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Devenir autonome ?

Objet de ce rapport

8. LES PROJETS DE VIE

8.4 Devenir autonome ?

Ces jeunes qui présentent différents types de difficultés, quand il ne s’agit pas d’un cumul, se définissent-ils comme autonomes ? Que représente pour eux être ou devenir autonome, dimension qui caractérise la transition vers la vie adulte lorsqu’il en est question ? Cette expression est-elle apparue dans le récit qu’ils ont fait de leur vie et de leurs expériences ? À l’exception d’un interviewé, tous ont fait allusion à la notion ou ont répondu à une question qui pouvait leur avoir été posée en ce sens au cours de l’entrevue. Ce n’est cependant pas le thème sur lequel ils se sont le plus longtemps attardés.

Certains ont fait référence à l’autonomie à laquelle ils étaient parvenus, d’autres ont expliqué pourquoi ils n’étaient pas encore autonomes. Les réponses retenues en premier lieu sont celles de jeunes qui ont eu besoin d’aide à un moment donné de leur parcours d’insertion sociale et professionnelle parce que la notion était présente dans l’objectif d’intervention.

8.4.1 CEUX QUI ONT EU RECOURS À DE LAIDE

Les plus jeunes (15-19 ans) donnent le ton en laissant voir ce qui apparaît comme la caractéristique de l’autonomie et comment son obtention est affaire de processus :

« Je penserais bien que je vais la ‘pogner’ (l’autonomie) : faire un budget, gérer toutes mes affaires tout seul, je pense que c’est là que je vais ‘pogner’ de l’autonomie. » (31AR1OG1)

Certains énumèrent une série d’activités révélatrices de la capacité d’être autonome : avoir un logement à soi, être capable de faire un budget, de se nourrir sans toujours être au dépanneur, d’aider un ‘chum’, mais aussi, pour certains, cela commence par la stabilité mentale (rythme de base sain) et « la capacité de faire de quoi de sa vie » (54AC1OF1). La notion de responsabilité de soi apparaît dans la définition d’un des plus jeunes parmi les interviewés, une jeune femme : « Quelqu’un qui est capable d’être responsable de soi-même. […] On peut avoir besoin d’aide, mais en général, on est capable d’être seul. » (26BL1OF1)

Les 20-24 ans ne se contentent pas de définir ce qu’est pour eux l’autonomie en ajoutant des dimensions à la définition comme celle d’avoir de la discipline, de ne pas remettre les choses à plus tard (42BC2OG1). Pour la plupart, ce n’est pas seulement une prise de distance (des parents, de l’aide), mais la capacité de demander de l’aide au besoin (24AL2OG1).

Un certain nombre se décrira comme non autonome par manque de reconnaissance à travers l’emploi, manque de ressources financières, parce que ce sont les amis, Emploi-Québec ou la quête qui les font vivre. D’autres diront qu’ils le sont dans certains domaines et non dans d’autres : avoir l’autonomie résidentielle et ne pas avoir l’autonomie financière (11BC2OF1).

Une interviewée qui a des problèmes de santé mentale révèle son ambivalence quant à la question de l’autonomie. Doit-elle se chercher un emploi tout en étant anxieuse ou doit-elle prendre le temps de retrouver la santé (14BL2OF1) ?

Chez les 25-29 ans, l’incertitude plane encore davantage. Le fait d’être toujours en recherche d’emploi et d’avoir des difficultés financières sème le doute quant à sa capacité d’être autonome. « J’arrive serrée financièrement » (49BC3OF1). Un autre exprimera son doute en disant qu’il est incapable de se trouver un emploi ou de le garder lorsqu’il en a un (29AL3OG1). Une jeune femme dira qu’elle ne cherche pas l’autonomie parce que cela lui fait peur (13AC3OF2). Cette attitude ressemble à celle de plus jeunes qui viennent des Centres Jeunesse et qui ont peur de leur liberté nouvelle, la peur de ne pouvoir ‘arriver’, la peur de ses comportements (2BL1OF1).

L’expérience de la vie fera dire à un interviewé parmi les plus âgés qu’être autonome, c’est « être capable de se mettre dans la ‘marde’ et de s’en sortir » (30BC3OG1).

8.4.2 CEUX QUI NONT PAS EU RECOURS À DE LAIDE

Ces définitions et l’évaluation que certains font de leur état face à cette question de l’autonomie rejoignent-elles celles des quelques jeunes qui ont affirmé ne pas avoir sollicité d’aide d’organismes d’insertion jusque-là ? Il s’en trouve à tous les âges. Une jeune femme entre 15 et 19 ans affirmera qu’elle est autonome depuis un an parce qu’elle ne consomme plus depuis ce temps, qu’elle a un appartement, paye sa bouffe et qu’elle s’occupe de diriger son couple, son copain ayant un enfant et étant incapable de faire un budget. Elle affirme cependant avoir encore besoin d’un peu d’aide et donne comme indice qu’elle s’est fait mettre à la porte d’un emploi parce qu’elle fume (16AC1NF1). L’acquisition de l’autonomie pour un autre au même âge comporte une prise de distance : « ’… être capable de survivre par soi-même sans avoir tout le temps tes parents derrière : ‘Tu fais ta vie à toi !’ » (51BX1NG1).

