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1-2 Deuxième étape : deux camps ennemis et le problème des déplacements

LES ÉTAPES D’UNE RÉVOLUTION DRAMATURGIQUE

III- 1-2 Deuxième étape : deux camps ennemis et le problème des déplacements

Puisqu’il y aura, au cours de la pièce, un combat, on comprend que bon nombre d’auteurs soient tentés de placer l’action alternativement dans les deux camps ennemis, pour que chaque parti puisse susciter l’intérêt du spectateur. L’inconvénient sera d’avoir deux lieux différents à représenter sur scène, mais l’avantage est que ces lieux étant forcément proches156, l’unité de lieu, au sens large, sera pratiquement respectée et l’on pourra, en passant d’un camp à l’autre, faire alterner les points de vue. Reste alors le problème du nombre de va-et-vient entre les deux lieux. Quand l’auteur a déjà admis la nécessité de l’unité de lieu, le passage dans le camp adverse sera limité à un seul acte ou à une seule scène : c’est le cas de la Sophonisbe de Mairet. Mais souvent l’auteur reste attiré par la liberté qu’offrait la tragédie irrégulière, où les déplacements d’un camp à l’autre se faisaient pratiquement à chaque acte, sinon à chaque scène157, tout en opérant la transition vers la tragédie régulière. Les changements de lieu ne sont plus là pour matérialiser les changements de scènes. Au contraire, on comprend que la concentration du lieu est un moyen de mieux concentrer l’attention du spectateur / lecteur sur l’intrigue ou le discours politique. Le plaisir intellectuel (et classique) de la reconnaissance va bientôt remplacer le plaisir sensuel (et baroque) de la surprise. Peu à peu, au cours des années 1635-1640, les déplacements ont donc été de plus en plus limités, pour aboutir finalement à une stabilisation de l’action soit en un seul camp soit dans un espace intermédiaire entre les deux positions ennemies. Ainsi, par plusieurs étapes, mais progressivement et presque, dirons-nous, naturellement, s’impose l’idée du lieu unique pour représenter combat et défaite. Sophonisbe de Mairet, créée au Marais pendant la saison 1634-1635, est révélatrice de la volonté nouvelle d’unifier l’espace et de limiter le plus possible les déplacements. La

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Il s’agit, dans nos pièces, en effet, la plupart du temps d’un siège, le camp ennemi est donc établi au pied des remparts de la ville, les deux lieux opposés sont donc le camp et le palais du roi attaqué, palais qui peut parfois être divisé en plusieurs salles.

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Selon Eugène Rigal, les changements de lieu étaient à ce point intégrés au système dramatique du début du XVIIe siècle que l’auteur les utilisait comme repères pour diviser sa pièce lorsqu’il la publiait, « autrement dit, […] il comptait ses scènes par les changements de lieu », Le Théâtre français avant la période classique, éd. cit., p. 269.

scène est dans Cirte, ville de Numidie. Grâce au Mémoire de Mahelot, nous savons que la tragédie a été jouée

dans un dispositif presque unifié constitué, d’une part d’un ensemble de quatre chambres figurant le palais de Syphax, dont une ouvrante qui permettait, à l’avant- dernière scène de la pièce, d’exhiber la dépouille de l’héroïne reposant sur un lit de parade, et d’autre part, d’une cinquième chambre représentant le camp de Massinisse, probablement sous la forme d’une tente158.

Mairet nous fait passer du palais royal de Sophonisbe d’où, par exemple, celle-ci apprend la défaite de son époux, Syphax, roi de Numidie, au camp de Massinisse, le vainqueur, allié des Romains. Mais on constate que, dans sa volonté de se conformer à la régularité classique, il cherche à éviter le plus possible les changements de lieu, comme l’ont déjà souligné Jacques Schérer dans sa notice de l’édition de « La Pléiade » et Pierre Pasquier dans son édition du Mémoire de Mahelot159. Ainsi, le lieu de la bataille n’est pas montré, il est seulement habilement suggéré « hors champ », grâce à Phénice et Corisbé, les confidentes de Sophonisbe, que celle-ci envoie observer le combat :

