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5.2 Processus d’érosion/déformation avec immiscibilité entre le substrat fluide

5.2.1 Description macroscopique de la transition solide/liquide

On donne ici une description qualitative du comportement du lit sédimentaire pour les deux types de gel (gel de carbopol et gel mixte laponite-carbopol) dans le cas de l’écoulement du WSP (nombre de Reynolds de 14900).

Pour ce régime d’écoulement, il n’y a pas de manifestation très remarquable outre des mouvements vibratoires de la surface du substrat fluide homogène, lorsque la sec-tion de mesure correspond totalement au fond du canal (durées d’observasec-tion de 5000 et 5600s, respectivement pour les gels de carbopol et de laponite-carbopol). La contrainte de cisaillement induite par l’écoulement est seulement capable de créer des déformations élastiques du lit cohésif. Aussi, il importe de souligner que le niveau de vibration de la sur-face du substrat carbopol s’avère être plus faible que celui du substrat laponite-carbopol. Cette observation est logique car le module élastique mesuré dans le domaine solide à l’aide d’essais en oscillation montre que celui du gel de carbopol est environ deux fois plus grand que celui du gel mixte laponite-carbopol.

5.2 Processus d’érosion/déformation avec immiscibilité entre le substrat fluide et le fluide d’entraînement

Les principales évolutions macroscopiques des substrats fluides confinés dans une sec-tion d’érosion réduite (S1.33) sont schématisées sur la figure 5.12. Comme le cas du sub-strat carbopol S100, la surface du lit de carbopol S1.33 (figure 5.12(a)), qui est stable à l’état initial, commence à vibrer au bout d’un certains temps sous l’effet de la contrainte hydrodynamique turbulente. Le niveau de la vibration (déformation), dépendant de la distribution de la contrainte de cisaillement, n’est pas unique sur toute la section confinée de l’échantillon. A la fin de l’essai d’une durée de 9200 s, on remarque qu’il y a une pe-tite quantité de carbopol sur le bord du substrat rigide situé à l’aval de l’écoulement. La configuration du fond S1.33 permet d’obtenir un régime turbulent plus intense que celui généré dans le cas où le substrat fluide occupe tout le fond et interagit avec l’écoulement par amortissement (du fait des propriétés viscoélastiques). La contrainte de cisaillement au fond est localement au-delà de la résistance mécanique du gel de carbopol si bien que la transition solide/liquide s’opère et le substrat s’écoule. On peut supposer qu’il faut encore plus de temps pour que le petit bloc de carbopol restant sur le bord du substrat rigide puisse croître en taille pour être complètement détaché par l’écoulement.

Figure 5.12: Schématisation des principales évolutions macroscopiques des sédiments modèles en section confinée (S1.33) soumis à l’écoulement du WSP (Re = 14900). La croix correspond au point d’observation (rf = 139,5 mm). La flèche matérialise le sens de l’écoulement. Les zones grisées indiquent les pertes de matières. Les zones blanches qui apparaissent sur le substrat rigide en noir sont de la matière écoulée et/ou arrachée.

5. Comportement des sédiments modèles soumis à une contrainte de frottement hydrodynamique

de section S1.33 (figure 5.12(b)) toujours pour le même régime d’écoulement. Ce scénario d’évolution montre qu’après un temps suffisamment long, une quantité du gel de laponite-carbopol s’écoule et monte d’abord sur le bord du substrat rigide, vraisemblablement en même endroit que celui observé dans le cas du gel de carbopol. Cette quantité de matière est ensuite détachée du lit, puis transportée en roulant sur le fond (transport par charriage), et plaquée sur la paroi intérieure du canal annulaire où sont présentes les faibles vitesses d’écoulement. Cet élément transporté est capable de perturber ou modifier la structure d’écoulement du fluide d’entraînement comme l’ont prouvé précédemment les profils de vitesse (figure 5.9). Il importe de noter que la forme du morceau de gel transporté varie instantanément selon la distribution de la vitesse au fond, mais elle est fortement étirée verticalement. Elle prend la forme d’une lentille circulaire au repos. Les blocs de gel de différentes masses, qui sont arrachés les uns après les autres, se déplacent à différentes vitesses bien inférieures à celle d’écoulement, puis se regroupent au bout d’un certain moment pour former un bloc plus grand (phénomène de coalescence). Les blocs érodés ne sont pas mis en suspension car leur poids propre est plus élevé que la force de portance induite par l’écoulement. Les paquets de matière naissent de la même manière. Une partie du substrat s’écoule et forme une langue sur le substrat solide toujours au même endroit, pour finir par se détacher. La matière quitte d’abord la zone circulaire de confinement au niveau de la zone avale la plus externe puis la progression s’effectue à contre courant en suivant le contour de la cavité circulaire. La matière restante en fin d’expérience est alors une lentille de 2 mm d’épaisseur (hauteur initiale du substrat fluide).

