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deux modèles exemplaires d’institutions fermées

Dans le document Sociologie des sociétés fermées (Page 37-59)

Les institutions fermées... Vaste sujet d’étude. Trop vaste, peut-être, pour qu’il fût possible d’en balayer d’emblée et tous azimuts toutes les caractéristiques. Allions-nous commencer par évoquer pêle-mêle des ins- titutions telles que l’Assemblée nationale, la secte du Mandarom, la cel-

lule terroriste Al-Qaïda, le Grand-Orient de France, la Camorra, l’armée de terre, l’Église et ses monastères, les asiles, les maisons closes, les harems,

les maisons de redressement et les prisons ? Ainsi présenté, notre travail aurait sans doute ressemblé à un patchwork, et le lecteur se serait vite perdu dans le dédale des noms, des lieux et des attributs, sans forcément percevoir le fil directeur qui traverse et unit ces diverses entités. À ce stade de notre travail, il s’agissait plutôt de délimiter clairement les enjeux posés par notre problématique en les appuyant sur un nombre restreint d’illus- trations concrètes, et de créer ainsi un fil d’Ariane à partir duquel il serait plus facile, ensuite, d’ouvrir le champ et d’élargir les perspectives théma- tiques. Nous avons fait nôtre la remarque de Marc Augé, selon laquelle ce qui importe est la « représentativité qualitative » de l’objet empirique, représentativité qui permet d’affirmer que ce qui vaut pour tel cas vaut pour les autres cas et assied ainsi la « capacité de généralisation propre à l’ethnologue » (Augé, , p. -), soit le passage du cas pratique aux hypothèses théoriques. Ce passage aux hypothèses théoriques est l’objet de la seconde partie de l’ouvrage.

Les chapitres qui suivent présentent donc le mode de fonctionne- ment particulier de deux institutions semi-fermées, l’armée et la franc- maçonnerie, qui élaborent des hétérotopies, lesquelles « ont toujours un système d’ouverture et de fermeture qui les isole par rapport à l’es- pace environnant » (Foucault, , p. ). Or, nous verrons que cette première présentation appelle d’emblée des interrogations de nature communicationnelle. La compréhension du principe de fermeture, par exemple, implique une étude des relations (ou de l’absence de relations)

. Dans son ouvrage Un Ethnologue à l’Assemblée, Marc Abélès, en effet, la présente comme une institution fermée.

 Sociologie des sociétés fermées

entretenues avec l’extérieur, et de celles qui sont nouées, en interne, entre les membres de l’institution, problématique qui est d’ailleurs inséparable de la question de l’identité. Quant à la pratique du secret qui découle natu- rellement du principe de fermeture, elle rend nécessaire l’analyse des phé- nomènes de rétention d’information vis-à-vis des personnes extérieures au groupe et, simultanément, des procédés de partage de l’information — entraînant un resserrement du lien social — à l’intérieur du groupe. Enfin, la recherche systématique de l’ordre (et ses liens avec le désordre, comme facteur antagonique ou bien facteur auxiliaire dans certains cas particu- liers), dans ces organisations dont nous montrons qu’elles sont marquées par la complexité, soulève des questionnements proches de ceux que se posèrent la cybernétique et plus largement le courant systémique, dans les sciences de l’information et de la communication.

 Rapports ambigus de deux jeunes institutions semi-fermées en quête de légitimité

Là encore, consciente de l’ampleur de notre thème de recherche, et sou- cieuse de satisfaire une exigence de précision scientifique, nous avons délibérément restreint notre champ d’investigation à l’armée de l’air et à l’Ordre maçonnique mixte international Le Droit humain, ce qui ne nous a bien évidemment pas empêché d’évoquer ponctuellement d’autres forces armées et obédiences maçonniques au fil des pages.