Rendez-vous au sommet de la plus haute tour

D’où l’œil découvre à plein tous les champs d’alentour.160

Lors de leur sortie, la vraisemblance est respectée, puisque Sophonisbe restée seule dans la même salle du palais, met à profit cette solitude pour méditer sur l’amour qu’elle ressent toujours pour Massinisse (à qui elle fut autrefois promise), et ceci jusqu’au retour de ses confidentes, qui lui décrivent alors bataille et défaite. L’auteur parvient ainsi, par la commodité du récit tragique, à éviter la représentation matérielle d’un combat difficilement adaptable à la scène du théâtre du Marais et à susciter chez le spectateur, grâce à l’hypotypose, l’élaboration d’une représentation mentale. Aucun changement de lieu n’a été nécessaire et c’est seulement à la scène 1 de l’acte III, et uniquement dans cette scène- là, que nous passerons dans le camp de Massinisse, qui se réjouit de sa victoire et de la mort de Syphax et décide de se rendre au palais. Il y arrivera avec ses soldats à la scène 4, puis tout le reste de l’action s’y déroulera, avec cette ultime variation de décor au moment de la mort de Sophonisbe : son corps sera présenté dans une pièce masquée jusque là par une toile161. L’unité de lieu est donc pratiquement réalisée, et, même si deux camps sont

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Mémoire de Mahelot, éd. cit., p. 177.

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Notice de Sophonisbe dans Théâtre du XVIIe siècle, éd. cit., p. 1286 : « Les lieux, sans être unifiés de

façon stricte, comme ils tenteront de l’être quelques années plus tard, sont néanmoins très proches les uns des autres ». Introduction du Mémoire de Mahelot, éd. cit., p. 178 : « Partisan affiché du nouveau modèle dramatique élaboré par Chapelain, Mairet a en effet conçu une action qui se passe dans un nombre beaucoup plus restreint de lieux fictionnels ».

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Acte II, scène 1, v. 337-338, p. 681. 161

Caliodore, domestique de Sophonisbe, vient annoncer sa mort, à la scène 7 de l’acte V : « Et vous le pourrez voir de l’endroit que voici / En levant seulement cette tapisserie ». Voir ci-dessus, le dispositif scénique décrit dans le Mémoire de Mahelot.

effectivement présentés sur scène, on ne compte qu’un seul déplacement de l’un à l’autre. Cette avancée vers l’unité de lieu a peut-être une explication tout simplement matérielle. La salle du Marais où est jouée Sophonisbe est une nouvelle salle créée en 1634 dans le jeu de paume du Marais du Temple par Montdory, acteur soutenu par le comte de Belin, nouveau protecteur de Mairet. Elle est un peu plus grande que celle de l’Hôtel de Bourgogne162, mais surtout elle se trouve totalement affranchie de la dépendance au décor multiple qu’imposait la salle de l’Hôtel de Bourgogne. En effet, si l’on compare Sophonisbe à d’autres pièces contemporaines, où les auteurs ont fait le choix de représenter à parts égales deux camps, on s’aperçoit qu’ils n’ont pas le même souci que Mairet de maintenir l’action longtemps dans le même lieu. Au contraire, ils ont multiplié les déplacements, car les représentations ayant lieu dans la salle de l’Hôtel de Bourgogne, ils se retrouvaient dans la nécessité d’utiliser le décor compartimenté, héritage des Confrères de la Passion et apanage de l’Hôtel de Bourgogne. C’est, en tout cas, l’idée soutenue par Eugène Rigal qui considère que le décor compartimenté, héritage de l’Hôtel de Bourgogne, est à l’origine de la dérogation à l’unité de lieu, au début du XVIIe siècle :

En usage chez les Confrères de la Passion, il s’était installé avec eux à l’Hôtel de Bourgogne, et avec eux y était resté jusqu’à la fin du XVIe siècle. Le départ des Confrères ne l’en fit pas déloger, et ceux-ci le cédèrent, pour ainsi dire, avec ce qui leur restait de public, aux comédiens leurs successeurs ; c’était comme un fonds de commerce et une clientèle ; il fallait garder l’un pour conserver l’autre, et les comédiens n’y manquèrent pas. Aussi comprend-on que les pièces jouées par les comédiens fussent accommodées au système décoratif qui leur était imposé, et analogue en quelques parties aux anciens mystères des Confrères.163

