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Diagrammes de phase

II. Notions sur la physique des syst` emes quantiques unidimensionnels 25

1.4. Diagrammes de phase

L’objectif de cette partie est d’appliquer ce qui a ´et´e introduit jusqu’ici pour discuter les diagrammes de phases des mod`eles microscopiques sur des chaˆınes avant de s’attaquer au cas des chaˆınes coupl´ees (les ´echelles !) dans la section 2. Comme toutes les fonctions de corr´elations sont gouvern´ees par les param`etres de Luttinger K, les diagrammes de phases reviennent `a tracer d’une part les limites des secteurs gapp´es mais aussi les lignes de K constant d’apr`es lesquelles on d´etermine les fluctuations dominantes.

1.4.1 Fluctuations dominantes

On peut ´etudier les diagrammes de phase pr´edits par la bosonisation en fonction des param`etres K des diff´erents secteurs et des constantes de couplage g qui vont perturber le liquide de Luttinger. Lorsqu’un secteur est non gapp´e, il va y avoir plusieurs param`etres d’ordre qui vont fluctuer et entrer en comp´etition (par exemple ondes de densit´e de charge et supraconductivit´e, respectivement abr´eg´ees en CDW et SC dans la suite). Pour savoir quel param`etre d’ordre O domine, on regarde la susceptibilit´e qui lui est associ´ee ; elle s’´ecrit `a temp´erature nulle χO(k, ωn) = Z 0 dτ Z

dxhO(x, τ)O(0, 0)ie−ikx+iωnτ, (II.72)

avec ωn les fr´equences de Matsubara. En g´en´eral, le terme dominant des corr´elations est de la forme e−iqr/rη avec q le moment associ´e `a l’exposant ν le plus petit parmi ceux des termes alg´ebriques. Comme l’int´egrale sur le temps et l’espace peut ˆetre vue comme une int´egrale `a deux dimensions, la contribution principale `a la susceptibilit´e aura comme loi d’´echelle pour δk petit

χO(q + δk, ωn)∼ [max(δk, ωn)]η−2, (II.73)

ce qui signifie que si η < 2, la susceptibilit´e statique (ω = 0) divergera alg´ebriquement pr`es de k = q. La susceptibilit´e caract´erisant la r´eponse du syst`eme `a une perturbation ext´erieure, sa divergence signifie qu’infinit´esimale soit cette perturbation, le syst`eme y donnera une r´eponse finie. Si on ´etudie le facteur de structure sur un syst`eme de taille finie SO(k, L) = RL

0 dxe−ikxhO(x, 0)O(0, 0)i associ´e aux corr´elations `a temps ´egaux, le pic SO(q, L) divergera comme L1−η.

Bien qu’il ne puisse y avoir de brisure de sym´etrie continue `a une dimension, le fait que la susceptibilit´e diverge sur une chaˆıne se manifestera par un vrai ordre si on couple ces chaˆınes `a deux o`u trois dimensions comme dans les vrais compos´es. Cela peut se justifier au travers d’un traitement de la susceptibilit´e du syst`eme `a deux ou trois dimension par la m´ethode Random Phase Approximation (RPA) :

χRPAO (k, ωn) = χO(k, ωn)

1 + ginter(k, kO(k, ωn) (II.74)

avec ginter(k, k) le couplage inter-chaˆınes qui introduit les modes transverses k. L’annula-tion du d´enominateur pour des vecteurs d’onde particuliers k, k se traduira par une transi-tion de phase et l’ordre associ´e. Par exemple, des fluctuatransi-tions dominantes d’ordre de densit´e

de charge `a 1D vont donner `a un vrai ordre `a 2D ou 3D. Lorsqu’on a plusieurs ordres en comp´etition dont les exposants ν(K1, K2, . . .) sont param´etr´es par les param`etres de Luttin-ger K1, K2, . . ., l’ordre qui se d´eveloppera pr´ef´erentiellement sera donc celui qui a l’exposant le plus petit.

