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Matériel et méthodes

C. Le deuil du soignant

Le décès de patients génère chez le soignant un stress majeur à l’origine de symptômes psychologiques. « L’existence de signes psychologiques après la mort d’un malade est massivement admise »(9).

Non seulement le soignant éprouve une angoisse à accompagner un malade mourant mais une fois la mort venue, il a un travail de deuil à mener. Ainsi la survenue de la mort d’un patient constitue pour chacun des soignants un deuil.

Le deuil est « un état de perte s’accompagnant de détresse et de douleur morale pouvant entrainer une véritable réaction dépressive et nécessitant un travail intrapsychique dit travail de deuil pour être surmonté. »

Le deuil normal passe par plusieurs phases : Après une phase d’abattements et d’incrédulité suite à l’annonce du décès, vient ensuite une phase marquée par des symptômes dépressifs. Le deuil se termine par une phase d’adaptation permettant le détachement de l’objet disparu (10).

Dans ce sens, les soignants, suite à la perte d’un malade, sont les acteurs d’un processus de deuil.

Dans certains cas, le deuil peut être pathologique. Il s’agit alors d’un retard ou d’une mauvaise évolution du travail de deuil. La durée du deuil se prolonge alors sans aboutir à la phase d’adaptation. Il peut s’agir d’un déni pathologique, d’une culpabilité pathologique, d’une identification pathologique, voire dans certains cas extrêmes une addiction ou des pathologies psychotiques (11).

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Dans cette situation, un certain nombre de facteurs de risque sont à noter chez le soignant (12) :

 La jeunesse des patients  Le sentiment d’auto-reproche  La fatigue

 La répétition des deuils  Les problèmes au travail  Les problèmes personnels

Il existe un risque majeur notamment pour les soignants s’investissant complètement dans leur métier et n’ayant pas une vie personnelle satisfaisante.

D’après nos résultats, la majorité des soignants (59,3%) présentent une réaction de deuil de faible intensité. Seuls 3,7% des soignants interrogés ont vécu un deuil pathologique en s’adonnant à des conduites addictives.

Ainsi, ces réactions peuvent aboutir à un dénigrement de sa fonction, par le soignant, à des rapports tendus entre soignants et au maximum un « Burn out syndrom » ou syndrome d’épuisement professionnel.

D .Le syndrome d’épuisement professionnel

Les soignants, fortement investis dans la relation à l’autre, sont soumis à des tensions émotionnelles, mentales et affectives pouvant entrainer un épuisement. Cet épuisement est une source de souffrance aux conséquences physiques et psychologiques.

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Le Burn out est l’expression habituelle de dépression des soignants. Ce syndrome d’épuisement professionnel, décrit par Veil en 1959, ou Burn out (Freudenberger 1970) est la conséquence d’un stress prolongé aboutissant à un état de souffrance extrême (13).

Maslash et Jackson ont donné une définition du Burn out sur laquelle la majorité des chercheurs s’accordent. Il s’agit d’ « un syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accomplissement personnel qui apparait chez les individus impliqués professionnellement auprès d’autrui »(14).

Ce syndrome est fréquent dans les spécialités confrontées à la fin de vie telles que l’hématologie ou cancérologie et la réanimation.

L’épuisement professionnel sera la conséquence de la perception et de l’interprétation qu’a le soignant de la situation stressante qu’il vit ainsi que de la qualité des capacités relationnelles du soignant exposé au stress.

La symptomatologie du Burn out présente les caractéristiques des séquences névrotiques d’adaptation réunies autour d’un épuisement émotionnel, d’une mésestime de soi dans le travail et surtout de la déshumanisation dans la relation à l’autre. Ce dernier point étant spécifique des professions d’aide à la personne.

Les symptômes de l’épuisement professionnel sont donc multiples. Ils peuvent être :

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 D’ordre comportemental (irritabilité, agressivité, absentéisme, …)  D’ordre affectif et intellectuel (dépression, troubles de concentration

…)

Pour Goldenberg, « l’idée est que le soignant est usé jusqu’à la trame, véritablement consumé, par son travail »(15)

L’accumulation des frustrations, telles que des décès de patients, va entrainer chez le soignant, à la longue, un épuisement à la fois physique et psychique entrainant un développement de l’image de soi inadéquate, d’attitudes négatives dans le travail et une perte des intérêts et des sentiments envers les malades.

Bien que nos résultats aient montré que sur le plan professionnel, les réactions des soignants ont été normales, avec 61,1% du personnel questionné qui ont repris une activité professionnelle normale, des symptômes d’épuisement professionnel ont été notés chez certains soignants dans les semaines qui ont suivies le décès. Nous avons pu relever des symptômes d’ordre psychosomatique avec 25,9% de personnes qui se sont senties fatiguées et sans énergie. Nous avons retrouvé aussi des symptômes d’ordre affectif marqués par un désintérêt des choses habituelles de la vie qui ont touchés 14,8% des personnes.

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II. LES DIFFERENTS TYPES D’AIDE ENVISAGEABLES POUR LES SOIGNANTS

La preuve de l’existence d’une réelle souffrance psychologique des soignants suite au décès d’un patient étant établie, nous nous sommes attachés, dans cette partie, à proposer des solutions pouvant aider les soignants à atténuer cette souffrance.

Ces solutions sont les suivantes :

 Une formation sur l’accompagnement des patients en fin de vie.  Des groupes de paroles au sein de l’institution hospitalière  Un soutien psychologique individuel

En 1989, Villatte et Logeay, mènent une étude de psychopathologie du travail concernant le soignant et la mort. Celle-ci a permis de mettre l’accent sur le fait que la régulation collective de la souffrance des soignants, en raison de la survenue d’un décès, est fonction de la place faite à la parole dans l’organisation du travail.

Ils concluent que l’accompagnement des mourants ne peut avoir de sens sans un accompagnement des soignants dans des groupes d’expression internes aux services qui favorisent le travail de deuil (16).

Ces solutions proposées sont donc complémentaires et visent à diminuer la souffrance des soignants et faciliter le travail de deuil à la suite d’un décès.

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