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Description statistique des domaines magnétiques

3.3 Apports théoriques : calculs multiplets

3.4.3 Description statistique des domaines magnétiques

Nous nous sommes proposés de déterminer les paramètres pertinents pour décrire statisti- quement les structures de domaines magnétiques observées expérimentalement. Ce travail, ac- tuellement en cours, est réalisé avec l’aide de D. Bonamy. Dans cette partie, je vais décrire la procédure mise au point puis présenter les premiers résultats.

Nous nous sommes intéressés aux images X-PEEM de type [VLP L2Avs L2B] enregistrées sur des échantillons de α-Fe2O3/Pt(111), d’épaisseurs variables tα−F e2O3 comprises dans la gamme 3.5 nm - 30 nm. Les domaines blancs et noirs sont considérés dans cette étude comme des objets, à partir desquels on va déterminer un certain nombre de grandeurs. La démarche adoptée est la suivante :

– Une zone de l’image est sélectionnée afin de définir l’espace de travail sur lequel seront appliquées les différentes opérations.

– L’histogramme de cette zone est ensuite calculé, on détermine la valeur du seuil VS qui

sépare les deux populations de niveaux de gris (figure3.40).

– On "binarise" ensuite l’image (figure 3.41). Ce qui revient à définir en noir (niveau de gris=0) tous les objets dont le niveaux de gris est inférieur à VS et, de même, en blanc

(niveau de gris=255) tous les objets dont le niveaux de gris est supérieur à VS. On dis-

pose ainsi d’une image binaire, codée seulement sur deux niveaux de gris. Pour s’affranchir de la sensibilité au choix de la valeur de VS, les images binaires sont calculées pour 10-

VS ≤ V ≤ VS+10. La suite de l’analyse est ensuite réalisée sur cet ensemble d’images.

Plusieurs quantités sont alors évaluées :

– le périmètre des objets (Perim)

3.4 Propriétés magnétiques

Fig. 3.40: histogramme de l’image initiale.

Fig. 3.41: Images initiale et seuillées pour un échantillon de 20 nm α-Fe2O3/Pt(111)

gyration la grandeur : Rg = v u u t 1 N N X i=1 [(xi− xa)2+ (yi− ya)2] (3.18)

En d’autres termes, le rayon de gyration est défini de telle sorte que les moments d’inertie de l’objet et de la sphère le décrivant coïncident.

Fig. 3.42: Définition du rayon de gyration.

– les distributions cumulées P< de chacune de ces quantités (P<(A), P<(Rg), P<(Perim)).

La distribution cumulée d’une quantité X est définie par

P<(x) = P (X < x) = Z

3.4 Propriétés magnétiques

où pdf(x) est la densité de probabilité, qui peut s’écrire :

pdf (x) = Probabilité(X²[x −dx

2 ; x +

dx

2 ]) (3.20)

Dans notre cas, avec un faible nombre de mesures, il est préférable de calculer la distribu- tion cumulée plutôt que la densité de probabilité, car elle est moins sensible au bruit de l’analyse.

Les relations entre ces grandeurs vont nous permettre de caractériser notre système. Si un objet possède un caractère fractal, l’aire et le rayon de gyration des objets sont reliés par :

A ∝ Rdf 1

g avec df 1 la dimension fractale reliée à Rg (3.21)

Deux effets peuvent être responsables du caractère fractal de cette dimension : la présence de pores dans l’agrégat ou une interface très rugueuse. Pour cela on calcule la dimension fractale (D) de l’interface, de la façon suivante :

P ∝ Aα avec α = D 2 =

2 − ζ

2 (3.22)

ζ étant un coefficient de rugosité.

Ces deux dimensions fractales caractérisent complètement les propriétés d’échelle des agrégats et de leurs interfaces.

De plus, si les densités de probabilités des grandeurs X (pdf (X)) suivent des lois de puissance (pdf (X)∝ Xε), alors le système présente une invariance d’échelle, caractérisée par un exposant

critique ε.