1.4.2 Chaˆıne XXZ

La bosonisation de la chaˆıne de spin XXZ (II.53) donne un hamiltonien quadratique avec, `a aimantation nulle, un terme

2Jz (2πα)2

Z

dx cos[4φ(x)] . (II.75)

dˆu aux processus de umklapp. Le syst`eme a deux param`etres : l’aimantation m (ou la densit´e de fermions sans spin, m = 0 s’identifiant au demi-remplissage) et le rapport des interactions Jz/Jxy. Le terme (II.75) entraˆıne l’ouverture d’un gap lorsque m = 0 si K = 1/2 d’apr`es les r´esultats pr´ec´edents. Les param`etres de Luttinger u, K du mod`ele sont calculables par r´esolution num´erique des ´equations de l’ansatz de Bethe [23,24,157] (et analytiquement sur la ligne m = 0 ou n = 1/2). Les r´esultats d’Haldane [156] sont rapport´es sur la figure II.8. Ils montrent qu’un gap ∆ s’ouvre au point de Heisenberg Jz = Jxy > 0 pour entrer dans une phase ordonn´ee antiferromagn´etique. Cela s’interpr`ete comme une transition de Mott dans le language des fermions sans spin. Lorsque Jz <−Jxy, le syst`eme est dans une phase ferromagn´etique et K diverge au voisinage de cette transition. Autour de la ligne (m = 0, Jz > Jxy), on a une transition commensurable-incommensurable avec une aimantation qui varie donc selon m∼h− ∆. En ce qui concerne les ordres en comp´etition, comme on n’a pas la sym´etrie SU(2), les corr´elations du spin selon l’axe et dans le plan sont diff´erentes, on obtient pour une aimantation quelconque dans toute la phase liquide de Luttinger

hSz(x)Sz(0)i − m2 = K2 1 x2 + C1cos((1 + 2m)πx) 1 x2K (II.76) hS+(x)S(0)i = C2cos(2πmx) 1 x2K+1/(2K) + C2cos(πx) 1 x1/(2K) (II.77)

Fig. II.8: Diagramme de phase d’une chaˆıne XXZ. n est le remplissage de fermions sans spins (l’aimantation est m = n−1/2), ∆ = Jz/Jxy (et non le gap) et K = exp(2ϕ) (c’est K−1 qui est en fait trac´e). D’apr`es Haldane [156].

Sur le premier terme, on voit que, suivant que K > 1 ou K < 1, les fluctuations ferroma-gn´etiques ou antiferromaferroma-gn´etiques vont dominer. Pour K < 1/2, c’est l’ordre dans le plan xy qui va contribuer le plus aux fluctuations. Au point de Heisenberg, l’op´erateur (II.75) est marginalement pertinent et on a des corrections logarithmiques aux fonctions de corr´elations dont le terme dominant est en (−1)x

ln x/x. 1.4.3 Chaˆıne de Hubbard

Le mod`ele de Hubbard pr´ec´edemment vu est lui aussi int´egrable par ansatz de Bethe [14] quel que soit U . Quatre ordres vont entrer en comp´etition :

OCDW ∼ e−2ikFeiccos√

2φs (II.78)

OSDWx ∼ e−2ikFeiccos√

2θs (II.79)

OSDWz ∼ e−2ikFeicsin√

2φs (II.80)

OSS ∼ e−i2θccos√

2θs (II.81)

OTS ∼ e−i2θcsin√

2φs (II.82)

avec CDW pour onde de densit´e de charge, SDWx,y,z pour onde de densit´e de spin, SS pour supraconductivit´e singulet et TS pour supraconductivit´e triplet. Pour un remplissage non commensurable, deux situations sont possibles suivant que le spin est gapp´e ou non. Dans le second cas, l’analyse du mod`ele de sine-Gordon montre une renormalisation de Ksen K

s = 1. Les comportements des corr´elations associ´ees `a ces ordres sont r´esum´es dans le tableau II.1

et les param`etres de Luttinger sont donn´es pour U < 0 et U > 0 sur les figures II.10 et

