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Les difficultés de renforcer des populations déjà en place

a. La génétique à prendre en compte

Une étude réalisée sur l’île de Jersey a montré que l’effet des introductions datant de 1894 était encore visible. Le fait qu’on observe encore aujourd’hui des distinctions génétiques entre les différentes populations introduites est important pour la conservation. C’est également la structure de l’habitat dans lequel on introduit les individus qui importe, car dans le cas de l’île de Jersey, la fragmentation a pu freiner le brassage des populations (S. Simpson et al., 2013).

Des travaux réalisés dans le sud de l’Angleterre ont permis de montrer que ces populations étaient distinctes de celles de l’Europe continentale, certainement en conséquence de leur isolement géographique. En vivant dans des lieux isolés, ces lignées uniques se sont adaptées localement, des allèles ont été sélectionnés au fil des croisements. Les auteurs pensent que ces gènes pourraient être un atout dans le renforcement de certaines populations. Introduire des individus porteurs de gènes codant par exemple un pelage plus fourni, pourrait permettre une meilleure réussite de cette introduction dans un milieu au climat froid (Hardouin et al., 2019).

En se fondant sur ces deux études, on constate que les flux génétiques sont lents, et ce d’autant plus si l’environnement est fragmenté. De plus, la densité de facto faible des animaux introduits dans un nouvel environnement ne facilite pas un brassage élevé (S. Simpson et al., 2013).

Hale et Lurz (2003) montrent que le renforcement des populations par des sous-espèces distinctes de celles présentes localement peut conduire à une perte de diversité. Par exemple, en Cumbria et au Nord de l’Ecosse, seuls lieux où Sciurus vulgaris leucourus, est présent, des croisements avec des individus de sous-espèces proches relâchés sur ces territoires ont conduit à la sélection d’allèles de gènes provoquant certaines modifications morphologiques (Hale et Lurz, 2003).

b. L’effet de l’écureuil roux sur le lieu de relâcher

Lors de relâcher de plusieurs animaux dans un lieu, il faut avoir en tête que cela peut avoir des conséquences sur les écosystèmes eux-mêmes. Les nouveaux individus peuvent perturber l’équilibre présent, d’une manière ou d’une autre. Le but est de faire en sorte que cet effet soit le moins délétère possible. Prenons l’exemple d’une cohabitation entre l’écureuil roux et le bec croisé (Loxia curvirostra) pour illustrer l’effet que peut avoir cette espèce sur son environnement.

Une étude en Italie montre que les becs croisés et les pins d’Alep (Pinus halepensis) co-évoluent ensemble selon un schéma de « course aux armements ». La taille des cônes et des écailles augmente pour empêcher les oiseaux de venir les manger. L’observation de ces paramètres suggère que cette évolution se manifeste là où les becs croisés sont présents quand l’écureuil roux est absent mais pas dans le cas contraire (Mezquida et Benkman, 2005). Une autre étude fait les mêmes constatations en région méditerranéenne française avec les pins noirs (Pinus nigra). Elle constate aussi que la densité de becs-croisés ont tendance à baisser en présence des écureuils roux. Ainsi les écureuils roux exercent une concurrence sur les becs-croisés qui affectent négativement les effectifs d’oiseaux tout en interférant dans la co-évolution entre becs-croisés et pins (Benkman et Parchman, 2009). Une troisième étude dans les Pyrénées montre également une baisse de densité de la population de ces fringillidés en présence des écureuils roux sans effet cependant sur leur co-évolution avec les pins sylvestres dans ce cas (Mezquida et Benkman, 2010).

Nous voyons à travers cet exemple que l’écureuil roux n’a pas un effet neutre sur l’environnement dans lequel il vit ; il importe donc de pouvoir prédire quels effets sa réintroduction dans son milieu naturel pourrait avoir sur l’habitat choisi.

