d’écono-mie mixte locale faute d’un intérêt public local suffisant. Dans cette hypothèse, la
recherche d’un intérêt public local particulier a une fonction précise : elle permet
de s’assurer que l’action économique de la société ne porte pas atteinte à la liberté
du commerce et de l’industrie. L’appréciation de la nature d’intérêt général des
activités des sociétés d’économie mixte locales (A) ne suffit donc pas au juge
administratif pour légitimer leurs interventions. Elles doivent également justifier
leur intervention par un intérêt public local (B).
réalisation d’améliorations urbaines » (JORF, 7 novembre 1926, p. 11894). Par le second texte, les collectivités pouvaient « acquérir des actions ou des obligations dans des sociétés chargées d’exploi-ter les services communaux » (JORF, 31 décembre 1926, p. 13742). Reprise par le décret du 20 mai 1955 prévoyant la création de sociétés « ayant pour objet la mise au point de projets, l’exécution de travaux présentant un caractère d’intérêt public ou l’exploitation de services publics, le ravitaillement ou le logement de la population, les œuvres d’assistance, d’hygiène et de prévoyance sociale ainsi que la réalisation d’améliorations urbaines et rurales » (JORF, 21 mai 1955, p. 5073), l’énumération des objets sociaux a été simplifiée par la loi du 7 juillet 1983 (JORF, 8 juillet 1983, p. 2099) et n’a pas été modifiée par la loi du 2 janvier 2002 (JORF, 28 février 2002, p. 3821). Sur l’aspect historique du développement de l’économie mixte locale, cf. supra, Introduction.
231. Plus précisément, 267 entreprises d’aménagement (dont 11 sociétés publiques locales d’aménagement), soit 25 % du total des entreprises publiques locales et 235 sociétés de construction, soit 22 % (recensement au 1er janvier 2010. Source : Fédération nationale des entreprises publiques locales, www. leseps. fr).
232. Pour J.-M. Pontier, « l’intérêt général n’est pas distinct de l’intérêt national. Il est qualifié de national pour le distinguer de l’intérêt public local, qui peut être un intérêt général à l’égard des intérêts privés locaux, mais peut être considéré comme un intérêt particulier par rapport à l’intérêt national » (in - L’État et les collectivités locales. La répartition des compétences - Paris, LGDJ, 1978, p. 161). Sur la notion d’intérêt public local, cf. KADA (N) (dir.) - L’intérêt public local. Regards croisés sur une notion juridique incertaine - Grenoble, PUG, 2009, 224 p.
233. La distinction entre intérêt général et intérêt public local ne peut dès lors qu’être relativisée : « l’intérêt est local, soit matériellement, soit formellement ; mais il n’y a pas de différence de nature entre les objets d’intérêt local et les objets d’intérêt général » ROUAULT (M-C) - Compétences des collectivités territoriales et intérêt public local - J. Cl. Collectivités territoriales, fasc. 652, nº 30).
A. LA NATURE D’INTÉRÊT GÉNÉRAL
DES ACTIVITÉS DES SOCIÉTÉS
D’ÉCONOMIE MIXTE LOCALES
194. La notion d’intérêt général attachée à la nature des activités des sociétés
d’économie mixte locales permet d’étendre leurs domaines d’intervention au-delà
des champs traditionnels de l’aménagement, de la construction ou de la gestion
de services publics industriels et commerciaux. La notion d’intérêt général
atta-chée à l’objet social est contingente des circonstances locales (1) et conduit le
juge administratif à valider l’exercice d’activités administratives par les sociétés
d’économie mixte locales (2).
1. L’intérêt général de l’activité, une notion contingente des circonstances locales
195. L’articulation entre la compétence des actionnaires publics pour créer des
sociétés d’économie mixte locales et l’obligation pour celles-ci d’exercer des missions
liées à la satisfaction de l’intérêt général est difficile à appréhender abstraitement car
le caractère d’intérêt général d’une activité est contingent des circonstances locales.
