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Bretagne – Renaissance et Bagdad café à Trémargat Une preuve éclatante que l’on peut

vivre autrement.

Comme le film Bagdad café143, Trémargat est un hymne à la différence et à la solidarité empreint d'optimisme, d'humour, d'amitié et d'énergie.

Trémaroad Kafé est le lieu de rencontre des villageois. Un lieu qui leur ressemble, géré par une association à but non lucratif (tous les membres en sont co-présidents), dont le local appartient à la mairie.

Le café fonctionne avec deux salariés à mi-temps, et une quinzaine de bénévoles.

Les membres de l’association en sont tous les co-présidents.

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Car Trémargat n'est pas un village tout à fait comme les autres...

Tout a commencé en 1970 où la commune, comme tant d'autres, souffre de l'exode rural. La terre y est peu chère et disponible, ce qui a amené une première vague de "néo-ruraux" sensibles à la préservation de l'environnement à s'installer. L’hémorragie démographique est stoppée depuis le début des années 1990 par la venue d'une seconde vague qui amène au village des potier, artisans, coiffeur, restauratrice...

La population a considérablement rajeuni – une trentaine d’enfants aujourd’hui – et la commune, qui rassemble 188 habitants, ne peut plus satisfaire toutes les demandes de personnes souhaitant venir s’y installer.

Trémargad est, depuis vingt ans, un laboratoire à ciel ouvert de projets alternatifs. Ses habitants soutiennent l’installation de paysans, s’approvisionnent dans une épicerie de produits bio et locaux, s’éclairent avec Enercoop, se retrouvent dans le café associatif, et prennent part à toutes les décisions.

Car Trémargad est aussi un exemple de démocratie participative où l'on se concerte, décide et agit ensemble depuis 1995, avec la volonté de promouvoir l’écologie et la solidarité, deux valeurs qui structurent le mode de vie au village.

Le maire est ainsi élu pour un mandat unique qu'il entame par une vaste concertation avec les habitants. En découlent les grands axes et le programme pour la durée du mandat.

Cela ne veut pas dire que tout est rose à Trémargad, comme l'explique Jennifer Corbeau, une jeune agricultrice élue au conseil : "Ça ne se fait pas tout seul. Il y a des clashs, des désaccords, des débats interminables, des projets

143 Bagdad café, film Ouest-allemand /Américain, de Percy Adlon, sorti le 20 avril 1988

qui n’aboutissent pas, des gens qui ne participent pas. Mais dans l’ensemble, ça fonctionne. Car la plupart des gens vivent là, partagent un même état d’esprit et sont emportés par cette dynamique collective. Ça donne envie de s’impliquer à son tour."

La participation des habitants ne se limite pas aux décisions : en 2013, un projet d’aménagement est lancé pour réhabiliter le village. Un cabinet consulté propose un projet classique bétonné, avec un devis de 120 000 euros, la quasi totalité du budget annuel de la commune, impensable. La mairie fait donc appel aux bonnes volontés pour créer un théâtre de verdure au cœur du village. "Les paysans sont venus avec leurs tracteurs, les charpentiers ont construit une pergola. C’est bien plus joli et cela n’a coûté que 12 000 euros."

Ce projet n'est qu'un exemple parmi d'autres, qui démontre que la participation et la solidarité, sont au cœur de tous les domaines : politique, culturel et économique. Yvette Clément, maire du village, fait référence à Pierre Rahbi : "On pratique la politique du colibri, et chacun fait sa part. Plus qu’une terre, les habitants partagent une volonté de vivre ensemble, autrement, au service de valeurs communes : l’écologie, l’entraide, et la décroissance."

L'épicerie du village, qui propose des produits bios et locaux, située à coté du café, rencontre un succès qui dépasse toutes les attentes. Elle est gérée par une association qui fonctionne elle aussi grâce aux bénévoles, et les horaires d’ouverture sont choisis en fonction des demandes. Un système d’abonnements, qui permet d’acheter à prix coûtant, a été mis en place pour constituer une base de clients fidèles. Ceux-ci viennent de Trémargat et des communes alentour. "On tablait sur un chiffre d’affaires de 60 000 euros pour être à l’équilibre. On a fait 80.000 l’an dernier et en 2014, ce sera encore plus !" L’épicerie renforce encore davantage le lien social. "C’est un lieu de vie supplémentaire, c’est important, analyse Vincent Munin. On y prend des nouvelles, les informations circulent. Pour ceux qui ne vont pas au café, c’est un moyen de socialiser."

Le village a fait le choix d'être alimenté par Enercoop, une coopérative de l’énergie qui privilégie les énergies renouvelables, qui y a installé son siège social. L'église du village a été rénovée et reçoit des associations de tous horizons. Le village compte 14 fermes, dont 12 sont aujourd’hui adhérentes au Cedapa (Centre d’étude pour le développement d’une agriculture plus autonome) qui promeut une agriculture durable. La commune est déterminée à favoriser l’installation d’agriculteurs écolos. Une Société Civile immobilière (SCI), qui regroupe une centaine d’associés dont la commune, des particuliers et des associations, sera constituée, pour soutenir les projets d’installations. La SCI pourrait racheter un local artisanal bientôt mis en vente. "On a pensé en faire une plateforme bois, explique Yvette Clément. Cela serait assez cohérent puisqu'un groupe d’agriculteurs de la commune lance un projet bois, destiné à voir comment protéger et valoriser au mieux cette ressource de la région".144

144 Guyonvarch Marion, "Trémargat, laboratoire d’alternatives et de démocratie participative à ciel ouvert", Autogestion villageoise, www.bastamag.net, 11 décembre 2014