Dans le groupe des 20-24 ans, un jeune homme dit avoir pris conscience de son autonomie lorsqu’il a appris à ses parents qu’il se mariait puisqu’il avait à ce moment-là un bon emploi (18AR2NG2). À souligner ici que ce jeune est un diplômé à la différence de tous les témoignages dont il vient d’être question précédemment qui n’ont pas de diplôme au moment de l’entrevue. Un autre, diplômé celui-là aussi, dit avoir appris de ses erreurs, être capable de gérer sa vie et d’aller chercher de l’aide au besoin : « Je n’ai pas besoin de quelqu’un pour me dire comment le faire » (53BL2NG2).

Le doute existe aussi dans ce groupe. Un jeune homme entre 25 et 29 ans voulait devenir autonome en retournant aux études. Mais l’emploi actuel ne le rend pas suffisamment autonome au plan financier ce qui le rend dubitatif quant à sa possibilité d’être autonome (1BL3NG1). La question de la formation est intervenue aussi dans une autre entrevue. C’est une jeune femme dans le même groupe d’âge qui affirme ne pas être autonome à cause de l’argent. Elle ne travaille pas dans son métier, ne peut se nourrir et nourrir son conjoint (48BC3OF2).

Conclusion

La cueillette d’information à propos des projets pour l’ici maintenant et pour l’avenir n’a pas été la plus fructueuse quant au volume des réponses obtenues, généralement brèves. Les difficultés du moment présent obnubilent probablement la possibilité de regarder au-delà. Que faut-il retenir de l’exercice ?

Le nombre de ceux qui mentionnent vouloir retourner aux études, en particulier parmi les 20-24 ans et les 25-29 ans montre que ces individus qui ont des difficultés d’insertion sociale et/ou professionnelle ont intériorisé l’idée de l’importance du

diplôme pour se trouver un emploi. L’intérêt ou le goût pour les études n’est cependant pas partagé de la même manière. Comme la plupart, sauf huit, ont eu recours à un organisme d’aide à l’insertion sociale et professionnelle, on peut formuler l’hypothèse que cette expérience a pu avoir quelque influence pour cet intérêt dont le type d’études envisagé comme pour les programmes courts et ceux conduisant au DEP principalement.

En ce qui concerne les projets de vie de couple, même chez les plus jeunes, ce peut ne plus être à l’état de projet. La vie avec un enfant est devenue une réalité même si elle n’a pas toujours été voulue comme le fait de vivre avec un conjoint qui a un enfant. D’autres peuvent en rêver mais cela semble plus fréquent de la refuser, en particulier chez les aînés. Pour une majorité, les projets se déclinent selon une séquence linéaire où passent le plus souvent en premier la capacité financière et donc l’emploi stable comme conditions de succès du projet. Les autres éléments en sont en partie une conséquence comme c’est le cas du logement.

Chose étonnante, la question de l’amour n’est pas souvent évoquée. Était-ce à cause de la façon de poser la question ? Dans la manière de décrire son rêve d’une vie de famille à la campagne, l’interviewée n’a confirmé la présence d’un mari comme en faisant partie qu’après que l’intervieweuse eut posé la question. Il y a beaucoup de déceptions amoureuses dans la façon de dire qu’on n’est pas prêt ni pour la vie de couple, ni pour la venue d’un enfant. Les jeunes hommes manifestent moins d’empressement que les jeunes femmes à vouloir un enfant.

Même si le travail occupe une place importante dans la vie des jeunes adultes parce qu’il procure les moyens d’accéder à autre chose, l’appartement est sans nul doute le bien le plus important pour la réalisation de l’autonomie au début de l’âge adulte. Le "char" pour un certain nombre ne vient pas loin derrière mais il est en compétition avec le voyage.

Même si la définition de l’autonomie est subjective, des conditions objectives font en sorte qu’on se perçoit autonome ou non ou qu’on a des doutes quant à sa possibilité de l’être. La question financière arrive en premier mais aussi l’état de santé pour certains parce qu’il conditionne la capacité de travailler, donc de gagner sa vie et de disposer de ce qu’il faut pour réaliser ce que l’on perçoit subjectivement comme étant l’autonomie : avoir son logement, se procurer les objets de consommation qui correspondent à la normalité dans le milieu fréquenté ou auquel on appartient.

Quelques différences se voient selon les âges. Même si ce n’est pas le fait de tous, la définition de l’autonomie chez les plus jeunes s’exprime dans le détachement d’avec la

famille ou des Centres Jeunesse, selon le cas. Chez les plus âgés, c’est moins le détachement d’avec une autorité ou une institution que le fait d’être capable d’assumer ce qui se produit après en avoir pris distance et qui a le plus d’importance : se loger, se nourrir, former un couple ou une famille. Chez les plus âgés, la notion d’expérience vient s’ajouter comme le fait de tenir compte de ses erreurs ou d’être capable d’évaluer la distance entre le projet et la réalité, entre autres, en lien avec la formation.

9. LA FRÉQUENTATION ET LA NON-FRÉQUENTATION DES SERVICES