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Bilan des expériences antérieures

Objet de ce rapport

3. LES DIMENSIONS DU RAPPORT AU TRAVAIL

3.3 Bilan des expériences antérieures

Rares sont les interviewés qui disent ne rien avoir retiré de leurs expériences antérieures de travail. Les expériences positives, sans nécessairement toutes les voir en tant qu’expériences de travail, ont pu l’être comme découverte de soi, de ce qu’on veut faire ou ne pas faire, et être comptabilisées dans la somme de nombreux apprentissages. 3.3.1 BILANS POSITIFS

Parmi les acquis mentionnés par les interviewés, il y a le fait, pour un certain nombre d’avoir cumulé plusieurs expériences de travail ce qui leur permet d’avoir une certaine connaissance du marché du travail. D’autres confirment avoir acquis de la polyvalence dans certains métiers et découvert de nouveaux types d’emploi.

Des interviewés mentionnent avoir développé des habiletés comme le travail en équipe, la communication entre les membres d’une même équipe, la responsabilité de soi et des autres. D’autres ont fait de nouveaux apprentissages comme la relation avec la clientèle, le travail avec le public, la polyvalence dans des métiers de la construction. Certains ont découvert leurs préférences quant à la taille de l’entreprise où ils aimeraient travailler, un autre, que cela pouvait être facile de se trouver un emploi (sa blonde en a trouvé huit en un an !).

Parmi les grandes découvertes, celle de soi : la capacité de s’adapter et d’être attentif pour apprendre, mais aussi la maîtrise de soi comme de « mettre de l’eau dans son vin » et de « ne pas trop s’emporter », de ne pas avoir peur du public et de parler. Quelques-uns affirment avoir acquis de la maturité, de l’autonomie, de la stabilité, de la confiance en soi, de la sociabilité et, pour certains, de l’endurance physique. La connaissance de ses intérêts fait aussi partie des acquis tout comme la recherche d’un certain environnement de travail : « ça m’a appris que les "mange-merde", je ne les veux pas à côté de moi » (47BL2NG1). Par le travail, certains se sont donnés un rythme de vie alors que d’autres ont confirmé leur besoin de changement.

Quelques-uns comptent parmi leur bilan positif le fait qu’« il faut aller à l’école pour avoir une bonne "job" » : « J’aurais plus été… "droite" à l’école. [...] Parce que j’aurais déjà fini mon école là, puis je serais déjà en train de travailler là » (28AC2OG1).

Avec l’aide d’un intervenant dans un organisme jeunesse, une interviewée a développé une compréhension des attentes du milieu du travail :

« Puis avant, j’avais la phobie aussi du public, ils (organisme) m’ont aidée à ne plus avoir la phobie du public parce je suis quand même quelqu’un qui parle assez bien, toute. Je ne voulais pas faire de job dans le public, je voulais comme être tout le temps en arrière, puis que personne ne me voit.

Mais là, j’ai commencé à être commis de plancher, puis après ça, vendeuse, puis toute, puis là des stages un peu ici et là, puis là ça m’a dans le fond débloquée. Ça m’a débloquée pour parler aux gens parce que avant je me sauvais, je voyais un client : « Ah ! ». Je me sauvais en arrière dans le « back store », puis j’attendais qu’il passe. Mais, c’est pas tout le temps le fun non plus pour la compagnie, on manque des ventes (rires) ! » (7BC1OF1).

3.3.2 BILANS NÉGATIFS

L’expérience de travail n’aurait rien appris ou aurait appris ce qui manque de ne pas travailler comme le fait de ne plus "voir de monde". Un interviewé affirme que ce ne sont pas les emplois qui l’ont intéressé, mais le fait d’avoir de l’argent pour pouvoir manger, se loger, sortir un peu et s’habiller « sinon c’est clair que c’est vraiment de la merde » (41AX3OG1). Certains y ont découvert ce qu’ils n’aiment vraiment pas, certains emplois comme le travail de caissier, le travail manuel. D’autres ont réalisé que de trop travailler fait détester l’emploi. Une jeune femme aurait appris qu’il ne faut jamais fréquenter (" sortir avec…") quelqu’un avec qui on travaille.

3.4 Attentes par rapport à l’emploi

Les personnes interviewées ont exprimé leurs attentes par rapport au type d’emploi, aux conditions de travail et aux employeurs. Le classement tient parfois compte d’une variable considérée socialement comme importante au regard du marché du travail, la scolarisation.

3.4.1 TYPE DEMPLOI SOUHAITÉ OU RÊVÉ

Parmi les 56 personnes interviewées, 41 font référence à l’emploi souhaité ou rêvé. Parmi elles, dix n’arrivent pas à nommer un secteur d’emploi, un métier ou une profession qu’elles aimeraient pratiquer (sept garçons, trois filles ; cinq n’ont aucun diplôme ; un a entre 15-19 ans, trois entre 20-24 ans et six entre 25-29 ans). Elles s’en tiennent à décrire un climat ou le régime de travail.