Le choix de ces deux institutions nous est apparu pertinent à plusieurs égards. Au-delà du fait qu’elles présentent un caractère exemplaire pour notre thème, l’armée de l’air et Le Droit humain sont des institutions rela- tivement jeunes. La naissance de l’obédience Le Droit humain, en effet, date de la fin du xixesiècle. En outre, le fait qu’elle soit la première obé-

dience mixte lui confère un caractère original, dans la mesure où les ins- titutions fermées (ainsi que celles qui entretiennent des liens très forts avec le sacré, d’ailleurs) ont généralement tendance à procéder à une sépa- ration des genres, comme le rappellent Christiane Klapisch-Zuber et Flo- rence Rochefort. Il en va de même pour l’armée de l’air, beaucoup plus

jeune que ses consœurs puisqu’elle a vu le jour par un décret de ,

. La clôture « n’en reste pas moins le lieu d’une élaboration du genre spécifique, qui joue de l’interaction entre le masculin et le féminin, souvent autour de l’absence physique de l’un des deux sexes [. . .] Le genre peut se trouver réinstitué dans la non-mixité. La sépa- ration d’avec le “monde” a généralement imposé une séparation des sexes et elle a de ce fait réorganisé les codes de genre. La clôture rompt en principe avec le modèle de séduc- tion naturelle entre hommes et femmes... » (Klapisch-Zuber et Rochefort, , p. -).

Armée et franc-maçonnerie : deux modèles exemplaires 

et qui est également l’armée la plus féminiséeparmi ces institutions à

dominante masculine. Or, il nous paraissait important de pouvoir étudier des organisations sinon in statu nascendi, tout du moins en étant le plus proche possible de leurs conditions et modalités d’émergence. Par ailleurs, cette jeunesse institutionnelle a entraîné un besoin de crédibilité et une quête de légitimité qui se sont exprimés par la mise en place d’un sys- tème symbolique fort. Pour cette raison même, nous avons écarté de cette partie de notre travail l’étude d’une institution fermée et multimillénaire comme l’Église, et ce malgré l’intérêt qu’elle pouvait présenter, avec ses monastères et ses courants monachistes.

En outre, nous avons pu constater au cours de nos recherches que la dimension communicationnelle et anthropologique relative à ces deux institutions a été globalement négligée. La franc-maçonnerie et l’armée font principalement l’objet de recherches historiques. En France, la pre- mière, il est vrai, a donné lieu à quelques études sociologiques, philo- sophiques et linguistiques depuis trois ou quatre décennies, sous l’im- pulsion de l’I.D.E.R.M. (Institut d’études et de recherche maçonniques), créé par le Grand-Orient de France en , et de l’Institut maçonnique de France, créé en  par neuf obédiences, mais aussi grâce à des chercheurs comme Maurice Agulhon ou Pierre-Yves Beaurepaire, qui débordent largement la discipline historique pour embrasser la question de la sociabilité maçonnique et de son espace singulier. La seconde, elle aussi, a vu se développer un axe sociologique avec des chercheurs tels Raoul Girardet et Pascal Boniface, ou encore Bernard Boëne, François Gresle et Pascal Vennesson, qui ont suivi l’exemple de leurs confrères américains, les précurseurs Morris Janowitz et Charles Moskos. Le CSD. (Centre d’études en sciences sociales de la défense), lui aussi, participe du développement de ce champ. Cependant, les travaux portent essentielle- ment sur l’armée de terre. L’armée de l’air, moins importante en termes d’effectifs, plus technologique et moins traditionnelle en apparence, est la grande oubliée dans le panthéon académique des sciences humaines et sociales. Rares sont les chercheurs qui en font leur domaine de pré- dilection, en dehors de la veine historique, largement développée grâce au S.H.A.A (Service historique de l’armée de l’air) et au C.E.S.A (Centre d’études stratégiques aérospatiales). Béatrice Cormier () est l’un des rares chercheurs à avoir balayé le champ militaire en l’ancrant dans les sciences de l’information et de la communication, avec son mémoire d’Habilitation à diriger des recherches portant sur la problématique com- municationnelle pendant la guerre d’Indochine. Cependant, elle n’a pas

. Seul un service (le service de santé des armées) est plus féminisé que l’armée de l’air, qui devance nettement l’armée de terre, la marine nationale et la gendarmerie nationale (Klen, ).