Les goûts et les exigences du public accoutumé à ce système, certes fondé sur des conventions, mais si pratique et distrayant, n’ont changé que lentement. En ce premier tiers du XVIIe siècle, il reste encore attaché à la multiplicité des lieux164. Citant Rayssiguier dans la Préface de L’Aminte du Tasse (1631), Rigal rappelle que les spectateurs de l’Hôtel

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Dans l’Introduction du tome I du Théâtre du XVIIe siècle (éd. cit., p. XII), Jacques Schérer évoque la salle

du Marais et les conditions matérielles de représentation, dont l’importance n’est pas à négliger dans la généralisation de l’unité de lieu : « Le théâtre du Marais, comme d’autres entreprises théâtrales moins durables, était un peu moins à l’étroit parce qu’il s’était installé à l’origine dans un ancien jeu de paume ; il disposait ainsi d’un rectangle d’environ trente mètres sur dix pour y aménager une scène et une salle ». Pour l’ensemble des salles de spectacle, il rappelle l’indiscipline du public (« mais le gros du public doit se presser dans un vaste parterre, où, pour un prix modéré, il est debout, et souvent houleux. Quand la pièce a du succès, la salle ne suffit pas, et on est obligé d’admettre certains spectateurs sur la scène même »), et la petitesse des chambres dans le décor compartimenté, ainsi que la difficulté à manœuvrer le rideau (ce qui excluait le changement de décor en cours de pièce), des conditions difficiles donc qui ont conduit assez naturellement les auteurs à adopter l’unité de lieu, bien plus commode : « elle doit son succès autant aux raisons techniques qu’à un idéal esthétique ».

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Op. cit., p. 236.

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Cependant, c’est une période de mutation et les goûts sont en train d’évoluer. Rigal signale qu’une partie du public se montre de plus en plus réticente, dans ce début de XVIIe siècle, devant l’artifice d’un décor jugé « grossier et suranné ». Ces conventions « commencent à frapper les yeux clairvoyants par leur caractère de fausseté et d’étrangeté ; une partie du public s’étonne qu’elles puissent être acceptées par l’autre : une crise est commencée », ibid., p. 261.

de Bourgogne, à cette époque, « veulent que l’on contente leurs yeux par la diversité et le changement de la scène du théâtre »165. Ainsi en est-il de La Mort d’Achille de Benserade (publiée en 1636), où l’auteur utilise, comme dans Sophonisbe, l’alternance camp / ville, mais en y ajoutant un troisième lieu, le temple, et surtout en ménageant d’incessants passages d’un lieu à l’autre, risquant par cet éclatement de menacer l’unité d’action166. On peut également citer la pièce de Rotrou, Antigone167. En effet, on y retrouve les deux lieux antagonistes, le camp et la ville, mais avec une telle quantité de déplacements168 que, comme l’écrit J. Schérer, « l’auteur suit donc ses personnages, bien loin de les conduire en quelques endroits choisis ; il les suit partout où ils veulent aller »169. Le critique dénonce ici l’absence d’unité de la tragédie, les latitudes prises avec l’unité de lieu finissant par cautionner des latitudes semblables avec l’unité d’action.

Tous les dramaturges, néanmoins, ne suivront pas la voie de la facilité. Ainsi, on peut remarquer les efforts de la Calprenède, avec La Mort de Mithridate (tragédie jouée à la saison 1635-1636). Ici, les déplacements ne sont pas hasardeux. Au contraire, ils vont constituer le fonctionnement dramatique de la pièce. L’auteur situe la scène à Sinope, capitale du Pont, afin de respecter, précise-t-il dans son avis « Au lecteur », l’unité de lieu, malgré les incertitudes de l’histoire :

165

Ibid., p. 259.