3.4.1.1 Emplois ou lieux d’emplois postulés

Les emplois ou lieux d’emplois postulés sont variés et font référence à tous les ordres d’enseignement comme exigence de base, ce dont il sera question plus loin. Les sans-diplômes nommeront certains métiers sans nécessairement tenir compte des exigences de scolarisation que cela posera ou, tout simplement, ne les connaissent pas. Il sera question de métiers acquis soit par un DEP ou un DEC, soit dans le contexte d’un programme d’insertion professionnelle : soudure, mécanique, électronique, électromécanique, opérateur de machinerie lourde, massothérapie, restauration, caissière, entretien de parcs, éducation spécialisée, policier. Cela pourra exiger des

études universitaires difficilement accessibles à des sans-diplôme du secondaire qui peuvent avoir entre 20 et 25 ans comme de vouloir devenir criminologue ou ingénieur dans l’armée pour construire "des grosses machines de mort" (47BL2NG1). Le travail de rue retient l’attention de certains probablement à la suite de rencontres avec des personnes qui occupent ce type d’emploi.

D’autres identifieront plutôt des lieux où ils aimeraient travailler : boulangerie, brasserie, poissonnerie, chocolaterie, épicerie ou grand magasin, chantiers de construction, centre de la petite enfance, armée, métier qui implique le voyage : sur un train, un bateau de croisière, un avion.

L’art (21BC3OF2), la création en attirent quelques-uns : studio de photo (15AL2OF1), tournée en humour (19BC2NG1), musique (2BL1OF1), création de jeux vidéo (40BL3OG1).

Les diplômés souhaiteront : une carrière artistique comme la sculpture, être journaliste, photographe, caméraman, dans un cirque ; un travail technique : technicien en radiologie, service de sécurité, massothérapie, construction de routes avec organisme qui aide l’environnement ; spécialisation en psychoéducation, pour faire des conférences, faire un métier dans la direction des communications. D’autres voudront pratiquer un emploi manuel à cause de problèmes de santé.

3.4.1.2 Régime de travail ou lien d’emploi souhaité

Un certain nombre souhaiteraient travailler à leur compte (41AX3OG1), être travailleur autonome, avoir leur petit commerce, travailler seul (à cause de problèmes de santé), dans un organisme public, à l’extérieur (plein air, pour que ça bouge).

Certains ne tiennent pas à un horaire fixe alors que d’autres, en réaction aux horaires atypiques, veulent ce type d’horaire, du temps plein, un emploi stable, dans un organisme public (en réaction aux conditions de travail du milieu communautaire), pas de travail de nuit. Certains souhaiteront avoir des congés à des moments fixes et non flexibles. Ceux qui retournent aux études voudraient, pour leur part, des horaires flexibles. Celui qui rêve d’un emploi qui lui permettra de voyager ne veut pas du "9 à 5" (30BC3OG1).

3.4.1.3 Conditions concernant la formation

L’écart entre le rêve et les exigences de formation apparait parfois si grand qu’il ne peut s’expliquer, en première approximation, que parce que ces jeunes ne connaissent pas les exigences des emplois auxquels ils aspirent ou affirment ne pas savoir ce que cela exige en termes d’études. D’autres savent ce qui les attend s’ils veulent réaliser leur rêve:

terminer un secondaire, avoir un DEP, avoir une attestation d’études, aller à l’éducation des adultes ou à l’université. Mais tous n’ont pas la même détermination pour le faire. Une jeune femme entre 15 et 19 ans veut y arriver (7BC1OF1) et un jeune homme au même âge ne le veut pas (51BX1NG1).

3.4.2 ATTENTES PAR RAPPORT AUX CONDITIONS DE TRAVAIL

Les conditions de travail ont passablement retenu l’attention, principalement autour du climat de travail, des avantages sociaux, de la rémunération et d’autres avantages personnels.

3.4.2.1 Climat de travail

Au moins huit des interviewés parlent du climat de travail qu’ils souhaiteraient connaître, qualifiant ce climat le plus souvent à partir d’une expérience de travail qui n’a pas toujours été positive : avoir un bon contexte de travail, un climat agréable, une ambiance au travail, un climat de respect entre collègue et avec l’employeur.

Cela peut aussi signifier ne pas être sous pression, c’est-à-dire, travailler à son rythme, se sentir respecté, ne pas se faire juger sur son apparence. Cela peut avoir un rapport avec l’encadrement matériel ou lieu de travail : travailler dans quelque chose de plus gros, dans un domaine où il y a de l’action, à l’extérieur (plein air).