La référence à l’intérêt général permet de circonscrire la compétence territoriale
et matérielle des collectivités territoriales pour créer ou participer au capital de
sociétés d’économie mixte locales. En premier lieu, une société d’économie mixte
locale ne peut être créée que pour intervenir, à titre principal, sur le territoire de
ses actionnaires publics. La participation d’une collectivité à une société exerçant
ses missions à titre principal sur le territoire d’une autre collectivité
234– et à plus
forte raison d’un État étranger
235– est annulée car elle ne présente pas d’intérêt
général pour la collectivité actionnaire. Par exemple, si le caractère d’intérêt général
est reconnu à l’activité de prospection économique de la Société d’exploitation du
centre national de la mer, l’étendue de son exercice – en France et dans le monde
– traduit « l’appréhension trop large qui a été faite de cet objet social, contraire à
l’esprit et à la lettre de la loi du 7 juillet 1983 »
236. Le juge financier relève
l’ina-déquation du champ d’intervention de la société avec celui de ses actionnaires
majoritaires. La difficulté réside dans l’appréciation de la notion d’activité exercée
à titre principal sur le territoire des actionnaires majoritaires et le juge financier se
contente parfois de relever qu’une société a un « champ d’intervention
particuliè-rement vaste » s’étendant à la France et à l’étranger
237.
196. En second lieu, le recours à la notion d’intérêt général ne permet pas
d’exer-cer toutes les activités présentant un intérêt pour les collectivités. Dans la décision
du 10 octobre 1994, Commune d’Amnéville, le Conseil d’État considère que l’objet
social d’une société d’économie mixte locale consistant en « la production de fleurs,
plans et dérivés, ainsi que leur distribution » n’a pas un caractère d’intérêt général
238.
234. CAA Bordeaux, 27 avril 2004, Communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS), Req. 00BX00369, AJDA, 2004, p. 1669.
235. CRC Haute-Normandie, ROD 12 mars 2009, Société d’économie mixte locale de coopéra-tion transmanche (SEML Transmanche).
236. CRC Nord-Pas-de-Calais, ROD 27 avril 2005, Société d’économie mixte d’exploitation du centre national de la mer (NAUSICAA), p. 4.
237. CRC Pays de la Loire, ROD 20 août 2010, Société d’économie mixte Oryon, nº 1.4 : la société a participé à des missions en Chine, en Allemagne ou aux États-Unis, et a mené un effort tout particulier de prospection au Québec, à travers la présence d’un volontaire international en entreprise.
238. CE, 10 octobre 1994, Préfet de la région Lorraine, préfet de la Moselle c/ Commune d’Amné-ville, AJDA, 1995, p. 237 et s., note Bizet et Devès.
La décision n’est pas étonnante puisque la recherche d’un intérêt financier ne revêt
pas un caractère d’intérêt général
239. Toutefois, la création de la société était, selon
la commune d’Amnéville, justifiée par la reconversion nécessaire du bassin
sidérur-gique lorrain, activité pourtant d’intérêt général de maintien de l’emploi selon la
jurisprudence du Conseil d’État
240. Le Conseil n’a pas retenu cette conception de
l’objet social, exprimant sa volonté d’encadrer le recours aux sociétés d’économie
mixte locales.