166

La Mort d’Achille et la dispute de ses armes, Paris, Antoine de Sommaville, 1636. L’acte I se passe dans

le camp d’Achille : Priam, Hécube et Polixène, leur fille dont Achille tombe amoureux, viennent supplier Achille de leur remettre le cadavre d’Hector. Priam reconnaît la défaite probable de Troie, mais il espère encore (scène 3). On passe ensuite apparemment à Troie, dans le palais de Priam, à l’acte II, puisque Pâris est présent, et l’on change à nouveau de lieu dans ce même acte (scène 4), puisqu’Achille se retrouve face à Polixène (avec une indication scénique : une chambre paraît). On reviendra dans le camp d’Achille dans le début l’acte III (Achille refuse de se battre), on retourne dans le palais de Priam pour les scènes 4 et 5 et à nouveau dans le camp d’Achille à la scène 6. A l’acte IV, Achille se retrouve dans le temple d’Apollon, où il a donné rendez-vous à Hécube pour s’expliquer, après la défaite de Troie et la mort de Troïle, le plus jeune fils de Priam et d’Hécube : il est attaqué par Pâris et Deiphobe, autres fils de Priam et d’Hécube (scène 4), et il meurt sur scène, à l’arrivée d’Ulysse et d’Ajax (scène 6). L’acte V est consacré à la dispute de ses armes et à la mort d’Ajax, donc se passe sans doute dans le camp grec, d’où une justification de Benserade dans son avis « Au lecteur ». Il admet les reproches : « Je m’assure que l’on m’accusera d’avoir ici choqué les lois fondamentales du poème dramatique en ce que j’ajoute à la mort d’Achille, qui est mon objet, la dispute de ses armes, et la mort d’Ajax, qui semble être une pièce détachée, mais, je m’imagine que mon action n’en est pas moins une ». Il semblerait donc ici que l’unité de lieu ait compromis jusqu’à l’unité d’action.

167

Paris, A. de Sommaville et Thomas Quinet, 1639. 168

Nous passons du palais de Thèbes (acte I, jusqu’à la scène 5) à la tente de Polynice, qui se trouve sous les murs de la ville (I, 6). Polynice est toujours aux pieds des murs de Thèbes, mais l’épée à la main dans l’acte II, scène 1. Antigone l’interpelle au haut des murs à la scène suivante, puis Etéocle rejoint Polynice pour se battre avec lui et Jocaste s’interpose. On se retrouve à nouveau dans le palais dans l’acte III, d’abord dans la chambre d’Antigone puis sur les lieux de la bataille. En effet, Etéocle a demandé, un peu plus tôt (II, 4) à son frère de se battre en un autre endroit : « Choisissons ici près un champ plus spacieux / D’où l’un et l’autre camp nous considère mieux ». Plus tard, Antigone retrouve sur ce champ de bataille Argie, femme d’Etéocle, venue comme elle chercher son corps (acte III, scènes 6 et 7). Les deux derniers actes se passent dans le palais. La défaite d’Etéocle n’est pas « représentée », elle est rapportée par Hémon (III, 2). Les bienséances sont donc préservées, mais, comme on le voit, pas vraiment l’unité de lieu.

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Bien que l’Histoire ne nomme pas le lieu de la mort de Mithridate, je fais ma Scène à Sinope, comme une des meilleures villes de ses Royaumes, et où il est assuré qu’on lui fit des honneurs funèbres.170

