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Chapitre 1 Les phases η et δ dans les superalliages base nickel polycristallins

1.2. Les phases η et δ dans la littérature

1.2.1. Deux phases souvent confondues l'une avec l'autre

Les phases η et δ sont très souvent confondues l'une avec l'autre dans les superalliages base nickel. L’exemple le plus marquant est celui de l’alliage 718Plus où la phase η a longtemps été identifiée comme étant la phase δ [60].

1.2.1.1.

Les similitudes entre les phases η et δ

Les phases η et δ ont une séquence d’empilement et des paramètres de maille très proches (Tableau 1-7). Par exemple, le paramètre a des deux phases est similaire et le paramètre c de la phase η est égal au double du paramètre b de la phase δ. De plus on les retrouve dans les superalliages base nickel avec la même morphologie (lattes ou plaquettes). Les relations d’orientation entre les phases η et δ sont : (0001)η//(010)δ et [21̅1̅0]η//[001]δ. La similitude de réseau cristallin entre les deux phases est représentée sur la Figure 1-36.

Figure 1-36 : Maille orthorhombique de la structure de Cu3Ti, qui est la structure type de la phase δ (traits interrompus), décrite comme une maille ortho-hexagonale dans un réseau hexagonal (traits

pleins). L’axe b de la maille orthorhombique est parallèle à l’axe c du réseau hexagonal qui est perpendiculaire au plan de la figure. [4]

Royer et al. [13] avaient mis en avant la difficulté pour différencier la phase δ de la phase η car la maille orthorhombique de la phase δ, avec pour vecteurs de base a⃗ , b⃗ et c , peut être décrite comme un empilement pseudo-hexagonal de vecteurs A⃗⃗ , B⃗⃗ et C⃗ de la maille de la phase η avec les changements d’axes suivants :

a⃗ = 2A⃗⃗ b⃗ = C⃗ c = A⃗⃗ + 2B⃗⃗

Tableau 1-7 : Paramètres de maille des phases η et δ (à température ambiante) [3]

η-Ni3Ti δ-Ni3Nb a = 5,101 Å c = 8,307 Å a = 5,114 Å b = 4,244 Å c = 4,538 Å

Dans l’alliage ATI Allvac 718Plus, la nature des précipités aux joints de grains (Figure 1-15) a d’abord été identifiée comme phase δ [60], puis une autre étude a reporté avoir trouvé la trace d’une phase hexagonale de composition Ni3(Al,Nb) [61]. La difficulté de distinguer les phases η et δ a été mentionnée nécessitant des analyses complémentaires pour les différencier [62]. Pickering et al. [63] ont réussi à mettre en évidence que la phase aux joints de grains était principalement la phase η avec quelques bandes de phase δ dans les zones riches en Nb de la phase η, en quantité insuffisante pour qu’elle soit détectée au MET ou en DRX. Cette configuration permet d’accommoder les variations de composition locales dans la phase η (Figure 1-37). Le ratio entre les deux phases peut dépendre de l’histoire thermomécanique de l’alliage [64]. La présence de ces deux phases dans l’alliage 718Plus a également été confirmée par des analyses par DRX [65].

Figure 1-37 : Alliage 718Plus après revenu : (a) latte de phase η-Ni6AlNb; la très fine bande au contraste le plus clair correspond à la phase δ-Ni3Nb (MET-HAADF); et (b) empilement ABAB correspondant à la phase δ, placée "en sandwich" entre deux régions de phase η (MET-HAADF haute

résolution) [63]

La formation de δ dans η est déclenchée par une modulation dans la composition chimique de la phase η. L'énergie d’interface entre les deux phases η et δ est suffisamment faible pour qu’elles puissent croître en parallèle sous forme de lamelles tout en conservant leur caractéristiques chimiques propres [65].

1.2.1.2.

Les critères pour différencier les phases η et δ

Même si les phases η et δ sont difficiles à distinguer l'une de l'autre, elles sont parfois différenciables par leur composition chimique. La phase δ est en effet plus chargée en éléments lourds. Il a été montré, par exemple, qu’elle peut contenir moins de 2 % at. d’Al et environ 16 % at. de Nb (complétée avec du Ti et du Cr pour atteindre 25 %), tandis que la phase η contient jusqu’à 8 % at. d’Al et 8 % at. de Nb (également complétée avec du Ti et du Cr) [40]. Néanmoins, la différenciation des phases η et δ en comparant leur composition chimique est uniquement possible sans ambiguïté quand elles sont toutes les deux présentes dans l’alliage et quand l’alliage ne contient pas de phases supplémentaires (comme des carbures ou des phases TCP).

Cette différence en composition a aussi été utilisée pour distinguer les bandes de phases δ dans les lattes de phase η dans l’alliage 718Plus (Figure 1-38). On voit clairement que le Nb se concentre dans les bandes de phase δ tandis que l’Al et le Ti se trouvent dans la phase η [65].

Les phases η et δ peuvent adopter toutes les deux la même morphologie en forme de latte mais la phase δ peut également avoir une morphologie plus globulaire qui n'est jamais rencontrée pour la phase η. Une différence de morphologie entre les précipités de ces deux phases a été mise en évidence par une attaque chimique conduisant à la dissolution profonde de la matrice (Figure 1-39). La phase η apparaît sous forme de plaquettes très fines, tandis que la phase δ apparaît sous forme de réseau

43 interconnecté de plaquettes à grand rapport longueur/largeur. Les plaquettes de la phase η sont plus fines et moins nettes que celles de la phase δ et elles semblent se regrouper pour former des colonies. La phase η se forme d’abord sous forme d’aiguilles qui coalescent pour former des feuillets, ce qui rend ses extrémités effilées ou en dents de scie [40].

Figure 1-38 : Image HAADF (MET) et cartographies élémentaires (EDS-MET) d’une latte de phase η contenant de fines bandes de phase δ dans l’alliage 718Plus [65]

(a) (b)

Figure 1-39 : Morphologie de précipités révélés par une attaque chimique profonde :

(a) la phase δ dans un alliage Ni-10Cr-6Al-6Nb-3Ta-1Mo-0,5W (b) la phase η dans un alliage Ni-10Cr-6Al-6Nb-3Ti-1Mo-0,5W [40]

Notons tout de même que la différenciation des phases η et δ en utilisant uniquement leur morphologie reste propice à confusion.

La différentiation des phases η et δ de manière certaine consiste en une identification exacte de la structure cristalline des phases par des méthodes, par exemple, de diffraction électronique en microscopie électronique en transmission ou de diffraction des rayons X, qui réclament quand même une bonne connaissance de la cristallographie de ce type de phases.

1.2.2. Le comportement mécanique des alliages contenant les phases η