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La différence de traitement des justiciables face à la

discriminatoires

“ Il n’y a donc pas une nature criminelle mais des jeux de force qui, selon la classe à laquelle appartient les individus, les conduiront au pouvoir ou à la prison : pauvres, les magistrats d’aujourd’hui peupleraient sans doute les bagnes; et les forçats, s’ils étaient bien nés, siègeraient dans les tribunaux et y rendraient justice368” – Michel Foucault

[92] Le droit à l’égalité devant la loi a valeur constitutionnelle en droit canadien et en droit français. En effet, la Charte canadienne des droit et libertés dispose que “la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques369 ». De même, en droit français, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui a valeur constitutionnelle depuis 1971370, consacre le fait que la loi soit « la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse371 ». En matière pénale, ce principe doit être appliqué de manière rigoureuse372. C’est ainsi qu’en France, la loi prévoit que peut être placée en détention provisoire toute personne physique dès lors que l’infraction pour laquelle elle est poursuivie le permet. Plus précisément, depuis 2002, elle est envisageable pour toute personne mise en examen qui encourt une peine criminelle, ou une peine correctionnelle supérieure ou égale à trois ans

368 M. F

OUCAULT, préc., note 15, p. 295.

369 Charte Canadienne des Droits et Libertés, préc., note 11 à l’article 15.(1).

370 Décision n° 71-44 DC, [1971] Journal officiel du 18 juillet 1971, page 7114; Recueil, p. 29

(Conseil constitutionnel).

371 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, préc., note 17 à l’article 6.

372 Jacques ROBERT, « Le principe d’égalité dans le droit constitutionnel francophone », Cah. Cons.

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d’emprisonnement373. Il est important de préciser que dans le calcul de la durée de la peine encourue, il n’est tenu compte ni de l’état de récidive374, ni des causes d’exemptions ou d’atténuation de la peine375, ni de l’excuse de minorité376. Toutefois, des exceptions à ce principe sont prévues. Ainsi, et ce depuis la loi du 30 décembre 1987, les mineurs de moins de 13 ans ne peuvent être placés en détention provisoire. Pour les mineurs de moins de 16 ans, et de moins de 18 ans, la possibilité de placer en détention provisoire est plus restreinte que pour les majeurs, mais elle a été étendue par les lois du 5 mars 2007 et du 10 août 2011. De même, des immunités d’arrestation et de détention existent pour les diplomates comme pour les membres de la commission européenne des droits de l’Homme et pour les juges de la Cour377. En ce qui concerne les membres du parlement, ils ne peuvent faire l’objet d’une détention provisoire qu’avec l’autorisation du Barreau de l’assemblée, sauf en cas de crime ou de délit flagrant. De plus, si l’assemblée le requiert, la restriction de liberté qui les concerne peut être suspendue provisoirement378. Le Président de la République bénéficiant d’une protection particulière, les procédures et la prescription publique sont suspendues lors de son mandat. Au Canada, au regard de l’article 515(6) du Code Criminel, le juge de paix a l’obligation de placer en détention provisoire les personnes poursuivies pour certaines infractions les plus graves du droit pénal canadien. Ici, dès lors, le juge perd une partie de son pouvoir décisionnel. En dehors des personnes prévenues inculpées pour une infraction de l’article 469 du Code criminel, le juge doit rendre une ordonnance de mise en liberté provisoire, ou exceptionnellement, et en poursuivant les objectifs de l’article 515(10), rendre une ordonnance de placement en détention provisoire. En France comme au Canada, les dispositions juridiques concernant la détention provisoire ne s’appliquent donc pas identiquement pour tous les justiciables.

373 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, préc.,

note 181.

374 chambre criminelle de la Cour de cassation, 19 février 2002, 01-88.182. 375 chambre criminelle de la Cour de cassation, 23 avril 1992, 92 80.962. 376 chambre criminelle de la Cour de Cassation, 17 juin 1987.