L’écureuil roux est également en compétition alimentaire avec d’autres espèces comme la souris, le mulot, le campagnol roussâtre, le casse-noix moucheté (Nucifraga caryocatactes) et le pic épeiche (Le Barzic, 2013).

c. Prendre en compte les maladies

Un autre exemple de perturbation de l’habitat occasionné par les écureuils roux est l’introduction possible d’agents pathogènes. Une étude a exploré l’origine d’entéropathies survenues lors d’un programme de renforcement de la population à Anglesey. Les analyses ADN et par microscopie électronique à transmission ont pu mettre en évidence une infection par un adénovirus. Il semblerait que l’origine de l’infection soit imputable à des animaux captifs et relâchés dans le nouveau milieu.

Ainsi, les auteurs insistent fortement sur la nécessité de connaitre précisément le statut médical de tout candidat au relâcher, et ce d’autant plus lorsqu’il est possible d’avoir des animaux subcliniques porteurs de la maladie comme c’est le cas pour l’entéropathie associée aux adénovirus (D. J. Everest et al., 2012b).

A l’inverse, il est important si on réintroduit des écureuils roux dans des lieux où l’écureuil gris est présent d’avoir une idée du statut de ces derniers par rapport au Squirrel Poxvirus (Carroll et al., 2009). Ceci est crucial lorsqu’on connait l’effet de cette maladie sur la population des écureuils roux. Un dépistage du virus dans le sang et les puces des écureuils roux augmente la probabilité de repérer les animaux atteints, même de façon asymptomatique (Atkin et al., 2010).

Le but d’un relâcher n’est ni de nuire à l’environnement qui accueille les nouveaux individus, ni de nuire à ces derniers.

d. Prendre en compte l’habitat

Afin de maximiser les chances de réussite des individus relâchés dans leur nouvel habitat, il est important de prendre en compte certains paramètres pour que l’environnement soit optimal pour les individus relâchés.

De façon générale, les forêts de conifères offrent aux écureuils roux un habitat de bonne qualité, mais certaines préférences individuelles peuvent exister et nécessiter d’être prises en compte.

Une étude a observé le comportement et le devenir d’écureuils roux relâchés dans une forêt contenant des écureuils gris. Ceux qui avaient été piégés à proximité de pins corses ont naturellement recherché cette essence pour installer leur domaine vital. De la même manière, ceux piégés près de pins sylvestres ont recherché la présence de cet arbre, quitte à parcourir de longues distances. Cela montre l’importance de connaître, si possible, l’habitat d’origine des écureuils qu’on souhaite relâcher, afin de les emmener dans des habitats similaires afin de maximiser leurs probabilités de survie en leur proposant des éléments de biotopes qui leurs sont familiers. En effet, en tant que nouvel individu, l’écureuil relâché se trouve momentanément en position de faiblesse pour se procurer un domaine vital par rapport aux autres individus déjà installés et qui sont habitués à cet environnement. La découverte d’un lieu complètement nouveau en situation de compétition

Deuxième partie : Gestion en centre de soins

Après avoir vu les aspects de la biologie de l’écureuil et les menaces qui pèsent sur cette espèce, nous allons aborder sa gestion en centre de soins. Savoir comment vit l’écureuil en milieu naturel est fondamental afin de lui proposer des conditions de prise en charge compatibles avec ses besoins biologiques propres et de le préparer au mieux à la remise en nature lors de la phase de réhabilitation. De plus, les menaces qui pèsent sur cette espèce sont préoccupantes et nous poussent à redoubler de vigilance afin de préserver au mieux l’écureuil roux et les écosystèmes dans lesquels il évolue.

En France, la plupart des rongeurs admis en centres de soins sont des écureuils roux (Doussain, 2018).

Nous aborderons les aspects règlementaires relatifs au statut de l’écureuil roux et aux centres de soins. Nous envisagerons ensuite, chronologiquement, les différentes étapes de son itinéraire technique depuis son admission en centre jusqu’à sa remise en liberté. On s’intéressera à la gestion des urgences et de la pathologie courante, à son environnement, et son alimentation en captivité transitoire, sa réhabilitation puis son relâcher.

1. Réglementation concernant l’écureuil roux