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Diagramme de phase par groupe de renormalisation perturbatif

V.2 Les marches al´eatoires avec branchement et annihilation

V.2.4 Diagramme de phase par groupe de renormalisation perturbatif

perturbatif

L’enjeu est donc d’´elaborer une description th´eorique qui rend compte du rˆole des fluctuations. Le groupe de renormalisation apparaˆıt comme un bon candidat. Fort du formalisme de transcription de processus stochastiques en une int´egrale fonctionnelle (expos´e au chapitre VI), Cardy et T¨auber [139, 140] ont d´eriv´e une th´eorie des champs pour les marches al´eatoires avec branchement et annihilation, dont ils ont entrepris une analyse compl`ete par groupe de renormalisation perturbatif. Il s’en d´egage d’embl´ee deux ´el´ements cl´es. L’analyse des graphes de Feynman montre d’abord que pour une

3Ce r´esultat ´emane du champ moyen “de sites” d´evelopp´e ici o`u les degr´es de libert´e sont les particules. Il pourrait certainement ˆetre raffin´e en consid´erant un champ moyen pour les paires ou les triplets [146, 147].

V.2. LES MARCHES AL ´EATOIRES AVEC BRANCHEMENT ET ANNIHILATION 93

valeur de m donn´ee, tous les processus de branchement (V.21) avec mR = m− 2, m −

4 . . . 1,−1 sont g´en´er´es par renormalisation, et les op´erateurs d’indices mR les plus

petits correspondent aux plus pertinents. Il suffit donc, pour comprendre l’incidence des fluctuations sur l’existence d’une transition, de consid´erer le cas m = 1 (A→ 2A `a un taux not´e σ), g´en´erique de tous les processus de branchement `a nombre impair de descendants.

Le processus de mort spontan´ee (mR =−1) est ´egalement g´en´er´e par renormalisa-

tion par combinaison des deux r´eactions A→ 2A et 2A → 0, avec un taux µRd´ependant

de taux initiaux “nus” λ et σ. Ainsi, le terme correspondant entre dans l’action effec- tive, autrement dit la th´eorie des champs des marches al´eatoires avec branchement et annihilation impaires se ram`ene `a celle des processus (V.1) `a (V.4) de la percolation dirig´ee avec un taux µ ≡ µR(λ, σ). Les fluctuations peuvent, par cons´equent, induire

une transition absorbante, si elles conf`erent au taux µRune valeur suffisamment grande

pour compenser la production de particules, c’est-`a-dire pour rendre ∆R = σR− µR

n´egatif. Cette transition, si elle existe, appartient alors naturellement `a la percolation dirig´ee, v´erifiant, une fois de plus, la conjecture de GJ. Il s’agit donc, pour d´ecider de l’existence de cette transition, de calculer la valeur renormalis´ee de la “masse” ∆R.

Cardy et T¨auber ont donc entrepris un calcul perturbatif de la masse renormalis´ee ∆R, en adoptant la strat´egie suivante. Si σ = 0, le mod`ele co¨ıncide avec celui de

l’annihilation pure pour laquelle la dimension critique sup´erieure est dc = 2. Ainsi,

au-del`a de deux dimensions l’effet des fluctuations reste mod´er´e — pour l’annihilation pure — et le champ moyen est valide. Le probl`eme est donc de d´eterminer si une petite perturbation σ `a l’annihilation pure d´etruit irr´em´ediablement l’´etat absorbant comme le sugg`ere le champ moyen. Par analogie avec celle-ci, on peut songer que, pour les marches al´eatoires avec branchement et annihilation, les fluctuations s’att´enuent ´egalement au-del`a de d = 2. Pour cette raison, Cardy et T¨auber se sont plac´es au voisinage de la dimension deux, en posant d = 2 − . Ils ont ´evalu´e ∆R par deux

m´ethodes. La premi`ere consiste `a ne retenir, `a tous les ordres en λ, que les graphes les plus divergents dans la limite  → 0. Ces contributions forment une s´erie g´eom´etrique, de sorte que tous ces graphes se resomment simplement. La seconde m´ethode repose sur le calcul de tous les graphes intervenant `a l’ordre de 1-boucle. Les deux approches concordent et donnent les r´esultats suivants. Si d < 2, les fluctuations parviennent `a induire une transition de phase pour un taux de branchement non nul :