Ainsi le lieu de la défaite est établi comme lieu de la mort de Mithridate, ce qui évite un changement et permet de circonscrire l’action aux deux camps ennemis171. Comme dans les pièces citées précédemment, on passe fréquemment d’un lieu à l’autre. Par exemple, nous sommes dans le camp de Pharnace, le fils de Mithridate, devenu l’ennemi de son propre père et l’allié des Romains, dans l’acte I, scène 1, et nous nous retrouvons dans le palais de Mithridate dès la scène 2, avec une indication scénique explicite : « On tire la tapisserie et Mithridate paraît avec Hypsicratée (son épouse) et ses deux filles ». C’est à ce moment- là que Mithridate fait le constat de sa défaite. Puis, on retourne à la scène suivante au camp de Pharnace ; celui-ci est accompagné de Pompée, une nouvelle indication nous le précise : « Ils sortent des tentes ». Un peu plus tard, fin de l’acte II, scène 5, un soldat prévient Pharnace que Mithridate et Hypsicratée ont tenté une sortie et se sont battus héroïquement et le début de l’acte III nous transporte à nouveau, par le biais de la tapisserie qu’on tire, dans le palais de Mithridate où les deux époux reconnaissent définitivement leur défaite. On retourne encore au camp de Pharnace dans la scène 2, et l’on passe ainsi alternativement d’un lieu à l’autre jusqu’à l’acte V. La tragédie se clôt dans la chambre du palais de Mithridate où le roi se suicide avec les siens et où Pharnace les découvre. Ce « ballet » de déplacements n’a pas pour seule ambition de distraire le spectateur, de lui présenter des images variées pour lui éviter l’ennui dans une conception très baroque de la scène, il semble conçu sur un rythme régulier, réfléchi. Comme l’a souligné Jacques Schérer dans la notice de la pièce, ce passage d’un camp à l’autre est un véritable processus dramaturgique :

Cette alternance entre les deux camps ennemis a lieu rigoureusement, une fois et une seule dans chacun des cinq actes. Mais à chaque fois l’intervalle entre la victime et le bourreau diminue. […] En fait, ce mouvement des lieux est le véritable moteur de l’action et de l’émotion, et La Mort de Mithridate est construite sur une sorte de travelling tragique.172

Le choix d’un lieu double est donc ici conçu comme le moteur d’une dramaturgie qui puisse générer l’émotion tragique. Un autre exemple confirmera les prémices d’une évolution et montre que certains auteurs préfèrent, dans ces années-là, comme La

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La Calprenède, La Mort de Mithridate [Paris, A. de Sommaville, 1637], dans Théâtre du XVIIe siècle, éd.

Jacques Schérer et Jacques Truchet, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1986, tome II, p. 146. 171

Le respect des unités est souligné par Lancaster (op. cit., part. II, vol. I, p. 63) : « The plot is simple, with

perfect unity of action, time that is less than twenty-four hours, and space that includes a palace by the city walls and a camp just outside them. ». L’intrigue est simple, avec une parfaite unité d’action, de temps qui

dure moins de vingt-quatre heures, et de lieu qui comprend un palais près des murs de la ville et un camp juste à côté d’eux. Nous traduisons.

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Calprenède, faire quelques entorses à l’histoire afin de ménager l’unité de lieu. Le Coriolan de Chevreau (joué et publié en1638173) se distingue de la version concurrente de Chapoton par un plus grand respect de l’unité de lieu, mais ceci au détriment de l’Histoire. Dans le récit de Plutarque, dont Chevreau s’inspire, Coriolan est tué chez les Volsques, mais par respect des unités, Chevreau a senti la nécessité de modifier cette fin. C’est ce qu’il explique dans son « Avertissement au lecteur » :

J’ai changé dans ce sujet une chose assez connue pour la mort de Coriolan, qui arriva chez les Volsques ; mais il faut considérer qu’il était impossible de mettre la Tragédie dans la sévérité des règles, et dans celle que l’on tient aujourd’hui si nécessaire, qui est l’unité de lieu, si je ne l’eusse fait mourir près de Rome.174

De ce fait, son Coriolan se limite lui aussi à deux lieux ennemis, le camp et la ville175, alors que celui de Chapoton, sans doute antérieur176, multiplie les lieux et les déplacements, comme l’explique Lancaster qui cite les indications scéniques les plus intéressantes de cette deuxième version177. Cependant, même chez Chevreau, ce « premier pas » vers l’unité de lieu ne garantit pas le respect des autres règles, les bienséances étant encore quelque peu malmenées178.

Par ces exemples, on peut voir que les auteurs se situent, à cette époque, dans une situation intermédiaire par rapport aux contraintes de l’unité de lieu : d’un côté, on constate

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Coriolan est ce jeune patricien, qui avait, dans un premier temps, sauvé Rome en repoussant les Volsques et en prenant leur capitale Corioles, (d’où son surnom) en 493 av. J. C. Mais, l’année suivante, la famine menace Rome et la plèbe réclame une distribution gratuite de blé venu de Sicile. Coriolan, soutenu par les