Les résultats présentés semblent mettre en évidence un même scénario initial de tran-sition solide/liquide du substrat fluide avec toutefois une dynamique différente selon la nature du gel employé. Tout comme l’étude rhéométrique l’avait montré, le caractère thixotrope induit des dynamiques de transition solide/liquide plus “rapide”. Cela est ac-centué, par ailleurs, par le fait que le seuil de contrainte du gel mixte laponite-carbopol est un peu plus faible que celui du gel de carbopol. De plus, la contrainte de cisaillement étant définie par la contribution d’un terme moyen et d’un terme fluctuant (contrainte de Reynolds), on peut légitiment s’interroger sur l’influence de ce second terme (en termes de fréquence et d’intensité) sur la dynamique de transition.

En outre, il faut prendre en considération que le champ de cisaillement, qui n’est pas uniforme, mais vraisemblablement reproductible d’un essai à un autre en début d’expé-rience, va constamment évoluer au fur et à mesure que la topographie du substrat fluide se modifie.

L’autre aspect qui ressort de ces observations est qu’il y a une forte interdépendance entre la nature du substrat et le champ hydrodynamique résultant pour des conditions d’entraînement identique, ce qui conditionne, par conséquent, la naissance du phénomène de transition solide/liquide. Ce couplage fait que l’on ajuste moins facilement le niveau de contrainte dans une configuration d’essai d’érosion que dans celle d’un essai rhéométrique. La question de savoir comment le substrat confiné dans une cavité circulaire du fond est capable de s’en échapper par écoulement reste ouverte. L’existence de structures tour-billonnaires en épingles à cheveux, étirées de façon incohérente dans le sens de l’écoule-ment, et dont l’extrémité s’écarte du fond par auto-induction, pourrait en être à l’origine [63].

5.2 Processus d’érosion/déformation avec immiscibilité entre le substrat fluide et le fluide d’entraînement

Dans le cas du substrat laponite-carbopol S1.33, la modification de la topographie s’étend jusqu’à la zone située à la verticale du point d’observation microscopique du rhéoscope1 (position matérialisée par une croix sur la figure 5.12). Le suivi temporel de l’épaisseur du substrat (figure 5.13) permet alors de constater une évolution, ce qui n’est pas le cas pour le gel de carbopol. Avant de faire l’analyse, il faut rappeler que les déformations locales du substrat fluide S1.33 ne sont pas identiques sur toute la section de mesure. 0 0.5 1 1.5 2 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 ef (mm) t (s) (1) (2) (1)

Figure 5.13: Evolution temporelle de l’épaisseur du substrat laponite-carbopol S1.33 sous l’entraînement du WSP (Re = 14900). Les notations (1) et (2) indiquent les diffé-rentes étapes d’érosion du substrat durant l’essai. La valeur àt = 0 s est celle associée à la position maximale de netteté bien que l’épaisseur soit de 2 mm (cf. chapitre 2, section 2.9.3). On change la focalisation lorsque le nombre de particules présentes dans le champ image devient approximativement inférieur à 10.

Les résultats obtenus présentent trois étapes d’évolution. Pour la première, l’épaisseur du lit de carbopol diminue graduellement d’une valeur initiale de 1,776 mm à environ 1,6 mm pendant 1400 s. Pour la deuxième, cette dernière diminue plus fortement avec une perte d’épaisseur de 1,1 mm en seulement 600 s. Pour la dernière (au-delà de 2000 s), l’épaisseur du lit continue à décroître avec approximativement le même taux de décrois-sance que celui obtenu lors de la première étape. En confrontant ces résultats avec les observations macroscopiques précédentes (figure 5.12(b)), on peut constater que la perte temporelle de l’épaisseur du substrat est due au fait que la matière en aval, déplacée et même transportée par l’action de l’écoulement hydrodynamique, permet à la matière de zones plus amont, et entre autre au niveau du point d’observation, de se déplacer égale-ment si le niveau de contrainte est suffisant pour induire la transition solide/liquide (nous aurons la confirmation de ce point ultérieurement). Lorsqu’il n’y a plus suffisamment de matière facilement érodable, l’écoulement agit sur une nouvelle zone plus en amont. Lorsque la zone concernée est quasiment à la verticale du point d’observation, on observe une dynamique d’érosion plus intense. Enfin, lorsque l’érosion se concentre, de nouveau, sur une zone hors du champ d’observation, on observe juste une perte locale de matière

5. Comportement des sédiments modèles soumis à une contrainte de frottement hydrodynamique

qui s’écoule dans la continuité de la matière arrachée plus en amont et qui passe au ni-veau de la zone d’observation. On retrouve alors une évolution d’épaisseur “semblable” à la première étape.

En outre, il semble que le substrat dans la zone de visualisation ne peut plus se déplacer (période 4200–8500 s) lorsque son épaisseur atteint une valeur suffisamment faible (< 100 µm). Ces caractères mettent en évidence l’existence de l’évolution spatiale de la contrainte de cisaillement à mesure que la topographie du substrat évolue. La frontière en forme de croissant entre le domaine où le gel reste présent et celui où il a été érodée est peut-être une caractéristique résultante d’une localisation du cisaillement/d’une fracture ?