377 C. GUERY, préc., note 9, p. 29.

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[93] Plus encore, pour le Doyen Carbonnier, la détention provisoire ne doit pas s’appliquer à tous de la même façon. En effet, pour lui, selon les cas, elle peut- être nécessaire ou, au contraire, hors de proportion. Dans ses écrits, il a dressé une liste de catégories de délinquants, en insistant pour chacune, de l’utilité ou non de la mesure. Ainsi, il rassemble les “ vagabonds, les mendiants, les délinquants d’habitude, les aliénés, les anormaux et aussi la plupart des délinquants mineurs”, qu’il considère comme délinquants “ par tendance” ou délinquants “ataviques”. Pour ceux-là, la détention provisoire aurait des effets positifs, car la souffrance qu’elle engendre serait un moindre mal pour eux, qui, au regard de leur condition de vie en liberté, sauraient davantage s’en accommoder. De plus, elle serait nécessaire pour garantir leur présence tout au long de la procédure pénale, pour assurer un suivi psychologique ou thérapeutique, soit le traitement immédiat d’un état dangereux, ou encore s’opposer à la continuité de l’activité infractionnelle, soit poursuivre les objectifs légaux de la détention provisoire379. Dans le sens contraire, pour d’autres délinquants, soit ceux qui commettent “ des infractions de pur droit positif : délits d’imprudence, délits politiques, délits fiscaux, délits financiers, etc”, la détention provisoire devrait être supprimée “presque entièrement”. En effet, le Doyen propose que ces derniers ne se voient appliquer la mesure que dans des cas exceptionnels afin de parer à des comportements entravant la bonne administration de la justice, comme la fuite lorsque la peine potentielle est particulièrement sévère. C’est ainsi qu’il propose de diviser et de limiter le domaine d’application de la mesure de détention provisoire380. Face aux lois canadiennes et françaises sur la détention provisoire, il est pertinent de se demander si le principe de l’égalité des justiciables face à la loi est effectif en pratique. En effet, la justice traite-t-elle différemment les justiciables en considération d’un type de délinquance, comme semblerait le conseiller le Professeur Carbonnier ?

[94] De nombreuses études ont été menées au Canada sur la population de prévenus détenus. Ainsi, en 1986, déjà, les rapports de Statistique Canada affirmaient que cette population était principalement composée “ de jeunes

379 J. CARBONNIER, préc., note 65, p. 837. 380 Id., p. 838.

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hommes […], qu’ils sont généralement célibataires, sans emploi et qu’ils ont une scolarité légèrement inférieure à la moyenne […]. Les données révèlent que 70% des 16 211 prévenus de l’échantillon avaient des antécédents carcéraux381”. La même année, les chercheurs Marie-Marthe Cousineau, Hugo Théorêt et Danielle Laberge ont analysé cette même population pénale pour ajouter que 58% des infractions pour lesquelles les détenus provisoirement étaient poursuivis ne semblaient pas revêtir de caractère grave. Il s’agirait en effet majoritairement de délits contre les biens sans violence, d’infractions à la circulation routière, d’infractions aux règlements municipaux, ou encore d’illégalismes de nature administrative. Constatant cela, ils soutiennent que dans ces cas, la détention provisoire ne poursuit pas les deux objectifs de l’article 515(10) de l’époque, soit le risque de se soustraire à la justice et le risque causé à la société382. Ils observent ainsi qu’il s’agisse de la population carcérale dans son ensemble, ou de la part de prévenus, il s’agit de personnes socio-économiquement défavorisées383. En 2014, l’étude effectuée par les chercheurs Karen Beattie, André Solecki et Kelly Morton Bourgon pour le Ministère de la Justice du Canada confirme la recherche précédente. Ainsi, ils constatent que la population autochtone représente 25% des admissions en détention provisoire dans les années 2014 à 2015384. À travers leur étude, ils démontrent que le justiciable est davantage susceptible de faire l’objet d’une détention provisoire s’il est “ un homme célibataire, autochtone ou sans emploi ou était atteint d’une maladie mentale ou soupçonné de l’être385”. Une étude du groupe de recherche et d’analyse sur les pratiques et les politiques pénales ( GRAPP) a analysé la population détenue provisoirement au Québec de 1981 à 1985, notamment sur ses caractéristiques socio-démographiques. Cette étude confirme que la situation québécoise est sensiblement la même que dans l’ensemble du Canada. En effet, les prévenus détenus sont majoritairement des

381 Marie-Luce GARCEAU, La détention provisoire : une mesure discriminatoire, coll. Les cahiers du

GRAPP, n°5, département de sociologie, Université du Québec à Montréal, 1988, p. 67.