σc= D

 λ

2Dπ

2/

. (V.25)

A la limite  = 0 (d = 2), le taux d’annihilation λ devient marginal. Il en r´esulte l’existence d’une transition, qui apparaˆıt exponentiellement supprim´ee :

σc ∼ De−4πD/λ. (V.26)

L’expression perturbative de la masse renormalis´ee ∆R n’est plus valide au-del`a de la

dimension d = 2, `a partir de laquelle la th´eorie de perturbation s’effondre et ne permet donc pas de conclure. Cependant, comme la ligne de transition dans le plan (λ/D, σ/D)

s’av`ere d´ej`a infiniment plate en d = 2 d’apr`es (V.26) et que l’annihilation λ devient non pertinente au-del`a de d = 2, Cardy et T¨auber inf`erent que les fluctuations ne suffisent plus `a g´en´erer une destruction efficace des particules et que par cons´equent le syst`eme demeure actif pour tout σ > 0 en d > 2. Selon cette analyse, le champ moyen devient donc valide au-del`a de d = 2 .

Ces r´esultats perturbatifs sont synth´etis´es sur le sch´ema de la figure 9. La par-

λ σ D D λ σ D D λ σ D D e π λ 4 D D σ exposants transition ? 1 2 3 4 d

CM

CM

CM

CM

actif actif actif abs. abs.

Fig. 9 – Allure du diagramme de phase des marches al´eatoires avec branchement et annihilation impaires en fonction de la dimension spatiale d, selon l’analyse perturba- tive [139, 140]. CM signifie champ moyen, ce diagramme est expliqu´e dans le texte.

tie gauche du sch´ema repr´esente le diagramme de phase dans le plan (λ/D, σ/D) en fonction de la dimension. La dimension deux marque la dimension critique sup´erieure au-del`a de laquelle l’´etat absorbant disparaˆıt, selon l’analyse perturbative, de sorte que la ligne de transition se confond avec l’axe (σ = 0) de l’annihilation pure. Les ellipses autour de l’origine symbolisent le domaine de validit´e de la th´eorie de per- turbation d´efinie dans la limite σ/D, λ/D → 0. De mˆeme, le pointill´e horizontal en d = 2 s´eparant les deux r´egimes mat´erialise la dimension autour de laquelle la th´eorie perturbative est valide, i.e. dans la limite → 0. La partie droite du sch´ema rep`ere les dimensions pour lesquelles le champ moyen (CM) s’applique. Il convient de distinguer deux propri´et´es : l’existence de la transition (colonne “transition ?” du sch´ema) et la valeur des exposants critiques (colonne “exposants”). D’une part, l’existence de la tran- sition traduit une propri´et´e non universelle du syst`eme puisque d´ependante des valeurs

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des taux de r´eactions microscopiques. L’analyse perturbative lui affecte une dimension “critique” dN.U

c = 2 (pour µΛ = 0), ce qui signifie qu’il existe une transition non triviale

pour d < dN.U

c (zone “6= CM”) et qu’au-del`a le champ moyen est recouvr´e (zone “=

CM”), i.e. le syst`eme est toujours actif. D’autre part, en d < dN.U

c , la transition est ca-

ract´eris´ee par les exposants (universels) de la percolation dirig´ee qui a pour dimension critique dU

c = 4, i.e. les exposants de champ moyen (“= CM”) ne sont valides que pour

d > dU

c . Autrement dit, s’il n’existe de transition non triviale (`a σ 6= 0) qu’en-de¸c`a

de d = 2, comme pr´edit par le groupe de renormalisation perturbatif, les exposants correspondants sont toujours les valeurs modifi´ees par les fluctuations (“6= CM”) et donn´ees par les valeurs du tableau V.1.