 Sociologie des sociétés fermées

analysé les formes symboliques de l’armée. Et lorsque quelques cher- cheurs évoquent la question symbolique, comme c’est le cas avec André Thiéblemont () et Line Sourbier-Pinter (), par exemple, ce n’est pas sous l’angle simultané de la communication et de l’anthropologie,

dont nous entendons montrer qu’il permet une appréhension globale du mode de fonctionnement des organisations et des relations que celles-ci entretiennent avec leurs membres.

Ce champ peu exploré ne pouvait manquer d’aiguiser notre curiosité. Là encore, le thème de l’enfermement relatif aux religions nous est apparu trop souvent traitépour pouvoir être retenu, malgré l’intérêt qu’il pré-

sente. Nous avons tenu à baliser un terrain relativement vierge et à com- bler les lacunes existant dans ce domaine, tout en proposant une lecture synoptique. En outre, la possibilité que nous avons eue d’effectuer une analyse interne, allant bien au-delà de la simple observation participante, dans les institutions maçonnique et militaire, en qualité d’initiée et en tant qu’ancien officier, nous assurait de ne pas avoir une connaissance sim- plement livresque du sujet — comme cela aurait été le cas pour l’étude d’un groupe terroriste —, ou relative à une enquête de terrain superficielle (Bryon-Portet,  c). Enfin, nous avons pensé qu’au-delà des qualités intrinsèques que présentent les institutions maçonnique et militaire en tant qu’entités closes, c’est leur comparaison même qui constitue l’inté- rêt de la première partie de ce travail. Ainsi le lecteur pourra-t-il constater, peut-être avec étonnement, que ces organisations aux nature et objectifs extrêmement différents(l’une, bras armé du politique, dépend de l’État

et fait du combat le cœur de son entraînement, l’autre, société ésotérique souvent persécutée par les régimes politiques au cours de son histoire, vit dans une semi-clandestinité et vise à pacifier les rapports humains), pos- sèdent un mode de fonctionnement et des formes symboliques similaires à bien des égards.

Le franc-maçon fait partie d’une communauté d’initiés, qui cultive le sens du sacré. Il se distingue donc des non-initiés, qu’il baptise « pro-

. François Pernot, quant à lui, a abondamment analysé le mythe Guynemer, mais sous un angle essentiellement historique et littéraire.

. Voir par exemple les études menées par Jean Séguy et Jean Leclercq, ou encore l’ouvrage d’Olivier Faure et Bernard Delpal ().

. Les deux membres fondateurs du Collège de sociologie, Georges Bataille et Roger Caillois, s’appuyant sur les travaux de Georges Dumézil autour des figures de Mitra et de Varuna, considèrent d’ailleurs l’armée et les sociétés religieuses ainsi que les socié- tés secrètes (au sein desquelles ils rangent la franc-maçonnerie), comme des incarna- tions antithétiques du pouvoir, dans la mesure où la première représente la souveraineté « droite », l’extériorisation des conflits et le primat des problématiques temporelles, tandis que les secondes expriment la souveraineté « gauche » et tragique, les conflits intérieurs et la prépondérance des préoccupations d’ordre spirituel (Hollier, , p. -).

Armée et franc-maçonnerie : deux modèles exemplaires 

fanes » (pro-fanum, littéralement ceux qui se trouvent devant le temple et non en son sein), afin de marquer la différence opposant deux pos- tures, deux façons d’être au monde : celle qui consiste à rechercher la lumière de la connaissance capable d’éclairer et d’élever l’esprit, ainsi que le veulent les traditions engagées dans une gnose, et celle qu’il définit, à l’inverse, comme une existence impensée, dominée par des préoccupa- tions égotistes ou d’ordre matérialiste, notamment. La démarche initia- tique du franc-maçon (Étienne, ), et la frontière que celle-ci dresse entre l’ombre et la lumière, la connaissance et l’ignorance, la fraternité et l’individualisme, constituent un premier critère distinctif entre la com- munauté maçonnique et la société profane, en théorie du moins. Une première fermeture intérieur/extérieur se réalise donc au plan moral et spirituel.