382 Id., p. 68. 383 Id.

384 M.-E. SYLVESTRE, C. BELLOT et N. BLOMLEY, préc., note 305, p. 204. 385 Karen B

EATTIE, André SOLECKI et Kelly E.MORTON BOURGON, Les caractéristiques de la détention et de la mise en liberté par la police et par le tribunal : données tirées de l’étude de l’efficacité du système de justice, Département de la recherche et de la statistique, Ministère de la justice du Canada, 2013, p. 5.

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hommes ( 93.8%), célibataires (79.4%), d’un âge moyen de 27.6 ans, n’occupant pas d’emploi, ou une profession manuelle. Ils ajoutent qu’ici également, le casier judiciaire semble être un critère important386. Ils concluent alors que “ l’incarcération en détention provisoire est une mesure judiciaire discriminatoire qui vise particulièrement certaines catégories de justiciables dont la caractéristique principale est leur appartenance aux couches socio-économiquement défavorisées de la société387”.

[95] Les témoignages de différents acteurs de la procédure pénale illustrent et confirment parfaitement les résultats des études développées ci-dessus. En effet, les juges, les procureurs de la Couronne ou encore les avocats de la défense insistent sur l’importance des garanties de représentation dans le processus décisionnel concernant la détention provisoire, qui crée une différence de traitement des justiciables en raison de leur statut socio-économique et familial. Ainsi, Françoise Vanhamme dans son article “ organisation sociale de la mise en liberté provisoire : des effets de profilage?”, retranscrit ces témoignages. Entre de nombreuses déclarations, la plus éclairante semble être celle de Maître Bélanger, qui affirme que :

deux personnes accusées du même crime, avec le même historique criminel ou avec les mêmes antécédents, […] quelqu’un qui est sur le bien-être social […], c’est sûr que c’est vrai que cette personne-là n’a pas les mêmes garanties ou des garanties pour sortir, mais, dans son cas à lui, c’est possible que l’avocat ne fera même pas l’enquête de caution pour tenter de le faire sortir, alors que quelqu’un qui paye son avocat personnellement et que ce n’est pas un mandat de l’aide juridique […] aura plus de chances de sortir388.

Maître Nadon confirme en effet que certains prévenus “ sont détenus par défaut, parce que justement il y a un manque de ressources, ils n’ont pas de famille, ils n’ont pas d’endroit où aller habiter, ils n’ont pas d’argent comme caution à fournir”. 386 M.-L. G ARCEAU, préc., note 10, 130. 387 M.-L. GARCEAU, préc., note 373, p. 210. 388 F. V ANHAMME, préc., note 27, 50 à 51.

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[96] Or, cette différence de traitement dont témoignent les acteurs du procès pénal, est rendue possible par la rédaction des textes juridiques portant sur la détention provisoire. En effet, concernant le premier motif justifiant la détention, soit le fait de s’assurer de la présence du prévenu devant le tribunal, l’étude de Marie-Marthe Garceau démontre que le juge de paix, pour statuer sur ce point, s’attache aux critères suivants : l’existence d’une adresse fixe, la stabilité de la résidence, de l’emploi, ou encore les attaches familiales et sociales. Plus encore, sur le second critère, la loi prévoit expressément que les juges doivent s’attacher à la “nature de l’infraction”, au “ profil de l’inculpé, son occupation, son mode de vie, ses antécédents judiciaires, son milieu familial, son état mental” ou encore à “ sa conduite postérieurement à la commission de l’infraction reprochée389”. Ainsi, une personne ayant des garanties de représentation faibles ainsi qu’un casier judiciaire aura moins de chance de bénéficier d’une liberté provisoire.

