V. SEQUENCES DES BANQUETTES A MEGALODONTIDES
1. Description et organisation
Elles caractérisent le sommet de la séquence d’ordre 4 (Fig. II.3.1), avec le développement de séquences totalement ou à majorité dolomitiques, couronnées par une surface de dissolution et/ou d’émersion, elles marquent le comblement du milieu et son exondation temporaire (comblement de l’espace disponible). Les conditions d’installation, lors des inondations répétitives, créent peu à peu de l’espace disponible qui est à chaque fois comblé ; ceci est du au taux de productivité carbonaté qui est supérieur à la subsidence.
L’analyse sédimentologique révèle qu’il s’agit de séquences strato- et granocroissantes, décimétriques à métriques, progradantes (de plus en plus régressives) ; elles sont coiffées par des brèches de dessiccation –dissolution, affectées par une bréchification complexe et polyphasée ; la brèche monogénique renferme des fragments dolomitiques dont la dolomite de recristallisation. Cette dolomite s’agence dans une texture idiotopique imbriquée à hypidiotopique. Les cristaux de dolomicorsparite à dolosparite (50 à 100 μm), formant les éléments, se démarquent des grandes plages de macrocrisatux de dolosparite ferrugineuses colmatant les fissures (dolomitisation tardive).
2. Interprétation et discussion
Au cours des mouvements transgressives, au Trias supérieur - Lias inférieur, les fluctuations de la tranche d’eau semblent, en réalité, minimes et pelliculaires ; elles avancent peu à peu sur des plaines d’inondation planes. Le milieu de dépôt, qui relève de la zone intertidale à supratidale (margino-littorale), montre des confinements et un hydrodynamisme faible, favorable à l’installation des tapis algaires.
Les séquences génétiques, de courte durée, identiques à l’affleurement et à évolution progressive, dont les faciès sont très sensibles, enregistrent un enchaînement vertical du milieu ; une diminution suivie d’une augmentation de profondeur est notable. Le matériel stromatolithique calcaire ou dolomitique correspond aux maxima de profondeur, limité par une surface inter- à supratidale (surface d’inondation maximale).
Les motifs répétitifs argilo-carbonatés changent de configuration selon le type de séquence. Dans l’ensemble, et à l’échelle de l’unité lithologique, l’évolution traduit typiquement les fluctuations marines : les séquences argileuses indiquent les périodes de retrait et la réactivation des conditions évaporitiques, tandis que les séquences dolomitiques correspondent aux périodes de remontée et l’individualisation d’une plate-forme qui s’affirme de plus en plus.
Le contexte paléogéographique qui régnait dans l’ensemble de la région étudiée (Moyen-Atlas et Hauts Plateaux) au Lias inférieur (Hettangien - Sinémurien), s’apparente étroitement aux
environnements actuels de Sebkha et de lagunes hypersalines, tels qu’on les connaît aux Bahamas, dans le Golfe Persique (Sebkha d’Abu Dhabi) et dans l’île Bonaire, par exemple. Dans ces régions, les zones inter et/ou supratidales peuvent recouvrir des surfaces importantes, pratiquement planes, généralement encroûtés de produits salifères divers ; elles constituent les Tidals-flats ou Salt-flats. Ces milieux littoraux protégés, présentent des zones favorables au développement des algal-mats (laminae cryptalgaires) et à la précipitation de sédiments micritiques (Shinn, 1973 ; Purser, 1980, 1983). La présence des évaporites sulfatées (gypse et anhydrite) indiquent un climat aride, chaud et sec, semblables à celui des Sebkhas Actuels ; les ostracodes indiquant un milieu saumâtre et calme.
Figure II. 3.1- Séquences d’installation des environnements argilo-carbonatés (Trias supérieur -Lias basal)
IV. SEQUENCES STROMATOLITHIQUES
1. Description lithologique
Séquences caractéristiques du Lias inférieur du bassin de Taourirt (Formation de Jbel Narguechoum, Fig. II.3.2), elles montrent un cachet littoral évident et sont constituées de sédiments dolomitiques à laminations cryptalgaires (stromatolithes), pseudomorphoses de gypse, brèches de dessiccation -recristallisation, et montrent des structures d’émersion (mud-cracks et bird-eyes).
En dépit de son apparente uniformité et de sa lithologie entièrement dolomitique, l’inventaire
des lithofaciès et des structures sédimentaires révèle une certaine diversité dans la sédimentation, puisque quatre types de faciès y ont été distingués. Ce sont les calcaires boundstones stromatolithiques à structures fenestrées, les dolomies boundstones à peloïdes, pseudo-oncolithes et agrégats, les dolomies stromatolithiques homogènes, et les brèches à éléments algaires (Thaumatoporella sp.).
2. Organisation séquentielle
Les séquences génétiques ou paraséquences de 4ème ordre, grano- et stratocroissantes, débutent
par des boundstones stromatolithiques et se terminent par des dolomies bréchiques. Ces dolomies bréchiques à stromatolithes, engendrées par des phénomènes de dessiccation -dissolution des tapis
148 Les boundstones pelletoïdaux à pseudo-oncoïdes, constituant le terme médian des séquences, correspondent à des dépôts inter- à supratidaux, faiblement transportés, qui ont été piégés et stabilisés par les tapis algaires de la zone supratidale.