Mais cette fermeture est également culturelle, puisque l’enceinte du temple réunit des hommes et des femmes qui partagent les mêmes valeurs, symboles et pratiques rituelles. Cela est manifeste lorsque le Véné- rable Maître demande au Premier Surveillant que soit accompli le second devoir d’un surveillant en loge, à savoir s’assurer que tous les individus pré- sents sont francs-maçons. Les participants se lèvent alors et exécutent de la main le signe consacré, afin de prouver qu’ils connaissent le code qui est en vigueur au sein de la communauté. Plus généralement, l’ensemble des mots, signes de reconnaissance et attouchements maçonniques consti- tuent un système symbolique spécifique, lequel rassemble les francs- maçons et exclut les individus qui n’y adhèrent pas. Enfin, la dimension ésotérique des travaux maçonniques creuse de facto un écart entre ceux qui possèdent les clés interprétatives des éléments symboliques soumis à une lecture herméneutique, et ceux qui les ignorent (« telle est la voie symbolique : impossible de comprendre sans y être compris soi-même », déclare ainsi Louis-Marie Chauvet ()). Proche du sacré, qui sépare les initiés des profanesnotamment, l’ésotérisme, en effet, signifie étymolo-

giquement « faire entrer », c’est-à-dire permettre à quelques rares élus de pénétrer un sens caché, par opposition à l’exotérisme (Hutin, ). Enfin, la loi du silence qui prévaut au sein de l’institution ajoute encore à cette fermeture du groupe sur lui-même (les francs-maçons prêtant serment de ne révéler ni la nature de leurs rites, ni l’affiliation de leurs confrères), tout comme le mode de recrutement des adeptes, qui se fait essentiellement par cooptation.

Preuve tangible de cette fermeture, l’entrée du temple au sein duquel les francs-maçons effectuent leurs travaux, au cours de réunions appe- lées « tenues », est interdite aux regards indiscrets, excepté dans le cadre

 Sociologie des sociétés fermées

très exceptionnel des tenues dites « blanches », ouvertes aux profanes. Cer- tains rites intègrent d’ailleurs cette fermeture de manière très officielle. Par exemple, le rituel d’ouverture des travaux au grade d’Apprenti du R.É.A.A. (Rite Écossais Ancien et Accepté), stipule que le premier devoir d’un sur- veillant en loge est de s’assurer que le temple est « couvert », c’est-à-dire que la porte en est dûment fermée et que « les profanes sont éloignés ». Le temple délimite ainsi l’espace proprement maçonnique, à l’intérieur duquel les initiés se retrouvent et travaillent à huis-clos. En troisième lieu, la fermeture est donc de nature spatiale et fonde une hétérotopie, qui permet d’accueillir concrètement l’imaginaire nourri par l’Ordre. Elle est clairement matérialisée par des murs sans fenêtres, des portes et des ver- rous. Par ailleurs, elle est renforcée par l’anonymat des francs-maçons, qui tiennent généralement secrète leur appartenance à la confrérie, et la relative clandestinité dans laquelle se pratiquent leurs activités.

Ses détracteurs reprochent également à la franc-maçonnerie d’être fermée d’un point de vue social. Ainsi Sophie Coignard () a-t-elle dénoncé, dans un récent ouvrage que son auteur prétend être une enquête de terrain objective, ce qui constitue selon elle un club affairiste, ne regrou- pant que des hauts fonctionnaires de l’État et de grands chefs d’entre- prise désireux de grossir leur carnet d’adresse et d’étendre leur champ d’in- fluence. Or, si ce travers peut être effectivement relevé dans certaines loges parisiennes et quelques loges de la région PACA où éclatèrent d’impor- tants scandales politico-financiers vers la fin des années , il ne semble pas être représentatif des ateliers provinciaux, qui constituent pourtant le cœur de la franc-maçonnerie en termes d’effectifs. Lors des nombreuses tenues auxquelles nous avons assisté, nous avons pu constater que toutes les catégories socioprofessionnelles étaient représentées, y compris les plus modestes. Le brassage social constitue d’ailleurs l’un des principes de base théoriques de l’Ordre — au même titre que le brassage des idéo- logies politiques et religieuses —, lequel s’efforce de réaliser un modèle interculturel (Bryon-Portet,  d).