[97] En France, les statistiques du Ministère de la Justice pour l’année 2014 semblent révéler une situation similaire. Tout d’abord, dans cette étude, Guillaume Vaney recense les types d’infractions pour lesquels les personnes détenues provisoirement étaient poursuivies durant l’année 2014. Ainsi, il affirme qu’une personne sur trois était mise en examen pour vol, 29% dans le cadre d’une instruction, et 35% dans le cadre d’une comparution immédiate390. Le second type d’infractions le plus représenté se trouvait être relatif aux drogues. En effet, il indique qu’on retrouve ces infractions dans un cas sur quatre dans le cadre d’une instruction, et dans 14.7% des cas pour les comparutions immédiates. Les infractions plus graves, concernant les atteintes aux personnes, comme les coups et violences volontaires, sont moins représentées, comme le montre le tableau réalisé par l’auteur391. La commission de suivi de la détention provisoire affirmait également pour la même année que “globalement, les types d’infractions relevant du domaine règlementaire, économique et professionnel dont la place n’est pas négligeable dans le contentieux correctionnel, même en enlevant la circulation routière, sont peu concernés pour la détention provisoire : les taux de recours sont

389 R. c. Rondeau, préc., note 215. 390 G. VANEY, préc., note 349, p. 2. 391 Id., p. 3 voir le tableau 8 en annexe.

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le plus souvent très inférieurs au taux moyen des délits392”. Cette étude révèle le fait que la gravité de l’infraction en cause n’est pas le critère majeur de mise en détention provisoire. Elle semble même confirmer les propos du Doyen Carbonnier, selon qui la détention provisoire ne devrait pas s’appliquer à une certaine catégorie de prévenus faisant partie de la “ délinquance en col blanc”. Alors qu’au Canada, Marie-Marthe Cousineau recensait les différentes études réalisées sur les détenus provisoires, confirmant ainsi que la principale caractéristique permettant de bénéficier d’une mise en liberté provisoire était d’avoir de bonnes garanties de représentation, en France, une étude similaire d’Aubusson de Cavarlay en 1987 et de Lévy en 1987 démontraient les mêmes résultats393. La similitude de ces différentes conclusions peut s’expliquer par l’identité des critères de placement en détention provisoire dans les deux systèmes, notamment celui qui vise à s’assurer de la présence du prévenu devant les tribunaux. Comme nous avons pu le voir, il permet de viser plus particulièrement une certaine partie de la population notamment les individus ayant des problèmes d’ordre socio-économique, les personnes sans-emploi, avec des problèmes de santé mentale, ou encore les personnes itinérantes.

[98] Il paraît pertinent de s’interroger sur cette différence de traitement. En effet, est-elle le résultat d’une simple application des textes formels, ou relève-t- elle finalement d’une discrimination systémique qui commencerait au début du processus judiciaire ? Les constatations quant aux textes juridiques concernant la détention provisoire sont formelles : le droit français et canadien permet au juge de réaliser un traitement différencié entre les justiciables. Le lien entre la politique pénale d’un Etat et les catégories d’individus susceptibles d’aller en détention provisoire est en effet important. Il suffit d’observer la politique pénale française de la fin des années 1980 tournée vers la lutte contre le trafic de stupéfiants qui a créé une répression plus sévère, faisant ainsi du toxicomane “ le candidat idéal à l’incarcération provisoire394”. Les auteurs constatent souvent “ une forme de classement différencié des conduites illicites, par lequel on fait un partage des

392 COMMISSIONDESUIVIDELADETENTIONPROVISOIRE, préc., note 26, p. 25. 393 M.-M. COUSINEAU, préc., note 333, p. 19.

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illégalismes populaires et ceux de la classe dominante395”. Mais, au-delà du droit pénal qui contient des infractions qui sont davantage tournées vers la classe populaire, la détention provisoire en est une illustration concrète en procédure pénale, dès lors que, comme il a été démontré précédemment, les critères étudiés par les juges pour décider du placement en détention provisoire peuvent être discriminatoires. La Professeure Marie-Luce Garceau affirme en effet que “ nous pouvons probablement considérer que les motifs retenus afin de détenir provisoirement un accusé sont, en soi, un des multiples moyens de contrôle et de gestion des populations économiquement défavorisées396”.

