TF inverse. C’est ce qui appelé le problème de phase.

ii. Cette expression est valide sous approximation cinématique (approximation de Born). Or des effets de diffusion multiple sont à prendre en compte pour des échantillons dont la structure périodique a une profondeur dépassant ces conditions cinématiques. Il est toutefois possible d’exploiter cette mesure de façon indirecte. Il faut pour cela utiliser une méthode de test et raffinement par itérations : une diffraction est simulée à partir d’une structure test, puis est comparée à la diffraction expérimentale. La structure d’entrée est ensuite raffinée par itérations. Cette forte limitation nécessite d’avoir initialement une idée du champ de déformation de la structure.

Un exemple de HRXRD est présenté dans [Ezzai12]. Le champ de déformation du sub- strat Si, engendré par un dépôt périodique de lignes de SiN, est retrouvé par l’utilisation d’un modèle de mécanique structurale par éléments finis (voir partie 1.4). Le champ de déplace- ment calculé est injecté en entrée de simulation de l’intensité diffractée. Un second exemple présenté dans [Gailh07] utilise une source synchrotron plus cohérente permettant d’obtenir des RSMs de meilleure qualité. Les déformations d’une structure équivalente à la précédente, mais réalisée sur SOI, sont étudiées avec une résolution spatiale de l’ordre de 10 nm et une sensibilité de 10-4.

Diffraction en faisceau cohérent

La diffraction en faisceau cohérent utilise un montage de HRXRD avec un faisceau dont la longueur de cohérence est supérieure à la dimension de l’échantillon étudié, ce qui est le cas avec l’utilisation d’une source synchrotron. L’intérêt est que chaque point de l’échantillon englobé par la sonde RX interfère avec tous les autres dans l’espace de Fourier. Le fort degré de cohérence spatiale permet de réaliser des RSMs sur objets uniques (non périodiques). Cette technique se base sur le développement d’algorithmes de résolution du problème de phase, afin d’accéder au tenseur des déformations en tout point de l’échantillon, à partir d’une série de RSMs [Robin09]. Cette série est réalisée autour d’un pic de Bragg d’intérêt, avec une légère déviation angulaire entre chaque RSM (imagée en 2D), afin de reconstruire l’espace réciproque en 3D. La résolution spatiale de l’algorithme d’inversion est limitée par la fréquence d’échantillonnage de la caméra CCD dans l’espace réciproque. Le théorème de Shannon-Nyquist doit être vérifié : la résolution spatiale obtenue sera au maximum égale à deux fois la fréquence maximale contenue dans la RSM. La diffraction en faisceau cohérent, à la différence de la HRXRD, ne nécessite aucune hypothèse initiale sur la structure. Cette technique est actuellement en plein développement et n’est donc pas une méthode de mesure

de déformations de routine.

Le même exemple que celui présenté dans le paragraphe sur la HRXRD, avec des lignes périodiques de SOI contraint, est traité avec la méthode de diffraction en faisceau cohérent dans [Minke07]. Un bon accord entre les résultats est obtenu, ici avec une résolution spatiale de 8 nm. Un autre exemple de diffraction en faisceau cohérent sur un nanocristal de plomb unique est présenté dans [Pfeif06], avec une résolution spatiale de 40 nm.