Les diagrammes de phase de la figure 9 sont issus d’un calcul perturbatif bas´e sur l’analyse des comportements des taux renormalis´es au voisinage de l’origine et proche de la dimension deux. Cette approche ne peut, par essence, ˆetre prolong´ee `a des taux arbitraires ou en dimension plus grande et ne permet donc pas d’explorer globalement le diagramme de phase. N´eanmoins, elle semble ˆetre en accord avec la seule simula- tion num´erique disponible en dimension d = 3 [135] (´evoqu´ee au paragraphe V.2.3), qui n’y d´ec`ele pas de transition. D’autre part, l’exp´erience acquise `a l’´equilibre ther- mique semble sugg´erer que le champ moyen ou le “1-boucle” suffisent en g´en´eral `a capturer qualitativement les traits d’un diagramme de phase, mˆeme si les valeurs cor- respondantes ne s’av`erent pas (n´ecessairement) quantitativement correctes. Ainsi la situation `a l’´equilibre a forg´e l’id´ee, commun´ement admise, que les fluctuations mo- difient seulement quantitativement la vision issue du calcul `a 1-boucle. Ces ´el´ements concordent pour soutenir la pr´ediction perturbative d’une dimension critique dN.U

c = 2

pour l’existence de la transition de phase. Cependant, nous allons montrer, dans le cha- pitre VII, qu’il existe en fait une transition de phase pour les marches al´eatoires avec branchement et annihilation impaires en dimension trois, et mˆeme en toute dimension finie, ce qui s’oppose qualitativement au diagramme de phase pr´ec´edent et infirme, plus g´en´eralement, l’id´ee commune, inspir´ee de l’´equilibre, du rˆole seulement quantitatif des fluctuations. Ceci sera d´evelopp´e au chapitre VII.

Conclusion

Ce chapitre avait pour vocation essentielle de donner une illustration de la notion de transition de phase absorbante, sous toutes les formes dont l’universalit´e peut la revˆetir et de d´egager le contexte dans lequel s’inscrivent les analyses que nous aborderons au chapitre VII. Nous avons ainsi rencontr´e la conjecture de GJ, rattachant g´en´eriquement les mod`eles, si`eges d’une transition absorbante continue, `a la classe de la percolation dirig´ee et son “paradoxe” : `a cette omnipr´esence th´eorique fait ´echo une quasi-absence de r´ealisations exp´erimentales. Le d´efi lanc´e par cette inad´equation ne sera pas examin´e plus avant, et recevra sans doute de futures attentions. Nous avons finalement donn´e, en vue de l’expos´e de nos travaux, une introduction condens´ee des marches al´eatoires avec branchement et annihilation. Nous allons provisoirement nous d´etourner de ces sujets, le temps du chapitre VI vou´e `a les doter d’une th´eorie des champs, pour nous y replonger durablement au chapitre VII.

Chapitre VI

Th´eorie des champs pour les

processus de r´eaction-diffusion

Ce chapitre est consacr´e `a la d´erivation d’une th´eorie des champs pour les processus de r´eaction-diffusion introduits au cours du chapitre pr´ec´edent, afin d’en permettre l’analyse par des m´ethodes du groupe de renormalisation non perturbatif. Nous nous proposons ainsi de pr´esenter, dans les deux premi`eres sections, les deux formalismes principaux permettant de transcrire des processus de r´eaction-diffusion en une th´eorie des champs. Dans le premier, la construction de la “fonctionnelle de r´eponse” [84, 85] repose sur les ´equations de Langevin associ´ees `a ces processus. Le second prend ses racines dans l’´equation maˆıtresse [87, 88] et exploite une analogie avec un syst`eme d’oscillateurs harmoniques quantiques pour en formuler une solution en terme d’une int´egrale de chemin. Ces deux approches ind´ependantes sont compar´ees dans la derni`ere section. Ce chapitre a pour ambition de comprendre les fondements et le sens de la th´eorie des champs d´ecoulant de ces formalismes, afin d’en mieux maˆıtriser l’´etude qui constitue l’objet du dernier chapitre.

VI.1

Formalisme de fonction de r´eponse

Nous pr´esentons, dans cette section, la d´erivation de la “fonctionnelle de r´eponse” due `a Janssen et de Dominicis [84, 85]. Ce formalisme se fonde sur les ´equations de la dynamique issue de l’approche de Langevin. Nous commen¸cons donc par exposer le principe de cette approche.