[99] Pour autant, les différents auteurs ayant travaillé sur le sujet relèvent que cette discrimination est présente non seulement dans les textes, mais également tout au long du processus judiciaire. En effet, cette distinction entre les justiciables débuterait, selon l’étude de Morden en 1980, dès le contrôle policier, et l’arrestation. Dans un premier temps, les auteurs décrient “ une attitude discriminatoire des agents du système pénal” qui se manifesterait dès le contrôle policier. En effet, en 1976 déjà, Jean Hétue affirmait que “ le mode de vie des pauvres est de nature à attirer plus facilement l’attention de la justice que celui des autres classes sociales, d’autant plus que les quartiers défavorisés bénéficient habituellement d’une surveillance accrue de la part de la police397”. De plus, selon Morden, les critères décisionnels de mise sous garde d’un suspect tendent à viser une catégorie de justiciable. Les agents de paix doivent donc s’interroger sur “les condamnations antérieures du prévenu, son expérience antérieure de détention, sa situation d’emploi, sa conduite envers les policiers, la gravité de l’infraction, le type de victime en cause, l’existence d’un mandat d’arrestation et la prise d’une déclaration par les policiers398”. L’étude de René Lévy en 1987, concernant la France, démontre que lors de l’arrestation, les garanties de représentation entrent déjà en jeu pour la décision de placement en garde-à-vue. Ainsi, il relève que plus

395 M.-L. GARCEAU, préc., note 373, p. 54. 396 Id., p. 60.

397 Pour plus d’informations, voir : Jean H

ETU, « Le pauvre, la machine judiciaire et la détention », (1976) 9-1 2 Criminologie 87 106, 90, DOI :10.7202/017052ar.

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une personne peut offrir de garanties de représentation, soit un domicile fixe, une situation familiale stable, un emploi, plus elle a de chance d’échapper à une garde- à-vue et inversement399. C’est ainsi que Marie-Luce Garceau souligne une première sélection réalisée par les forces de l’ordre entre les personnes en liberté et celles mises sous garde. Elle affirme en effet que “ le fait que les pauvres soient sur-représentés dans le système pénal serait dû, en partie, à l’intervention initiale des policiers400”.

[100] En effet, bon nombre d’auteurs relèvent l’impact de la décision policière sur la décision de placement en détention provisioire finale. Selon René Lévy, Grosman ou encore Robert, il existe un lien étroit entre la police et la poursuite, qui permet, au Canada notamment, une influence sur leurs recommandations lors de l’enquête de cautionnement. Il s’agirait en effet d’un des facteurs les plus importants après “ les antécédents criminels de l’accusé, la gravité de l’offense, la possibilité que l’infracteur commette une autre offense s’il est libéré, la possibilité qu’il influence les témoins, ses racines dans la communauté et son apparence physique401”. Les auteurs expliquent que si “ la justice tend à incarcérer immédiatement là où la police a arrêté et détenu402”, c’est que lorsqu’ils arrêtent, les policiers sont le plus souvent déjà convaincus de la culpabilité du justiciable403. Toutes les caractéristiques du justiciable l’ayant mené à une garde-à-vue, ou à une mise sous garde, soit son manque de garanties de représentation, son appartenance de classe, son apparence, son statut socio-économique, sont les mêmes qui influencent les juges compétents pour décider du placement en détention provisoire. C’est ainsi que les auteurs soulèvent “ l’hypothèse de l’existence d’une gestion discriminatoire, à l’endroit des personnes socio- économiquement défavorisées404.”

399 René L

EVY, « Police et sociologie pénale en France », (1985) 35 Année Sociol. 61 à 81, 125 à 130. 400 M.-L. GARCEAU, préc., note 10, 123. 401 Id. 402 Id., 125. 403 Id., 124. 404 Id., 125.

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[101] Les personnes prévenues détenues étant déjà majoritairement, et