• Aucun résultat trouvé

refuse de faire une différence entre les situations dans lesquelles les collectivités publiques exercent directement – par le biais de régies municipales271 – des

acti-265. G. Clamour note ainsi que « ce n’est jamais l’activité économique en elle-même qui présente un caractère d’intérêt général, car là n’est pas la question » Selon lui, « ce qui caractérise l’intérêt public, ce sont les circonstances qui justifient la prise en charge de l’activité économique par la personne publique » (in - Qui peut le moins peut le plus… ! Ou la liberté économique de fait des personnes publiques - JCP ACT, nov. 2007, étude 2286, nº 22).

266. Décrets-lois des 5 novembre 1926 (JORF, 7 novembre 1926, p. 11894) et du 28 décembre 1926 (JORF, 31 décembre 1926, p. 13742).

267. CE, 29 mars 1901, Casanova, Rec. 333, GAJA, p. 51 et s.

268. CE Sect., 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers, op. cit. : « les entreprises ayant un caractère commercial restent, en règle générale, réservées à l’initiative privée et que les conseils municipaux ne peuvent ériger des entreprises de cette nature en services publics communaux que si, en raison de circonstances particulières de temps ou de lieu, un intérêt public justifie leur intervention en cette matière ». Les conclusions sur cette affaire du commissaire du gouvernement Josse sont éclairantes sur ce point. Selon lui, « que l’intérêt public puisse être entendu plus largement qu’autrefois, d’accord, mais nous sommes fondés à conclure que les décrets de 1926 ne dérogent pas aux principes » (Conclusions sur CE Sect., 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers - RDP, 1930, p. 53). Dans ses conclusions sur l’affaire Lavabre, le commissaire du gouvernement Rivet reprend ce raisonnement en relevant que la jurisprudence du Conseil d’État « s’est refusée à voir dans les décrets de 1926 l’énoncé de principes contraires à ceux qu’elle avait personnellement consacrés » (Conclusions sur CE, 13 juillet 1933, Lavabre - Sirey, 1933, 3, p. 81).

269. Sur l’évolution de la conception de la liberté du commerce et de l’industrie appliquée aux activités économiques des personnes publiques, cf. CLAMOUR (G) - Intérêt général et concur-rence : essai sur la pérennité du droit public en économie de marché - Paris, Dalloz, 2006, 1044 p. ; KOVAR (J-P) - Où en est la liberté du commerce et de l’industrie ? - Dr. Adm., 2007, étude 18 ; LOMBARD (M) - 80 ans après l’arrêt Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers : pavane pour une infante défunte - RJEP, 2011, repère 2.

270. CE, Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, Rec. 272, RFDA, 2006, p. 1048 et s., concl. Casas : « pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d’un intérêt public, lequel peut résulter notam-ment de la carence de l’initiative privée ».

271. Cf., à titre illustratif, CE, 13 juillet 1933, Lavabre, Sirey, 1933, 3, p. 81 et s., concl. Rivet ; CE Ass., 24 novembre 1933, Zénard, Rec. 1100, S., 1934, 3, p. 105 et s., concl. Detton (pour une exploitation en régie directe d’une boucherie municipale).

vités économiques, et celles dans lesquelles elles créent des organismes dédiés à

cette fin

272

. Cette assimilation est explicitée par la jurisprudence De Lara, rendue

par le Conseil d’État en 1935

273

. Était contestée la création de la Régie foncière

de la ville d’Alger, qui n’avait de régie que le nom puisqu’il s’agissait d’une société

de droit privé dont une collectivité détenait 40 % du capital. Le commissaire

du gouvernement Rivet, après avoir admis que l’entreprise était un « système

mixte » et non une régie, a confirmé l’obligation de respecter les principes

norma-lement applicables aux régies municipales lors de la création de la société

274

. La

participation des collectivités territoriales au capital d’une société commerciale

constituait néanmoins une atteinte à la règle de la concurrence car la collectivité

apportait des aides à l’entreprise par son actionnariat

275

. Ce positionnement

reve-nait à interdire l’idée d’actionnariat public et était d’autant plus étonnant que

les collectivités territoriales ne pouvaient pas en être les actionnaires majoritaires

jusqu’en 1955

276

.

204. L’application du régime de l’action économique publique à la

participa-tion des collectivités territoriales au capital social n’a jamais été remise en cause.

Le juge administratif continue de vérifier, pour chaque cas d’espèce, que la

créa-tion de la société « était rendue nécessaire par une absence ou une défaillance de

l’initiative privée »

277

. Le juge administratif juxtapose les deux conditions tenant

à l’exercice d’activités d’intérêt général dans des conditions compatibles avec la

liberté du commerce et de l’industrie

278

. Reprenant cette analyse, le commissaire

du gouvernement Trouilly en explicite les enjeux dans ses conclusions sur l’affaire

Commune d’Ozoir-la-Ferrière

279

. Dans la perspective de la Coupe du monde de

football de 1998, la Commune d’Ozoir-la-Ferrière avait créé une société

d’éco-nomie mixte locale chargée de « la conception, la réalisation, la communication,

la gestion et l’accompagnement d’événements pour promouvoir l’image de la

272. Cf. CE, 4 janvier 1935, De Lara, Rec. 14, D., 1936, 3, p. 1 et s., concl. Rivet et note Capitant. et CE Sect., 22 novembre 1935, Chouard, Lévy, Chausson, Rec. 1080, D., 1936, Recueil hebdomadaire, p. 101 et s. (admission de la création d’une société de gestion immobilière du fait de la crise du loge-ment résultant à Marseille d’opérations de démolition dans certains quartiers malsains et surpeuplés).