II.9. Pour U > 0, 0.5 < Kc < 1 et K

s = 1 : on a un liquide de Luttinger avec s´eparation spin-charge et soit un ordre dominant CDW ou SDW. C’est en fait SDW qui domine en raison de corrections logarithmiques. Pour U < 0, 1 < Kc < 2 et le mode de spin est gapp´e : le syst`eme a des fluctuations supraconductrices singulet dominantes. Dans la limite de basse densit´e `a fort U n´egatif, on interpr`ete simplement le fait que Kc → 2 puisque les ´electrons s’apparient formant des bosons de cœur dur quasi-libres pour lesquels la fonction de Green est en 1/√

x. Au demi-remplissage, on entre dans une phase de Mott d`es que U > 0, mais le mode de spin reste non gapp´e (phase C0S1). On a alors un syst`eme ´equivalent `a une chaˆıne de spin 1/2 antiferromagn´etique avec J = 4t2/U .

Si on rajoute une interaction r´epulsive au deuxi`eme voisin V , on observe [160–162] une phase supraconductrice avec U > 0 existant au del`a d’un V critique ainsi qu’une transition de Mott au quart-remplissage (voir figure II.11). On peut donc avoir de la supraconductivit´e avec interactions r´epulsives seulement avec un mod`ele ´etendu. D’autre part, le param`etre Kc a pu ˆetre ´evalu´e `a environ 0.23 dans les conducteurs organiques `a partir du comportement en loi d’´echelle de la conductivit´e optique `a haute temp´erature dans les sels (TMTSF)2X [163]. Les interactions r´epulsives `a plus longue port´ee sont donc pertinentes exp´erimentalement. 1.4.4 Chaˆıne t-J

Enfin, pour la chaˆıne t-J qui n’est pas int´egrable sauf pour les valeurs particuli`eres J/t = 0 et 2, le diagramme de phase a ´et´e calcul´e num´eriquement par diagonalisation exacte et est rapport´e sur la figure II.12. On y observe [164] essentiellement trois phases : pour 0.5 <

Fig. II.9: Param`etres de Luttinger des modes de charge et de spin (K

s = 1 n’est pas repr´e-sent´e) d’une chaˆıne de Hubbard `a U > 0 (phase C1S1). D’apr`es Schulz [158].

Fig. II.10: Param`etres de Luttinger du mode de charge d’une chaˆıne de Hubbard `a U < 0. Le mode de spin est gapp´e dans ce cas (phase C1S0). D’apr`es Giamarchi [159].

in C1S1 in C1S0

Order exponent wave-vector exponent wave-vector

O

CDW

K

c

+ K

s

2k

F

K

c

2k

F

O

SDWx,y

K

c

+ 1/K

s

2k

F

exp. 2k

F

O

SDWz

K

c

+ K

s

2k

F

exp. 2k

F

O

SS

1/K

c

+ K

s

0 1/K

c

0

O

TS

1/K

c

+ K

s

0 exp. 0

Tab. II.1: R´esum´e des exposants des corr´elations alg´ebriques (hors certains terms en x−2) pour les deux phases liquide de Luttinger et liquide de Luther-Emery de la chaˆıne de Hubbard. Notez que K

Fig. II.11: Diagramme de phase de la chaˆıne de Hubbard ´etendue au quart-remplissage mon-trant une phase supraconductrice pour Kc > 1. D’apr`es Ejima et al. [160].

Kc < 1 `a faible J/t, on a domination des CDW. Pour des J/t un peu plus grands, on a 1 < Kc <∞ donc ce sont les corr´elations supraconductrices qui dominent. Enfin, on observe une s´eparation de phase correspondant `a une transition du premier ordre vers un ´etat o`u les trous et les spins occupent des domaines s´epar´es. De fa¸con similaire `a la transition vers l’´etat ferromagn´etique de la chaˆıne XXZ, Kc diverge au voisinage de cette transition.

Fig. II.12: Diagramme de phase de la chaˆıne t-J donnant les lignes de Kc en fonction de la densit´e n et de J/t. D’apr`es Ogata et al. [164].