A partir des quantités calculées sur nos images (A, Perim, Rg), nous avons établi les relations

entre celles-ci. Dans un premier temps, les objets blancs et noirs ont été traités séparément, mais cette distinction s’est avérée inutile. On observe exactement les mêmes évolutions avec les mêmes lois pour ces deux classes d’objets. Dans le but d’augmenter la statistique, nous ne les avons pas distingués dans la suite. De même, ces lois ne dépendent pas des épaisseurs des films de α-Fe2O3,

nous avons alors utilisé cet ensemble de données (objets blancs et noirs de toutes les images à tα−F e2O3 variable) pour améliorer la statistique.

On a reporté Rg et Perim en fonction de A sur la figure3.43. Ces données s’ajustent parfaite-

ment avec une loi de puissance, comme le montrent les droites sur la figure. On peut alors définir les deux dimensions fractales, qui caractérisent la structure des domaines antiferromagnétiques (pour plus de visibilité, les graphes sont lissés). On a :

3.4 Propriétés magnétiques

D=1.3 ⇒ ζ = 0.69

Des exposants de rugosité dont la valeur est comprise dans l’intervalle : 0.6<ζ<0.7 ont été mesurés dans des systèmes très différents, à savoir aussi bien dans des problèmes de fronts d’in- hibition de matériaux poreux [97, 98], que dans le cas de lignes de ruptures dans une feuille de papier [99, 100], de fronts de flamme (comme dans le cas d’un feu de forêt) [101, 102] mais aussi de croissance de bactéries [103, 104].

Plusieurs modèles ont été proposés pour reproduire ces exposants : la percolation dirigée [105], les polymères dirigés dans les matériaux aléatoires [106] et le modèle de fusible aléatoire [107]. Il a été récemment suggéré que les propriétés d’échelle des interfaces mises en jeu dans ces modèles et dans ces expériences appartenaient à une même classe d’universalité décrite par l’équation K-P-Z (Kardar-Parisi-Zhang) [108]. Le fait que l’on retrouve dans le cas des contours de do- maines antiferromagnétiques un exposant de 0.69 semble suggérer que ce système appartient à cette même classe d’universalité, et que les propriétés d’interface peuvent être décrites par une équation de type K-P-Z, qui prévoit un exposant de rugosité de 0.633. Des études sur l’effet Barkhausen dans un matériau ferromagnétique ont montré que les distributions en tailles et en durées des sauts Barkhausen suivaient les prédictions de la classe d’universalité K-P-Z [109]. Ce qui fournit un argument supplémentaire pour dire que notre système appartient à cette classe.

Le système possède également une invariance d’échelle, sur une gamme bien définie de taille comme le montrent les figures 3.44a, b et c. Les objets trop petits ou trop grands ont un com- portement différent. On définit les exposants critiques à partir des lois de puissance :

pdf (A) ∝ A−β (3.23)

pdf (Rg) ∝ R−αg (3.24)

pdf (P ) ∝ P−γ (3.25)

Les valeurs des exposants critiques pour les domaines antiferromagnétiques sont les suivantes :

α=2.0, β=1.6 et γ=1.9

Les coefficients α, β et la dimension fractale df 1ne sont pas indépendants. Ils doivent vérifier la relation suivante :

1 − α

df 1 − 1 = −βcal (3.26)

Avec les valeurs obtenues dans cette étude, l’écart ∆β =| βcal− β | vaut 0.05, ce qui est très

satisfaisant.

Cette propriété d’invariance d’échelle nous permet de dire qu’il n’y a pas d’echelle caractéristique dans ce système.

La structure des domaines antiferromagnétiques de couches minces de α-Fe2O3a été défini à l’aide de paramètres statistiques. On a dores et déjà mis en évidence le caractère fractale de ces structures, et on a déterminé trois exposants critiques issus des lois d’échelles. Physiquement,

3.4 Propriétés magnétiques

les phénomènes engendrant ce type de structures fractales résultent en général d’un équilibre entre une force qui tend au désordre et une autre qui tend à ordonner la matière. Ce travail se poursuit dans l’optique d’établir un modèle expliquant la morphologie des domaines à partir de ces considérations physiques.

(a) (b)