Outre les frontières qu’elle impose vis-à-vis de l’extérieur, la franc- maçonnerie, enfin, établit des frontières internes. Elle distingue par exemple les « loges bleues » relatives aux trois premiers degrés maçon- niques et les « loges de perfection » consacrées aux hauts grades, étant entendu que la démarche initiatique est de nature processuelle et implique donc une progression scalaire, une accession à la connaissance qui s’effectue par étapes et paliers successifs. Ainsi un Compagnon n’est-il pas autorisé à participer à une tenue se déroulant dans les loges de per- fection. Il n’a pas non plus la connaissance des symboles, mots, signes

Armée et franc-maçonnerie : deux modèles exemplaires 

et attouchements associés à ces degrés supérieurs, ni même au edegré,

qui correspond au grade de Maître. Une séparation assez nette est égale- ment dressée entre le genre masculin et le genre féminin par bon nombre d’obédiences, puisque la plupart d’entre elles ne sont pas mixtes. Le pro- cessus séparatif de nature spirituelle, spatiale et culturelle que l’on relève entre communauté maçonnique et société profane se retrouve donc, à un moindre niveau, au sein même de l’institution. Et c’est là un trait commun à la plupart des institutions fermées, qui sont extrêmement hiérarchisées.

Un même principe de fermeture et de séparation régule l’existence des militaires. Dans un article consacré aux soldats des anciens Bataillons d’Afrique, Muriel Salle () fait remarquer qu’« à l’instar du monde reli- gieux, le monde militaire peut être considéré comme un univers clos : y entrer, c’est quitter la vie “civile”, en prendre l’habit — voile, froc ou uniforme —, en accepter les règles spécifiques aussi». Or cette clôture

nécessite la mise en place de procédures spécifiques. Lorsque les nou- veaux engagés arrivent pour la première fois sur un site militaire, ils sont d’abord soumis à un processus de mise en conformité administrative puis d’acculturation. Après le traditionnel passage chez le coiffeur (qui s’expli- quait jadis par des exigences de nature hygiénique mais qui est devenu, au fil des ans, un rite de passage à part entière), puis la visite médi- cale qui doit confirmer l’aptitude physique et psychologique des futurs militaires, ceux-ci commencent un long circuit auprès de différents ser- vices : remise de documents et d’attestations en tous genres, réception du paquetage, composé de tenues et d’objets spécifiques, tels que treillis, rangers, tenue de cérémonie, casque lourd, sac-à-dos... Mais aussi signa- ture de contrat auprès de l’autorité juridique compétente, et délivrance d’un badge d’identification tenant également lieu de laissez-passer, et dont le port est obligatoire.

. Le R.É.A.A., par exemple, comporte trente-trois degrés.

. Cela n’a rien de surprenant si l’on se rappelle que la problématique de la hiérarchie recouvre la problématique du sacré conçu comme élément séparé, supérieur, transcen- dant, ce que traduit d’ailleurs son étymologie : la hiérarchie, en effet, évoque originelle- ment le pouvoir sacré, le mot étant construit à partir du grec « hieros » (« sacré ») et « arkhê » (« pouvoir », « commandement »). Or nous verrons dans la deuxième partie de cette étude que la plupart des institutions fermées entretiennent des liens privilégiés avec le sacré, sacré que les dispositifs symboliques, en tant que moyens de médiation, sont aptes à cultiver et à évoquer.

. Georges Bataille, quant à lui, définit l’armée comme un « corps étranger », un « “corps constitué”, un monde refermé sur lui-même, différent de l’ensemble, d’autres corps consti- tués », et la présente comme un « État dans l’État » (Hollier, , p. , p.  et p. ), expression qu’une journaliste comme Sophie Coignard () utilise également à propos de la franc-maçonnerie.

 Sociologie des sociétés fermées

Une attention toute particulière doit être accordée à ces deux dernières démarches, car elles concrétisent le passage de la vie civile à la vie militaire Le contrat, en effet, officialise l’intégration de l’individu dans sa nouvelle structure. Quant au badge, étant nécessaire pour pouvoir pénétrer au sein d’une enceinte placée sous haute surveillance, il matérialise la séparation que l’engagé connaîtra désormais entre le « dedans » et le « dehors », et

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