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Detroit, ville en ruine et nouvelle attraction touristique

La ville de Détroit, ville fantôme frappée de plein fouet par la crise économique a été déclarée en faillite le 18 juillet 2013. Une faillite provoquée par une baisse de la population, passée de 1,85 millions en 1950 à 710.000 en 2010, plus assez pour «maintenir l’infrastructure fixe ou pour payer les retraites qui ont été gagnées en des temps plus prospères. Aujourd’hui elle est en ruines. La ville n’a même pas les moyens de démolir ses établissements abandonnés. Selon le LA Times, Détroit compte 78.000 bâtiments délaissés et le coût de démolition pour chaque structure s’élève à 8.000 dollars, un montant trop élevé pour une ville en faillite. Sur les 142,9 km2 de la ville, 85% ont connu une baisse de population. Il reste certes des habitants, mais les investisseurs eux n'ont pas l'air de se battre pour reprendre la ville en mains.

Mais Détroit a plein de ressources et certains de ses habitants ont trouvé des solutions pour attirer les touristes: des visites guidées. Les locaux voudraient que les visiteurs voient le bon côté du nouveau Détroit, «tels que les champs abandonnés que les agriculteurs entreprenants ont transformé en jardins urbains». Mais rares sont les visiteurs qui se joignent à leur cause.93

"Ceux qui n'ont pas de boulots et cherchent à survivre se transforment en pilleurs de cuivre, et les rues s'éteignent. Ceux qui sont contraints d'abandonner une maison dont ils ne peuvent plus payer les traites, mais qui ne vaut plus rien, y mettent le feu dans l'espoir de toucher l'assurance. Il suffit de poser la lampe de chevet sur la couette en synthétique, de partir en laissant la lumière allumée. Le chef du département des pompiers a fini par suggérer de laisser brûler, parce que les interventions coûtent trop cher, et qu'il y en a trop. Une blague circule en ville : que la dernière personne à quitter Detroit éteigne la lumière. On dirait que c'est arrivé."94

Aujourd'hui, la ville tente de conjurer ce déclin. Ainsi montre-t-elle certains signes de renaissance dans quelques quartiers, notamment dans le centre-ville et le long de la rivière, et les relations avec le milieu des affaires sont rétablies. Néanmoins, la population municipale continue sa chute: Détroit a perdu un quart de ses habitants entre 2000 et 2010.

Les mouvements autonomes d'autogestion, reprenant en grande partie le mouvement des Piqueteros, en Argentine, dans les années 1990, apparaissent à la suite de la crise économique. Leur mode de vie est basé d'une

93 Le Seigneur Alexandra, "Detroit, ville en ruine et nouvelle attraction touristique", Slate.fr, décembre 2013 94 Reverdy Thomas B., "Il était une ville", éditions Flammarion, 2015, 268 pages, dans la description du livre

part sur le « Do It Ourselves » (« faisons-le nous-mêmes »), reprenant le mouvement international du "Do it yourself" ("fais-le toi-même"), dont l'un des grands principes est la réappropriation de la production par des moyens simples, permettant de s'affranchir des industriels ayant délocalisé .et, d'autre part, sur la consommation collaborative: jardins communautaires improvisés, entraide collaborative pour l'isolation des maisons, réutilisation des technologies pour la fabrication à la manière des fab lab et débrouille en tout genre.

Si elles restent très hétérogènes dans leurs réalisations (gestion communautaire du foncier, agriculture urbaine, destruction stratégique de logements, etc.) et dans les modes d’action qu’elles promeuvent95, ces stratégies ont pour point commun de proposer une approche renouvelée des phénomènes de décroissance, dans laquelle le déclin n’est plus appréhendé comme un problème en soi, mais comme une opportunité pour le redéveloppement de la ville sur une base différente des canons de l’entrepreneuriat urbain 96. Ces stratégies marquent une rupture dans l’urbanisme occidental, car elles envisagent une déconnexion entre croissance économique et croissance démographique : l’acceptation et l’accompagnement de la décroissance démographique sont désormais conçus comme des leviers permettant de renouer avec le développement économique et social, tout en améliorant la qualité de vie de la population locale par la dé-densification, la concentration des services et équipements publics, ainsi que la création de parcs et de jardins à finalité alimentaire.

En France, rien de comparable. Les politiques de décroissance urbaine sont inexistantes et la thématique même du déclin urbain n’est entrée, ni dans le débat public, ni dans le débat politique97. Or actuellement, la majorité des villes françaises en déclin poursuit la mise en place de politiques urbaines « entrepreneuriales » visant à attirer des firmes et des catégories sociales ciblées98, alors même que ce type de stratégie apparaît largement inadapté à un contexte de décroissance et s'avère souvent économiquement inefficace et socialement injuste99.

95 Initiatives municipales appuyées par les habitants aux États-Unis, initiative du gouvernement fédéral par le biais du Stadtumbau Ost de 2000 en Allemagne

96 Beal V., Rousseau M. (2014), "Alterpolitiques !", Métropoles, n° 15, metropoles.revues.org, 2014

97 Cunningham-Sabot et Fol, S., "Shrinking Cities in France and Great Britain: A Silent Process?", in K. Pallagst

et al., The Future of Shrinking Cities, Center for Global Metropolitan Studies, Berkeley, University of

California, 2009, p. 24-35,

98 Harvey D., From managerialism to entrepreneurialism: the transformation in urban governance in late

capitalism, Geographiska Annaler B, vol. 71, n° 1, 1989, p. 3-17.

99 .Miot Y. Face à la décroissance urbaine, l’attractivité résidentielle ? Le cas des villes de tradition industrielles

de Mulhouse, Roubaix et Saint-Étienne, Thèse de doctorat en Urbanisme, Université Lille 1, 2012

Rousseau M. Vendre la ville (post-)industrielle. Capitalisme, pouvoir et politiques d’image à Roubaix et à

Pour preuve, l'invitation lancée aux élus français le 9 septembre 2016 par La gazettes des communes :

Madame, Monsieur,

La Gazette des communes organise la conférence « Développement des métropoles », le 29 novembre 2016 à Paris.

Alors que 15 métropoles ont été officiellement reconnues et que plusieurs autres grandes villes françaises sont en passe d’accéder à ce statut, l’objectif pour ces structures est clair : devenir les « moteurs de la croissance

française ».

Gouvernance, financement de projets d’infrastructure, attractivité économique du territoire : au cœur de

l’actualité, cet événement sera l’occasion de réunir des élus, DGS et DGA de grandes agglomérations afin d’échanger sur les problématiques majeures des métropoles et de leur territoire.

PARTIE 2

LA TROISIEME REVOLUTION :