3.4.2.2 Avantages sociaux

Outre le fait de vouloir faire de l’argent et d’être bien payé comme il en sera question plus loin, certains parleront d’avoir de la stabilité en emploi et de bons avantages sociaux, de travailler dans le secteur public après avoir essayé dans le secteur privé, de se retrouver dans un organisme (genre ONG), être rémunérés pendant la poursuite des études.

3.4.2.3 Rémunération

L’exigence d’avoir un emploi payant revient à quelques reprises : « 16 piastres de l’heure : c’est pas de même que j’envisage l’avenir » (41AX3OG1). « pas ma vie à salaire plafonné à 18 $ » (56BR3OG2). « plongeur : 13-14 $ pas moins » (52BX2OG1). 3.4.2.4 Autres avantages personnels

Certains avantages recherchés tiennent compte de limites personnelles comme de vouloir un emploi dont les exigences seraient plus souples pour tenir compte de ses capacités, un métier où on pourrait penser « à grandir », où on aurait le sentiment de se réaliser, où on serait seul parce qu’on se perçoit comme solitaire, quelque chose d’artistique, quelque chose de "hot" (pas seulement de la routine). Certains aimeraient

avoir un poste « qui a de l’importance » pour ne pas être un numéro mais sans avoir à monter dans la hiérarchie, avoir un poste qui serait plus avantagé.

3.4.3 ATTENTES PAR RAPPORT À LEMPLOYEUR

Parmi les interviewés, 43 ont parlé de ce qu’ils attendent de l’employeur, la plupart du temps à partir de la question posée par l’intervieweur. Plusieurs font référence à leur conception de ce que doit être un employeur ou un patron (boss), à leurs expériences antérieures ou à leurs problèmes de santé ou d’attention. Le rapport à l’autorité occupe beaucoup de place à ce chapitre.

3.4.3.1 Rapport à l’autorité

Comme il en a déjà été fait mention, le rapport entre employé et employeur a plutôt été négatif pour plusieurs. La phrase suivante décrit bien le type de rapport que les interviewés qui en ont parlé souhaiteraient avoir : « Tu sais un boss dans le fond qui fait attention à ses employés, qui ne s'en fout pas » (9BC2OF1). D’autres expressions sont aussi parlantes : un employeur égal à soi et une préférence pour le travail d’équipe (10AC2OF2) ; un patron qui ne soit pas supérieur aux employés comme « le triangle : persécuteur, sauveur, victime » (35BX3OF1). Le rapport avec l’employeur n’inclut pas d’attitude de réciprocité de leur part. À tout le moins, ils n’en parlent pas.

Certains expriment avec force une sorte de rejet de l’autorité : pas capable de sentir les personnes autoritaires (41AX3OG1) ; de la misère à se faire gérer : « Tu peux me demander de faire de quoi, ça me dérange pas, mais donne-moi pas un ordre » (46AR2OG1) ; me laisser faire ma job (30BC3OG1). L’obtention d’un diplôme devrait, comme de façon magique, tenir automatiquement à distance le patron trop autoritaire : « Justement, vu que j’ai sorti de mon cours, j’ai ma carte, normalement je n’ai plus à me faire crier dessus… » (37AC2NG2).

3.4.3.2 Conceptions de l’employeur

Une des attentes des jeunes face à l’employeur qui revient le plus souvent, c’est qu’il soit respectueux (16AC1NF1) (11BC2OF1). Cela signifie qu’il soit humain, honnête, compréhensif, en communication avec son employé, qu’il sache l’orienter, l’aider à corriger ses défauts, qu’il soit juste, clément (54AC1OG1), pas chialeur, amical, super attentif, ouvert d’esprit, « super cool », quasiment un ami (31AR1OG1)… « Comme en réinsertion, je sais que mon boss y me jugeait pas si j’étais habillée en punk de même, genre » (5BX2OF1).

Le patron ne doit donc pas être « du monde hystérique », puis stressant, qui aurait l’air marabout, puis méchant, pas hautain (18AR2NG2), pas tout le temps au garde-à-vous

(44BR2NG1). En d’autres mots : « Ne pas me faire crier après… » (7BC1OF1) (45AC2NG1) (43AR3NF2). Il s’agit d’un mal nécessaire : « Quand tu travailles, t’as un "boss", puis t’as pas le choix de l’écouter » (22BL10G1). « J’aime pas trop ça les employeurs, mais pas trop le choix » (29AL3OG1).

En référence à leur santé ou à leur difficulté, certains souhaiteront qu’il comprenne les maladies (exemple : trouble de déficit d’attention) (55AL2OG1), « Qu’il soit sensible à mon vécu » (13AC3OF2).