197. Les délibérations autorisant la création des sociétés d’économie mixte
locales ne sont généralement pas déférées au juge, et la jurisprudence administrative
est empreinte d’un fort empirisme. Les juges civils et financiers n’ont pas dépassé
cette approche, faisant preuve d’un certain pointillisme juridique. Ils s’attachent à
vérifier pour chaque société la nature d’intérêt général de l’activité, sans se référer
à un concept clairement déterminé. Ainsi, la création d’une société chargée de « la
production, la fabrication et la mise en œuvre de produits et de matériaux pour la
construction et l’entretien des routes et chantiers divers pour toute clientèle publique
ou privée »
241ou dans l’unique objectif d’enrichir la collectivité actionnaire
242ne
présente pas un caractère d’intérêt général au sens de l’article L. 1521-1 du code
général des collectivités territoriales. Il en est de même de la reprise de liaisons
mari-times par une société d’économie mixte locale, qui n’est pas justifiée par un motif
d’intérêt général dès lors qu’elle consiste uniquement dans le rachat et la gestion
par la société d’un port ne relevant pas, au demeurant, de la compétence
territo-riale de ses actionnaires
243. Cette analyse n’a pas pour autant empêché l’essor des
sociétés dans des domaines aussi variés que le tourisme
244, la fourniture d’énergie
245239. Selon la jurisprudence classique du Conseil d’État, l’intérêt général ne se confond pas avec le seul intérêt financier (CE, 11 juin 1926, Raynaud, D. 1927, 3, p. 44 et s., concl. Rivet).
240. CE, 10 mai 1985, Société anonyme Boussac Saint-Frères, Inédit, AJDA, 1985, p. 435 et s., concl. Cazin d’Honincthun : l’action communale peut être justifiée par « un but d’intérêt général en vue de favoriser le maintien de l’activité économique et de l’emploi sur le territoire de la commune ».
241. CE, 23 décembre 1994, Commune de Clairvaux-d’Aveyron et autres, Rec. 582, JCP G, 1995, II, 22507, note Cliquennois.
242. TA Grenoble, 27 janvier 1988, Ruphy et autres c/ Commune de La Clusaz, Req. 32865,
JCP, 1989, II 21265, note Devès.
243. CRC Haute-Normandie, ROD 12 mars 2009, Société d’économie mixte locale de coopéra-tion transmanche (SEML Transmanche), p. 4. Sur la même affaire, cf. également Cour des comptes - Une opération de coopération décentralisée : la relance de la ligne maritime « Dieppe-Newhaven » - Rapport public annuel 2002 - Paris, Éditions du Journal officiel, 2002, p. 485-498 ; CRC Haute-Normandie, ROD 24 février 2009, Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche (SMPAT) ; Cour des comptes - La gestion par une collectivité publique de la ligne de transport maritime Dieppe-Newhaven - Rapport public annuel 2009 - Paris, Éditions du Journal officiel, 2009, p. 363-386 ; et DELION (G), DURUPTY (M) - Des cas originaux d’entreprises publiques locales : les initiatives du département de Seine-Maritime - RFAP, nº 100, 2001, p. 757 et s.
244. Par exemple, CRC Île-de-France, ROD 8 mars 2006, Société nouvelle d’exploitation de la Tour Eiffel ; CRC Haute-Normandie, ROD 29 juin 2006, Société d’économie mixte Le Havre Plai-sance ; CRC Poitou-Charentes, ROD 15 décembre 2006, Société d’économie mixte locale nouvelle du Parc du Futuroscope ; CRC Poitou-Charentes, ROD 4 août 2007, Société d’économie mixte du Golf de Loudun-Roiffé ; CRC Rhône-Alpes, ROD 3 juillet 2009, Société anonyme d’économie mixte du domaine thermal d’Allevard ; CRC Rhône-Alpes, ROD 25 août 2009, Société de gestion de Val d’Isère (SOGEVALDI) ; CRC Languedoc-Roussillon, ROD 12 janvier 2010 Société d’économie mixte de promotion et d’animation du Barcarès (PROMABA).
245. Par exemple, CRC Auvergne, ROD 10 janvier 2003, Société d’économie mixte pour l’électrifica-tion de la Haute-Auvergne ; CRC Aquitaine, ROD 7 mai 2004, Gaz de Bordeaux ; CRC Rhône-Alpes, ROD 21 septembre 2009, Compagnie intercommunale de chauffage de l’agglomération grenobloise (CCIAG).