3. Interprétation et discussion
Les séquences de 5ème ordre, grano- et strato-décroissantes, sont agencées en séquences de 4ème
ordre qui indiquent l’installation progressive de la plate-forme carbonatée liasique, faisant suite aux dépôts évaporitiques lagunaires du Trias supérieur – Lias basal.
Les dolomies stromatolithiques, à la base, et bréchiques au sommet des séquences évoquent le comblement et la progradation littorale. Des niveaux à oncoïdes et/ou à peloïdes s’intercalent entre ces deux faciès ; ils traduisent des courants de marées.
Figure II. 3. 2 - Séquence d’Installation stromatolithique du Lias inférieur et moyen. V. SEQUENCES DES BANQUETTES A MEGALODONTIDES
1. Description et organisation
Ce sont des séquences typiques des dépôts margino-littoraux ; elles se caractérisent par l’abondance des grands bivalves (Lithiotis, Gervilleioperna), et sont formées de deux à trois lithofaciès totalement dolomitisés (Fig. II.3.3a) :
- Les dolomies stromatolithiques à bird-eyes ; - Les dolomies bréchifiées à peloïdes et bird-eyes ;
- Les dolomies homogènes.
a. Les Dolomies stromatolithiques
Ce sont des dolomicrites à dolomicrosparites à pseudo-laminations (laminae cryptalgaires) montrant quelques structures d’émersion ou bird-eyes remplies d’un ciment polyphasé dolmicritique, dolosparitique, puis dolomicritique. Le premier remplissage est géotrope, le deuxième est un ciment précoce, le troisième est une micrite d’infiltration colmatant les fissures. Quelques fantômes bioclastiques
b. Les Dolomies à Mégalodontidés
Plus riche en macrobioclastes, que le membre précédent, ils sont constitués, également, de dolomicrite à dolomicrosparite de recristallisation à texture idiotopique. La dolomite de recristallisation montre des structures de dessiccation, liées à une émersion prolongée en milieu supratidale, mud-cracks et/ou bird-eyes. Au sommet de la séquence, parfois, des keyston-vugs à remplissage dolosparitique, tapissant les parois avec au centre des macrocristaux de sparite. Ce membre est très riche en bivalves à tests épais recristallisés du genre Lithiotis (Megalodontides) et renferme des peloïdes et quelques foraminifères recristallisés.
c. Les Dolomies homogènes
Totalement dolomitique, ils montrent un microfaciès de dolomicrosparite à dolosparite, qui présente la même organisation que le terme précédent, mais il est pauvre en macro- et micro-faune et affiche des structures d’émersion (bird-eyes).
2. Interprétation et discussion
Ces séquences génétiques mineures, périodiques, sont rétrogradantes ; prises dans leur ensemble, elles marquent un approfondissement du milieu. Chaque séquence (Fig. II.3.3a et 3b) est grano- et strato- décroissante de type fining-up, thining-up et deepening-upward. La base de ces séquences est marquée par une surface de ravinement, majeure, qui coïncide avec la limite Trias supérieur - Lias inférieur, mettant en contact les argilites rouges évaporitiques et les dépôts carbonatés du Lias inférieur.
Ainsi, l’évolution du milieu se fait dans le sens d’une augmentation de la profondeur. Les conditions du milieu sont favorables à l’édification des banquettes récifales à Megalodontidés, on passe des argilites rouges (milieu continental) aux dolomies stromatolithiques (milieu inter- à supratidal) jusqu’aux dolomies à Megalodontidés (milieu subtidal supérieur). Cependant, les sédiments, intensément dolomitisés, marquent les transformations diagénétiques qui accompagnent les intervalles de comblement.
Les dépôts de ce cortège transgressif (ou intervalle transgressif), à la base du Lias, marquent l’avancée marine avec la remontée du niveau marin relatif et la création d’espace disponible pour l’accumulation des sédiments carbonatés.
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Figure II.3.3 b - Séquences loféritiques types (Fischer, 1964) (b) Transgressive, deepening-upward; (c) Regressive, shallowing-upward
B/ SEQUENCES D’INONDATION DE PLATE-FORME CARBONATEE
Les séquences d’inondation littorales se caractérisent par la coexistence de sédiments supratidaux (dolomies et argilites) et de sédiments plus marins (subtidaux à infratidaux), ainsi que par une évolution du pôle marin vers le pôle continental observée dans toutes les séquences dites d’inondation. Cette évolution traduit une migration globale de la zone littorale des unités génétiques successives vers la mer. Trois types de séquences ont été distingués :
• une séquence argilo-dolomitique (Fig.II.3.4) correspondant à l’inondation éphémère de la plate-forme carbonatée, caractérisée par le comblement et les émersions temporaires ;
• une séquence argilo-carbonatée (Fig.II.3.5) correspondant à l’inondation prononcée d’une plate-forme littorale ;
• une séquence exclusivement dolomitique (Fig.II.3.6) correspondant aux phases d’émersions prolongées.