273. CE, 4 janvier 1935, De Lara, op. cit.

274. RIVET (M) - Conclusions sur CE, 4 janvier 1935, De Lara - D., 1936, 3, p. 6.

275. Selon le commissaire du gouvernement Rivet, « si, dans les circonstances de l’espèce, les entreprises privées n’ont en face d’elles qu’une entreprise d’apparence semblable et si l’aide que la commune apporte à celle-ci se trouve limitée dans des conditions qui écartent toute idée d’identifi-cation, c’est là, simplement, question de degré ; la règle de la libre concurrence n’en est pas moins méconnue ; et, pour que vous puissiez justifier légalement l’atteinte portée à cette règle, il est indispen-sable que, selon la formule de vos arrêts, "des circonstances particulières de temps et de lieu" existent, qui montrent que l’"intérêt public" était, en l’occurrence, directement engagé » (idem).

276. Décret nº 55-579 du 20 mai 1955 relatif aux interventions des collectivités locales dans le domaine économique (participation financière ou exploitation directe), JORF, 21 mai 1955, p. 5073.

277. CE, 23 décembre 1994, Commune de Clairvaux-d’Aveyron et autres, Rec. 582, JCP G, 1995, II, 22507, note Cliquennois.

278. Par exemple, un tribunal administratif a considéré que « les sociétés d’économie mixte locales créées a l’initiative des communes, peuvent se livrer a toute activité d’intérêt général […] sous la réserve notamment que cette activité s’exerce dans le respect du principe de la liberté du commerce et de l’industrie » (TA Toulouse, 27 janvier 1988, Préfet, Commissaire de la République de l’Aveyron, Req. 862036, Gaz. Pal. 1989, 1, somm., p. 230) Dans le même sens, TA Grenoble, 27 janvier 1988,

Ruphy et autres c/ Commune de La Clusaz, Req. 32865, JCP, 1989, II 21265, note Devès.

279. TROUILLY (P) - À quelle condition la création d’une société d’économie mixte locale est-elle légale ? - Conclusions sur CAA Paris, 11 mai 2004, Commune d’Ozoir-la-Ferrière - BJCL, 2004, p. 563 et s.

ville »

280

. Le problème posé n’était pas tant de savoir si l’objet social de l’entreprise

entrait dans l’énumération de la liste de l’article L. 1521-1 du code général des

col-lectivités territoriales, que de préciser à quelles conditions cette activité, présentant

manifestement des caractéristiques d’intérêt général, pouvait être confiée à une

société d’économie mixte locale. Le commissaire du gouvernement estime « que

ce n’est qu’en cas de défaillance de l’initiative privée que la création d’une SEM

dans un secteur a priori concurrentiel est licite »

281

. Explicitant ce raisonnement,

le juge a par la suite précisé que rien ne s’oppose à ce qu’une société d’économie

mixte locale « agisse, dans le cadre de ses compétences légales, sur ce marché local

dès lors que cette intervention est justifiée par un intérêt public local suffisant »

282

.

La notion de compétences légales renvoie à l’article L. 1521-1 du code général des

collectivités territoriales, c’est-à-dire à la nature d’intérêt général de l’activité ; celle

d’intérêt public local fait écho aux conditions de sa prise en charge par la société.

Poursuivant son raisonnement à son terme, le Conseil d’État a réinterprété les

conditions du code. Lorsque les sociétés interviennent sur un marché

concurren-tiel, l’appréciation du caractère d’intérêt général de l’activité « peut résulter de la

carence ou de l’insuffisance de l’initiative des entreprises détenues majoritairement

ou exclusivement par des personnes privées », une telle carence ou une telle

insuf-fisance ne pouvant être regardée comme une condition nécessaire de l’intervention

de la société. Cette approche simplifie la démarche du juge en reconnaissant que la

condition de l’intérêt public local est une composante de la notion d’intérêt général

telle que définie par l’article L. 1521-1 du code. En adjoignant à la définition légale

de l’objet social des sociétés la condition du respect de la liberté du commerce et

de l’industrie, le juge accentue le rapprochement entre les sociétés et les personnes

publiques. L’emprise des collectivités territoriales actionnaires sur les sociétés est

telle que la définition de leur compétence est appréciée à la lumière des principes

de l’interventionnisme public économique.

205. Le respect de la liberté du commerce et de l’industrie implique que la

création de la société corresponde à un intérêt public local, dont l’appréhension

a été renouvelée par la jurisprudence Ordre des avocats au barreau de Paris

283

. Ce

décalque des conditions de l’interventionnisme public économique aux sociétés

d’économie mixte locales apparaît néanmoins surabondant.

2. L’intérêt public local, condition surabondante de l’intérêt général pour

l’intervention des sociétés d’économie mixte locales

206. Les sociétés d’économie mixte locales devraient être protégées contre les

intrusions des personnes publiques dans leur champ d’activité par le principe de la

liberté du commerce et de l’industrie. Or, le juge administratif inverse le

raisonne-ment et conditionne leur utilisation au respect des principes de l’interventionnisme

public. Cette assimilation est discutable. En premier lieu, subordonner la création

des sociétés à une carence de l’initiative privée est contraire à la notion de

partena-riat qui sous-tend celle d’économie mixte : s’il y a une réelle carence de l’initiative

privée, les collectivités territoriales ne devraient pas pouvoir trouver de partenaire

280. Les statuts de la société sont cités par P. Trouilly dans ses conclusions sur l’affaire Commune d’Ozoir-la-Ferrière (op. cit, p. 563).

281. TROUILLY (P) - op. cit. - p. 565.

282. CAA Nancy, 14 juin 2007, Société anonyme d’économie mixte Reims champagne congrès expo , Req. 06NC01474, AJDA, 2007, p. 1933 et s., note Clamour.

de droit privé pour participer au capital social, sauf à recourir à des actionnaires